Extraits du premier discours de Gabriel Boric prononcé dans la soirée du dimanche 19 décembre au cœur de Santiago du Chili

Le nouveau président du Chili, Gabriel Boric, du parti « Apruebo Dignidad » (« Pour la dignité »), a tenu son premier discours après sa victoire contre José Antonio Kast. Tout en faisant remarquer que « le monde entier avait les yeux sur lui », il a résumé : « L’espoir a vaincu la peur. »

Photo : Alghazira

Avant 20 h 30, deux heures et demie après la fermeture des bureaux de vote, avec 99,66 % des bulletins dépouillés, Gabriel Boric était clairement vainqueur, fort de 55,86 % des voix contre 44,14 % pour José Antonio Kast. Après s’être entretenu avec son adversaire vaincu – une tradition institutionnelle au Chili – il a tenu le discours tant attendu face au brouhaha de ses électeurs. Il s’est exprimé en espagnol et de façon surprenante en aymara, Rapa nui (langue de l’île de Pâques) et en mapuche. « Merci à tous les gens et les peuples qui vivent dans cet endroit que nous nommons Chili. Ce qui importe c’est votre vote, votre présence, votre implication pour ce pays qui est à toutes et à tous. » Après cette entame, il a poursuivi avec une allusion historique à la dictature d’Augusto Pinochet : « Cela n’arrivera plus qu’en un jour si important, remarquable, on prive les gens de leur droit de vote, quels que soient les motifs. » « Plus jamais d’impunité », a-t-il rajouté. « Jamais, sous aucun prétexte, nous ne permettrons à nouveau à un président de faire la guerre à son propre peuple. »

« Cette campagne a dépassé toutes nos attentes et il a fallu cette mobilisation pour arriver à ce triomphe sans appel. Cet investissement que vous avez manifesté ces derniers mois ne doit pas s’arrêter à l’issue de cette élection. » Il a souligné que cet engagement « sera nécessaire pendant tout notre mandat afin que nous puissions mener à terme le processus que nous avons commencé pas à pas. » Il a plaidé pour « un Chili vert et plein d’amour », avec une place particulière pour « les dissidences et les différences », alors que le pays vient d’autoriser le mariage entre personnes du même sexe, et pour les femmes. « Je veux que vous sachiez que pour notre gouvernement, la non-discrimination, la lutte contre la violence envers les différences et les femmes, va être fondamental, avec l’aide des organisations féministes. »

Il aussi remercié ses adversaires politiques, citant à deux reprises José Antonio Kast. « L’avenir du Chili a besoin de tous et j’espère que nous aurons la maturité pour compter sur vos idées et vos propositions dès le début de mon mandat. Au-delà de nos différences, surtout avec Kast, nous saurons bâtir des ponts pour un avenir meilleur, pour tous nos compatriotes. C’est ce que le peuple nous demande aujourd’hui. » Toutefois, bien que « l’espoir a vaincu la peur », le Chili « va avoir besoin de faire de larges alliances pour des progrès substantifs », a-t-il dit, insistant sur les valeurs de la démocratie.

« Je viens de loin, du sud, de Magallanes, presqu’en Antarctique, et j’ai trente-cinq ans. » Ainsi se présente le nouveau président du Chili. « Je sais parfaitement que l’histoire ne commence pas avec nous. Je me considère comme héritier et je sens que notre projet est issu d’un long processus historique, celui de ceux qui ont infatigablement recherché la justice, l’essor de la démocratie, la défense des droits humains, la sauvegarde des libertés. Telle est ma grande famille, que je voudrais voir réunie pour cette nouvelle étape qui démarre aujourd’hui. Nous sommes face à un changement de cycle historique et nous ne devons pas le négliger. » Ila également donné son point de vue sur l’actualité : « Les périodes à venir ne vont pas être faciles ; nous allons devoir gérer les conséquences sociales, économiques et sanitaires de la pire pandémie jamais vécue par le pays en plus d’un siècle, ainsi que les motifs d’une crise sociale encore très présente. (…) Les attentes en matière de justice et de dignité sont encore vives dans le cœur des gens. »

Tout au long de son discours, il a rappelé « les défis » que son gouvernement va devoir affronter, réclamant un système de Santé « non discriminatoire entre riches et pauvres », critiquant les Administrations de fonds de retraites et appelant à la vigilance sur le thème du logement. Il a poursuivi en appelant à « des quartiers libérés du trafic de stupéfiants » et a rappelé l’importance de la crise climatique (« ne pas détruire des écosystèmes uniques sera prioritaire »). « J’accepte ce mandat avec humilité et un énorme sens des responsabilités car nous sommes face à un travail de Titans. Je sais que l’avenir de notre pays va se jouer dans les années à venir. » « Dès demain, nous auront beaucoup de travail. Notre gouvernement sera sur le terrain et les décisions se prendront avec les gens, pas seulement au Palais de La Moneda. Je donnerais le meilleur de moi-même pour être à la hauteur de votre confiance. N’oublions pas : justice, vérité, respect. » Enfin, il a tenu à clore son discours avec une formule de conclusion peu courante : « Continuons. »

Appel de Sebastián Piñera

Le président actuel, Sebastián Piñera, a appelé son successeur pour le féliciter et fixer, dès lundi, une réunion commune au Palais de la Moneda, et a déclaré « Il s’agit d’une des plus fortes participations citoyennes depuis longtemps. La démocratie s’est tenue et les Chiliens en ont donné l’exemple ; vous y avez participé et je vous en félicite. » Lors de cet appel téléphonique, il a salué le futur président, le plus jeune à assumer cette fonction dans l’histoire du pays. « C’est un honneur pour moi de m’entretenir avec vous et, par ce biais, m’adresser à tous les Chiliens et toutes les Chiliennes qui nous écoutent. Je veux que vous sachiez que je vais donner le meilleur de moi-même pour être à la hauteur de ce grand défi. » lui a répondu Boric. « Je vous remercie pour votre appel, il est important de respecter les traditions de la République. J’ai reçu l’appel de José Antonio Kast, qui parle très bien du Chili, de notre démocratie ; c’est quelque chose que nous devons conserver, renforcer et entretenir. » Ce à quoi Piñera répondit : « L’histoire nous a appris que lorsque nous prenons les chemins de l’unité, de la paix, du dialogue, de la collaboration et de l’entente, tout va bien pour le Chili et les Chiliens. Lorsque nous nous divisons par des guerres intestines, les chose finissent mal. »

D’après Clarín

Traduit par Fabrice Bonnefoy
et Natalia Martin

Version en espagnol via YouTube ici