Face à la gravité de la situation de l’Afghanistan, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutierres a exhorté tous les pays à ouvrir leurs frontières aux réfugiés d’un pays qui est en guerre depuis plus de quarante ans. Tout comme d’autres régions dans le monde, l’Amérique latine commence à recevoir des réfugiés afghans sur son territoire, se montrant particulièrement disponible suite à l’appel des États-Unis.
Photo : Objetivos Famosos
Le Mexique, le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Costa Rica sont les principaux pays d’Amérique latine à avoir reçus des réfugiés afghans, et ils ne sont pas les seuls. Des dizaines de pays ont signé une déclaration initiée par les États-Unis dans laquelle ils s’engagent à accueillir des citoyens afghans qui, dans leur majorité, cherchent à arriver sur le sol américain. Certains le font temporairement, en attendant que les réfugiés soit pris en charge par les autorités migratoires américaines, à l’instar de la Colombie. Iván Duque a par exemple déclaré sur twitter que l’aide du gouvernement colombien aux réfugiés avait pour but de se montrer solidaire envers les États-Unis qui ont souvent aidé le pays pour d’autres raisons auparavant, et non tant pour apporter son aide dans la crise migratoire en tant que telle. Mais chacun agit selon des principes différents car c’est au nom de leur sécurité et de leur protection que l’Équateur accueille pour sa part des migrants afghans, ou encore au nom du combat pour les droits des femmes et de la protection de ses défenseurs que le Chili a de son côté déclaré qu’il donnerait l’accueil à des personnes afghanes.
La situation s’aggrave en Afghanistan. Les milices des Talibans bloquent la sortie de l’aéroport de Kaboul à ceux qui n’ont pas de documents valides pour voyager, et il est compliqué de savoir quelle est la frontière la plus sûre pour sortir du pays. C’est pour cela que l’action de pays comme le Chili, qui fournit des papiers officiels de voyage à des Afghans, est si importante. La semaine dernière, le Chili a annoncé accueillir trente personnes qui appartiennent aux familles de dix femmes défenseurs des droits de l’homme, via notamment l’action de l’ONG Front Line Leaders à qui la chancellerie chilienne a donné des permis de déplacement pour que les migrants rejoignent plus facilement le Chili. Le gouvernement chilien a annoncé en outre la semaine passée que le pays s’engageait à accueillir 270 personnes supplémentaires figurant sur une liste dressée par la communauté afghane du pays. Le premier objectif de l’accord passé est que ces 270 personnes puissent se rendre le plus vite possible dans les pays les plus proches où le Chili possède des consulats : Iran, Émirats Arabes Unis et Inde. Une fois dans les consulats, ils pourront trouver des moyens sûrs pour arriver au Chili. La résidence temporaire y est alors accordée sous condition de deux motifs valables, à savoir le lien familial avec des Chiliens, et le contrat de travail, pour ceux qui en obtiendront grâce à la communauté afghane.
Les défenseurs des droits de l’homme sont donc bien accueillis sur le sol latino-américain, et plus spécifiquement aussi les défenseurs des droits des femmes, particulièrement touchées par les lois de la charia en Afghanistan. La vice-présidente du Costa Rica a ainsi annoncé l’intention de son pays de créer un « front humanitaire pour les femmes et les filles afghanes », et « pour la vie et les droits des femmes d’Afghanistan ». Le pays est prêt à accueillir 48 femmes qui travaillent pour l’ONU en Afghanistan. À l’instar de cette femme influente, c’est le secrétaire des relations extérieures du Mexique qui, lorsque cinq femmes afghanes, des scientifiques membres d’une équipe internationale de robotique, sont accueillies à l’aéroport de Mexico le mardi 25 août, s’enthousiasme sur twitter en leur souhaitant la bienvenue, en soulignant son respect pour le combat pour les droits des femmes.
Le Mexique, pays d’Amérique latine où le nombre d’assassinat de journalistes est le plus élevé, s’est en outre accordé les louanges du New York Times pour l’accueil de journalistes afghans refoulés par les États-Unis. Mercredi 26 août, pour donner suite aux complications rencontrées pour entrer sur le territoire américain, ce sont 124 personnes, des journalistes qui avaient travaillé en Afghanistan pour des médias américains, accompagnés de leur famille, qui mettent le pied sur le sol mexicain. Depuis quelques jours, le New York Times essayait en effet d’exfiltrer vers les États-Unis plusieurs anciens collaborateurs journalistiques qui se trouvaient en Afghanistan, mais sans prendre en compte les obstacles dressés par les autorités migratoires américaines. Le journal s’est donc tourné vers le Mexique pour qu’il fasse preuve de solidarité envers ces journalistes et le pays a même proposé à d’autres médias américains d’accorder la même protection humanitaire d’urgence à ses collaborateurs afghans. Le New York Times s’est dit « profondément reconnaissant pour son aide », tout en exhortant la communauté internationale à suivre cet exemple.
Ce n’est en réalité pas la première fois que la région reçoit des Afghans, ni des réfugiés de conflits longs et meurtriers. L’Équateur a par exemple reçu plusieurs groupes d’Afghans par le passé, sous la présidence de Rafael Correa qui avait mis en place une politique de suppression des visas, le droit de migration représentant pour lui un droit constitutionnel. Il créa même un ministère entièrement dédié aux questions de mobilité humaine. L’Équateur était alors une véritable terre d’accueil pour les migrants. Cette politique a pris fin lors des crises migratoires cubaines et haïtiennes qui ont fait imploser le système et qui a remis en vigueur l’obligation d’avoir des visas en provenance de certains pays. Mais le pays continue à accueillir des migrants, c’est ce qu’on peut observer avec la crise migratoire afghane. L’Uruguay avait lui reçut des réfugiés syriens après le déclenchement de la guerre civile dans ce pays. On pourrait encore citer le Mexique qui fut un pays ouvert aux migrants à maintes reprises par le passé. La solidarité internationale est donc à l’œuvre ses derniers temps pour offrir une terre d’accueil et de paix à ceux qui ont vécu plus de quarante ans de conflit. L’Amérique latine est une région qui ouvre grand ses portes et donne ainsi l’exemple en termes de solidarité, comme l’ont notifié certains médias et certains gouvernements, à l’instar de la vice-présidente du Costa Rica qui exhorte les autres pays à agir telle « de vraies nations unies ». Malgré l’instabilité grandissante qui règne sur son territoire depuis quelques années, le sous-continent a su faire preuve d’exemplarité, preuve que l’humanité y est toujours une valeur centrale et non négligeable pour ses sociétés et que sa tradition d’accueil des réfugiés se perpétue.
Julie DUCOS