Ce vendredi 11 juin, le Pérou ne connaît pas encore le nom du nouveau président issu des élections de dimanche dernier

Le candidat de la gauche, Pedro Castillo, s’estime vainqueur de la présidentielle au Pérou, après le dépouillement de 99,82 % des bulletins. Selon le décompte officiel, il possède mercredi 67 000 voix d’avance. La candidate Keiko Fujimori réclame la vérification de deux cent mille votes. Les deux vainqueurs surprise du premier tour (11 avril), parmi les 18 candidats, avaient pourtant tous deux assurés qu’ils respecteraient le verdict des urnes. 

Photo : El País

Si l’Office National des Processus Électoraux (ONPE) n’avait toujours pas officiellement proclamé les résultats, M. Pedro Castillo affirme que ses observateurs dans les bureaux de vote considèrent sa victoire acquise. Les jurys électoraux ont entamé jeudi le lent processus de révision des bulletins contestés, dernier espoir pour Mme Keiko Fujimori de renverser l’avance que le lent décompte donne à son rival. 

Selon ces audiences retransmises à la télévision, il s’agit le plus souvent de bulletins avec des cases cochées au mauvais endroit ou l’utilisation d’une encre non-autorisée. Leur étude minutieuse retardera d’autant plus le résultat final, l’attente étant déjà rendue longue par la lente arrivée à l’ONPE des feuilles d’émargement de centres de vote dans des zones reculées de la jungle amazonienne, ou celles du million d’électeurs qui ont voté à l’étranger. 

Aucun pays n’a officiellement reconnu le succès de M. Castillo. Seul l’ex-président bolivien, Evo Morales, a adressé ses « félicitations pour cette victoire, qui est la victoire du peuple péruvien mais aussi du peuple latino-américain qui veut vivre avec la justice sociale ! », voyant en M. Castillo un « frère d’âme et un compagnon de lutte« . Pour sa part, le président argentin Alberto Fernandez a déclaré ce jeudi soir son choix de voir gagner le candidat Castillo… 

L’armée appelle « au respect « 

Lundi, Keiko Fujimori a dénoncé des « irrégularités« , des « indices de fraude » et « une claire intention de saboter la volonté du peuple« . Environ 200 de ses partisans se sont rassemblés mardi devant le siège de l’ONPE. « Non au communisme déguisé« , indiquait une banderole. Les forces armées péruviennes ont exhorté mercredi « tous les Péruviens à respecter les résultats du processus électoral » et se sont engagées « à respecter la volonté des citoyens exprimée dans les urnes« . 

Selon la politologue péruvienne Jessica Smith, de l’Université centrale du Chili, « les contestations des résultats des bureaux de vote vont être cruciales » pour décider du scrutin, même si elle a estimé que « le désespoir a déjà commencé à se répandre du côté de Keiko ». La mission d’observation de l’Organisation des États Américains (OEA) a jusqu’ici reconnu que « le dépouillement des bulletins de vote s’est déroulé conformément aux procédures officielles ».  La présidente de l’ONG Transparencia, Adriana Urrutia, a été plus loin en affirmant au quotidien El Comercio qu’« il n’y a pas de preuves qui nous permettent de parler de fraude électorale ». « Mensonges, mensonges, toujours la même chose : Fujimorisme« , titrait tôt mercredi matin un communiqué de Perú libre, soulignant que « la vieille pratique du Fujimorisme en matière de fraude électorale n’est pas un secret ». 

Retour à la case prison ? 

Une défaite aussi rapide serait pour Mme Fujimori une nouvelle immense désillusion. Déjà en 2016, elle s’était inclinée face à Pedro Pablo Kuczynski sur une marge infime de 42 597 voix sur plus de vingt millions d’électeurs (50,12 % contre 49,88 %). Elle avait vivement contesté le résultat, criant à la fraude, avant de reconnaître bien plus tard « une erreur« . Si elle perd pour la troisième fois au second tour, après la défaite plus nette de 2011 (51,4 % contre 48,4 %) où il a tout de même fallu 10 jours pour que le résultat soit officialisé, elle pourrait se retrouver de nouveau en prison.  

Le parquet a requis trente ans à son encontre dans une affaire de pots-de-vin présumés, pour laquelle elle a déjà passé seize mois en détention préventive. Son père Alberto Fujimori purge une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l’humanité. Si Pedro Castillo l’emporte, il serait « le premier président pauvre du Pérou », selon M. Otero. 

José Pedro Castillo Terrones, né le  19  octobre  1969  à Puña (Catamarca), est un  instituteur,  syndicaliste  et  homme d’État  péruvien. En  2017, il est l’un des meneurs d’une grève nationale d’enseignants qui dure près de trois mois. En 2002, alors qu’il enseigne dans l’une des régions les plus pauvres du Pérou, où ses élèves sont souvent sujets à la  sous-nutrition, Pedro Castillo décide de s’engager dans la lutte syndicale pour que l’éducation en  milieu rural  soit mieux soutenue par les autorités. Il acquiert une notoriété nationale en 2017, lorsqu’il conduit une  grève  suivie pendant près de trois mois, avec un pic à plus de 200. 000  enseignants pour obtenir une augmentation du budget de l’éducation.  

Pedro Castillo est choisi par une assemblée nationale des représentants des professeurs pour être leur candidat à l’élection présidentielle de 2021. Approché par plusieurs partis, il choisit en 2020 la formation de  gauche radicale,  marxiste-léniniste,  Pérou libre  (PL), afin de pouvoir officialiser sa candidature ; il n’est cependant pas membre du parti et affirme ne pas être marxiste. 

D’après Agences