La déflagration des « Pandora Papers » au Chili. Le président de la République sur la sellette

Le Procureur général du Chili a lancé une enquête judiciaire sur les implications du président de la République Sebastián Piñera à la suite du scandale retentissant des « Pandora Papers ». L’opposition quant à elle a présenté une accusation constitutionnelle devant le Parlement.

Photo : France 24

Le Ministère public (Procureur général) a annoncé une enquête sur l’affaire de la vente millionnaire par Sebastián Piñera de la mine Dominga, et le placement des montants de la vente dans le paradis fiscal des Iles Vierges Britanniques. Lorsque le scandale des « Pandora Papers » a éclaté, parmi la long liste de noms des leaders du monde impliqués, figure celui de Sebastián Piñera. Tout est parti du Consortium international de journalistes d’investigation, qui a ouvert la boîte du dénommé « Pandora Papers ». Ces journalistes ont travaillé sur plusieurs années et sur presque douze millions de documents et archives et découvert que la richesse de certains leaders politiques ou des milliardaires de ce monde se trouvait dans des paradis fiscaux. 

La nouvelle fit rapidement la une des médias du monde entier. La BBC (Angleterre), El País (Espagne), Reuters (Angleterre), Afp (France), Clarín (Argentine), Infobae (Argentine) ou Sputnik News (Russie), entre autres, ont ainsi remarqué que parmi la liste, figurait celle du président milliardaire de droite, le Chilien Sebastián Piñera. On a ainsi appris qu’en 2010 lors de son premier mandat (2010-2015), il avait vendu à son riche ami Carlos Délano sa part dans le projet minier Dominga pour la somme de 152 millions de dollars. Le paiement de la transaction en trois versements était conditionné à ce que le site ne soit pas déclaré « zone de protection environnementale » ni transformé en réserve nationale. Le projet minier et portuaire fortement contesté dans la région de Coquimbo (centre-nord) est situé dans une réserve nationale hébergeant une grande biodiversité et entre autres 80 % des pingouins de Humboldt. Le journal El País signale que déjà en 2017 on avait initié une enquête au sujet de Dominga, mais la justice chilienne n’avait pas eu accès au document original de l’accord commercial, en anglais, souscrit dans les Iles Vierges Britanniques. 

Le Procureur général a pris cette décision considérant que ces faits pourraient constituer des délits de corruption et des délits d’ordre fiscal. La BBC explique pour sa part les détails de Dominga signalant que la vente de ce projet minier a provoqué une polémique depuis quelques années au Chili pour sa proximité avec l’archipel de Humboldt (un ensemble de huit petites îles abritant un des écosystèmes les plus riches du monde) et que, malgré les pressions des groupes de défenseurs environnementaux, Sebastián Piñera est resté totalement indifférent. 

La boîte des « Pandora Papers » contient d’autres révélations sur les sociétés de la famille du président chilien dans des paradis fiscaux et confirme que les actifs que possèdent les quatre enfants Piñera proviennent de donations du père et des gains provenant de ses affaires. On apprend aussi que peu avant son deuxième mandat, en 2018, Piñera avait transféré la société propriétaire du parc Tantauco (situé dans l’île de Chiloé et hébergeant une faune et une flore très riches), aux Iles Vierges Britanniques ainsi qu’a une autre société basée au Luxembourg. La Fondation Future de la famille Piñera Morel, administre ce parc de plus de cent-mille hectares où il existe une très grande diversité. Il semblerait que ces deux sociétés aient été ensuite dissoutes. La fortune du président Sebastián Piñera a fait l’objet de nombreuses enquêtes journalistiques, grâce auxquelles on sait qu’au moins quatre sociétés se trouvent dans le secret des paradis fiscaux et le travail du Consortium de journalistes d’investigation apporte de nouveaux éléments. 

D’autres agences internationales, telles que l’espagnole Efe, ont signalé que les réactions face au scandale ne se sont pas fait attendre, d’autant plus que dans un mois, en novembre, se dérouleront les élections présidentielles. L’opposition pense que l’actuel président ne pourrait peut-être pas terminer son mandat si l’accusation constitutionnelle progressait et les candidats de la droite à cette élection s’inquiètent des retentissements de cet affaire. Le processus politique du Parlement pourrait se terminer par une destitution sans précédent dans le pays.Le lendemain de la déflagration internationale, Piñera rentrait au Chili après une tournée à l’étranger. Il se préparait déjà à son prochain voyage à Glasgow, en Écosse, où il comptait assister à la COP26. Bien sûr, il a dû annuler ce voyage. 

Olga BARRY