Guido Bellido renonce à la présidence du conseil des ministres péruvien

Après seulement soixante-neuf jours au pouvoir, Guido Bellido quitte le gouvernement péruvien de Mr Castillo et renonce ainsi à la présidence du conseil des ministres. Une nouvelle célébrée par l’opposition et les médias, aux vues de toutes les polémiques dans lesquelles est impliqué cet homme.

Photo : BBC

Une décision drastique a été prise au niveau du gouvernement péruvien ce 6 octobre. À la suite d’une demande de la part de son chef d’État, Guido Bellido, adhérent du parti au pouvoir ‘’Perú Libre’’ et premier ministre depuis deux mois et sept jours, a démissionné de son poste. Seulement quelques heures plus tard, le président Pedro Castillo a nommé comme successeur Mirtha Vásquez, l’ex-présidente du Congrès et parlementaire pour la coalition progressiste et socialiste ‘’Front large’’, preuve que Pedro Castillo avait bien souhaité cette démission. Pedro Castillo était en fait sous la pression du Congrès de l’opposition, de la presse dominante et d’autres membres du gouvernement. La figure de l’ex-premier ministre est en effet entachée de plusieurs scandales et ses opinions, jugées extrêmes, sont bien loin de faire l’unanimité. 

Bellido est identifié comme un proche du fondateur du parti Perú Libre, Vladimir Cerrón, personnage lui aussi très controversé, que l’on associe souvent à la gauche radicale. Pourtant du même parti que le président péruvien qui lui a ordonné de quitter son poste, les deux hommes avaient des points de divergences assez fondamentaux dans leurs manières d’appréhender la politique et d’agir dans la société. Certains membres du parti ont néanmoins accusé Castillo de « trahison » pour cette décision. 

Bellido s’est fait remarquer principalement via une polémique autour de sa défense affichée sur les réseaux sociaux de l’ex-guérilla communiste du groupe ‘’Sentier lumineux’’, une partie-prenante du conflit armé péruvien des années 1980 et 1990. Une enquête de délit d’apologie du terrorisme a donc été ouverte en mai 2021. Des membres des communautés LGBTI ont en outre qualifié l’ex premier ministre d’homophobe à la suite de commentaires polémiques réalisés sur les réseaux sociaux. Il est également engagé dans de nombreuses enquêtes fiscales à son encontre, notamment dans un cas de blanchiment d’argent pour le financement de la campagne de ‘’Perú Libre’’. En seulement deux mois, Bellido est au centre de multiples controverses avec ses ministres : il ne se gênait pas pour contredire ses conjoints et reprendre le président, au point de créer une tension permanente au sein de l’exécutif. Accusé d’agression verbale envers une députée, Bellido a participé à lui-seul à installer une tension entre le congrès et l’exécutif.  

Bellido éprouve en outre de la sympathie pour le gouvernement de Nicolás Maduro au Venezuela, défend le gouvernement cubain et affirme que la démocratie existe bel et bien sur l’île. Il soutient donc les « autres » gauches du sous-continent latino-américain, pas forcément supportées et approuvées par les pays étrangers ou les autres politiques de son pays, ce qui le distingue de Pedro Castillo qui avait bien affirmé lors de sa prise de fonction fin juin 2021 sa volonté de ne pas copier les modèles vénézuéliens ou cubains. La personne de l’ex-premier ministre n’est donc pas appréciée unanimement. Beaucoup ont jugé son entrée dans la politique beaucoup trop rapide, inattendue, voire illégitime. Cet homme était un ingénieur et novice lorsqu’il a été élu membre du Congrès en avril 2021 puis premier ministre deux mois plus tard.

La quasi-totalité des médias célèbrent la nouvelle de son départ. Pour le quotidien péruvien El Comercio, le départ du Premier ministre est une bonne nouvelle. « Cette personne n’aurait jamais dû accéder à ce poste » peut-on lire dans l’éditorial. La présidente du Parlement, MarÍa del Carmen Alva, un parlement dominé par l’opposition de droite, s’est également déclarée satisfaite de cette démission. Qui est donc la remplaçante de Bellido ? Il s’agit de Mirtha Vásquez, une militante de l’environnement et des droits humains, avocate de 46 ans qui représente une gauche plus modérée. Pour certains médias, l’arrivée de Vásquez au pouvoir n’est pas spécialement une porte ouverte au changement. Le journal conservateur péruvien La Razón affirme que pour lui, le gouvernement Bellido et le gouvernement Vásquez, « c’est du pareil au même ». Pour l’éditorialiste, l’objectif de cette nouvelle équipe n’est guère différent de l’objectif de l’ancienne : « ils veulent détruire l’économie péruviennes, briser le moral du pays et implanter un régime marxiste »

Le gouvernement de Castillo est donc contraint de s’adapter une nouvelle fois pour faire face aux tourments qui l’habitent. À peine Castillo s’était-il installé dans le fauteuil présidentiel, le 28 juillet, que les premières polémiques éclataient déjà au sein de son cabinet ministériel, notamment autour de Bellido, mais aussi plus tard autour du ministre des Affaires étrangères, Hector Bejar qui a été contraint de démissionner en août pour des accusations graves envers la CIA d’avoir généré le terrorisme au Pérou. Dès septembre, Castillo, le président péruvien avec le moins d’opinions favorables (38 %) depuis vingt ans selon une enquête, était donc sous pression pour modifier son gouvernement. La présentation du gouvernement avait d’ailleurs déclenché fin juillet une chute de la Bourse et une brutale dépréciation de la monnaie, qui se sont immédiatement traduites par l’envolée des prix des produits alimentaires de base. 

L’instabilité au sein de l’exécutif et au congrès est donc en grande partie issue des controverses souvent causées par Bellido. Maintenant écarté du pouvoir, peut-on s’attendre à une paisibilité plus grande ? À une « meilleure gouvernance » comme l’a annoncé Castillo pour justifier la démission demandée de son premier ministre ? 

                                                                                                                           Julie DUCOS