Le jeudi 27 janvier dernier, Xiamora Castro a été investie première présidente du Honduras pour un mandat de quatre ans. Les promesses sont belles, mais une crise politique a déjà débuté avant même le jour de l’investiture de la nouvelle présidente, preuve que Mme Castro devra se battre pour les respecter.
Photo : RS Suisse
Xiamora Castro, première femme élue à la tête d’un des pays les plus dangereux de l’Amérique centrale, le Honduras, a été investie le jeudi 27 janvier 2021. Issue d’un parti représentant une fraction de la gauche hondurienne, elle fait suite à un gouvernement aux mains du parti de droite ou du parti libéral depuis toujours. Elle a d’ailleurs critiqué la gestion du pays par la droite qui était au pouvoir les huit dernières années, preuve qu’elle veut s’en détacher, et choisir d’autres chemins pour gouverner son pays.
Mme Castro a ainsi profité de son investiture pour annoncer ses promesses dans le but de redresser un pays gangrené par la corruption et l’influence des narcotrafiquants. La plus grande, et la principale qui caractérisera son investiture, est celle de l’instauration d’un « État socialiste et démocratique », et de concentrer ses efforts sur « l’éducation, la santé, la sécurité et l’emploi ». Le pays demande en effet à être repris en main alors que sa dette publique s’élève à 17 milliards de dollars, et que l’on parle de « banqueroute » depuis plusieurs années déjà. La population vit dans de mauvaises conditions. La présidente a présenté un pourcentage élevé de la population vivant sous le seuil de pauvreté, 74 %. Et même si les chiffres officiels sont plus bas, ils restent supérieurs à 50 %.
Les annonces de Mme Castro respectent aussi un échange qu’elle avait eu au mois de décembre avec la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris d’ailleurs présente lors de son discours d’investiture. Les deux femmes souhaitent travailler main dans la main. Et les relations entre le Honduras et les Etats-Unis sont importantes car beaucoup de migrants qui passent la frontière mexicaine pour rejoindre leur American Dream fuient en fait la violence des gangs qui les terrorisent au Honduras. Kamala Harris a encouragé la présidente à lutter contre la corruption qui est également considérée comme une autre cause d’émigration massive vers la « terre promise ».
Afin de faire passer ses réformes dans un pays depuis de longues années sous la gouvernance du parti national de droite ou du parti libéral, et sous l’emprise de la corruption et des narcotrafiquants, Castro a besoin du Parlement. Un premier problème est que son parti et ses alliés n’y disposent pas de la majorité.
De plus, une crise politique s’est déclenchée le 21 janvier avec deux présidents élus pour un même Parlement. En fait, les dissidents de Libre, le parti de la présidente, ont refusé d’honorer un accord entre leur parti et des alliés d’un autre parti de gauche, le parti Sauveur du Honduras dont le soutien a été déterminant pour la victoire de Mme Castro lors du scrutin de novembre. Aux termes de cet accord, Luis Redondo, du Parti Sauveur du Honduras, devait être élu président du Parlement. Il avait ouvert quelques heures avant l’investiture de sa présidente une session de « son » Parlement, lors de laquelle il a été élu par 40 députés titulaires et un nombre à peu près égal de députés suppléants. Le dissident Jorge Calix du parti Libre a quant à lui dirigé une autre session alternative par vidéoconférence, lors de laquelle il a été élu par 70 des 128 parlementaires titulaires, dont plusieurs députés du Parti national d’opposition, certains libéraux et le seul représentant du Parti anti-corruption.
La crise peine à se résoudre d’autant plus qu’elle s’est déplacée ces derniers jours sur le domaine juridique. En effet, les deux présidents ont engagé des recours auprès de la Cour Suprême n’acceptant pas la présidence de l’autre. Pourtant, la présidente avait tenté de régler le différend en proposant à Jorge Calix un haut poste dans son gouvernement. Celui-ci n’y a toujours pas répondu, et insiste pour être à la tête du Parlement en prenant à part la juridiction suprême. Chacune des deux assemblées continue donc de revendiquer la légitimité de la représentation parlementaire et exprime sa loyauté sans faille à la présidente élue, ainsi que son soutien au programme de celle-ci.
Cette première crise provoque déjà des incertitudes quant à la mise en place du programme de transformation de Mme Castro au Honduras. Le roi d’Espagne Felipe VI, également présent lors de l’investiture, a demandé que le différend sur l’élection de la direction du nouveau Congrès hondurien soit résolu par le dialogue, ce qui n’est pas le cas pour le moment.
Après les élections de Pedro Castillo au Pérou et Gabriel Boric au Chili en 2021, il semble que l’Amérique centrale suive le mouvement à l’œuvre dans l’Amérique latine ces derniers temps, avec un retour de la gauche au pouvoir au Honduras. Tous subissent déjà des crises politiques au sein de leurs gouvernements, et vont devoir s’employer à les résoudre pour respecter leurs belles promesses d’égalité sociale et de réformes de systèmes existants gangrenés par la corruption.
Julie DUCOS