« TANGO NEGRO, LES RACINES AFRICAINES DU TANGO »
DE L’ARGENTINE À L’URUGUAY

 

« La musique nationale argentine blanche a été inventée au milieu du XIXe siècle par les anciens esclaves Noirs, qui ont ensuite été effacés de l’histoire. Et avant de devenir, via les bordels de Buenos Aires et les salons parisiens, la plus sophistiquée des façons de marcher, le Tango a été une musique de rue, populaire et festive » !  Juan Carlos Cáceres est fini ! 

Personnage hors du commun tant par sa culture, ses réalisations, ses écrits que par sa résistance physique, l’Argentin a marqué son siècle et l’histoire du Tango en parcourant les continents américain et européen. Tout comme moi, demander à un tel homme de laisser pour compte ses valeurs personnelles et originelles reviendrait à réclamer de lui d’abandonner son jugement, de contredire son savoir, de sacrifier son esprit et donc vendre purement et simplement son âme. Depuis, les jours ont passé mais avec leur lot d’espoirs. Car, même si le formatage des consciences persiste et gagne du terrain partout dans le monde, force est de constater que, les langues se déliant, la vérité se fait peu à peu jour.

LA GENÈSE

« Au commencement était l’action » : Le professeur Pascal Adjamogbo, mathématicien, enseignant, chercheur et artiste nous rappelle que : « L’histoire est une des disciplines intellectuelles où la tentation de la construction et de l’instrumentalisation idéologique est le plus souvent plus forte que le souci de la rigueur, la recherche de la vérité, et même l’exigence de l’honnêteté intellectuelle et de l’honnêteté tout court. Ce constat est d’autant plus frappant pour un vrai mathématicien dont la tradition intellectuelle lui impose de ne pas se contenter de dire des choses justes, mais de justifier ce qu’il dit par des « pièces à conviction » liées par une argumentation, comme un avocat qui plaide une cause juste en ne se contentant pas d’affirmer la justesse de sa cause, mais s’évertue à convaincre le juge par des « pièces à conviction » présentées à la faveur d’une argumentation adéquate, comme je m’efforce de l’inculquer aux étudiants dont j’ai la charge de la formation en mathématique, et à qui je ne me contente pas de faire acquérir des connaissances, mais à qui je m’efforce de transmettre une vraie tradition intellectuelle, conformément à la formule de Platon dans son livre Théétète : « l’opinion vraie, étayée par le raisonnement, c’est cela la science, tandis que l’opinion dépourvue de raisonnement est en dehors de toute science. »

Le professeur Jean-Philippe Omotunde Kalala, chercheur en histoire, professeur des humanités scientifiques africaines et Activiste culturel, recommande d’« utiliser l’histoire comme un moteur de recherche qui doit faire de nous des conquérants. » Ainsi, lorsqu’on apprend par la voix d’éminents historiens que, le 8 janvier 1454, l’Église Catholique et le Pape Nicolas V ont béni l’esclavage et la traite négrière ! C’était à un moment où l’autorité morale de l’Église dans la société européenne était incontournable pour toute activité d’ampleur ; puisqu’elle régissait le quotidien, le spirituel, imbriquée au pouvoir qu’elle renforçait et à qui elle en imposait. La puissance d’évocation de la chrétienté, les territoires dominés par la religion et l’ordre chrétien relevaient et relève encore de la diligence des hautes cimes de la société européenne de l’époque et… d’aujourd’hui. Justement, on comprend depuis toujours pourquoi cette discipline tant décriée par les détenteurs du pouvoir peut parfois susciter de la méfiance à l’égard de ceux qui ont cherché à dominer le monde en falsifiant la vraie Histoire de l’humanité !

PRÉAMBULE 

Il est tout à fait curieux de constater que la majeure partie des musiques et danses latino-américaines d’origine africaine, notamment caribéennes, a retrouvé ses racines noires. Toutes, sauf le TANGO… Car, vers la fin du XIXème et le tout début du XXème siècle, ces musiques et danses, à l’exemple de la Rumba, ont « envahi » les côtes du continent Atlantique par l’Afrique de l’Ouest. Ceci a été possible grâce à un groupe de descendants d’esclaves de l’Amérique Latine, essentiellement Cubains et Brésiliens, qui venaient d’être émancipés, et qui ont décidé de regagner leur terre ancestrale.

Personnellement j’ai déjà eu l’occasion de traiter, dans un film documentaire intitulé Kin-Malebo Danse (2X52’), l’histoire de la musique Rumba dite cubaine. Bien accueilli dans le milieu professionnel, ce film a suscité de nombreuses réactions favorables des téléspectateurs, lors de ses différentes diffusions à la télévision, et l’adhésion des spécialistes du continent-mère. De même qu’il a provoqué également l’engouement des spectateurs à chacune des projections dans différents festivals. Plus particulièrement lors de sa Sélection Officielle du Fespaco en 2005.

Aujourd’hui le moment est venu, me semble-t-il, de parler impérativement du Tango. Car cette musique est certes devenue universelle, mais son histoire comme ses origines demeurent aussi floues qu’hermétiques. Avec ce travail, je veux contribuer à l’éclosion d’une Vérité que, finalement, un grand nombre de gens, d’ici ou d’ailleurs, attend depuis fort longtemps. Ce que confirme le professeur Pablo Cirio, musicologue et chercheur argentin, qui admet que, hier comme aujourd’hui, « en Argentine, ce sujet est tabou voire même honteux pour l’identité nationale, qui a cherché en Europe une légitimité « blanche » ».

À ce constat, un homme d’État africain, visionnaire en son temps, déclarait que « l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Car cet esclave doit répondre seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir… » En d’autres termes, si les « Noirs », d’ici ou d’ailleurs, sont réellement persuadés qu’on leur avait usurpé certaines de leurs valeurs, à eux de le prouver scientifiquement aux yeux du monde.

Parce que, lorsqu’une affirmation a été suffisamment répétée, comme c’est le cas sur les origines du Tango, il se forme ce que l’on appelle un courant d’opinion et le puissant mécanisme de la contagion intervient. L’objectif dans ce travail est de montrer le contraire. C’est la mission que je m’assigne à travers Juan Carlos Cáceres, ce « blanc », avant-gardiste de première heure, qui nous rappelle sans cesse que le Tango est une musique de sang-mêlé, à l’image de l’histoire et du visage de son pays : l’Argentine.

Par ailleurs, selon le professeur Simão Souindula, directeur du Musée National d’Esclavage de Luanda (Angola), et coordinateur du Comité de l`Angola du Projet de l`Unesco dénommé “Route de l`Esclave”, le trafic d’esclaves s’est transformé en la principale activité des Portugais, dès la colonisation de l`Angola. Simão Souindula affirme que dix millions d’esclaves originaires de ce pays ont été acheminés vers les Amériques, soit deux-tiers de la population actuelle d’Angola, estimée à quinze millions d’habitants.

Et lors du premier Congrès de la Culture afro-argentine, organisé au mois de juillet 2007 par l’INADI (Institut National contre la Discrimination), Maria José Lubertino, présidente de cette organisation, a souligné la nécessité de sortir de « l’invisibilité publique » tant les contributions des descendants africains dans un pays, où plus de deux millions d’Argentins ont des ancêtres originaires du continent noir, sont visibles dans tous les coins des argentines.

Prise de conscience des Afro-Latino-Américains, en général, et des Afro-Argentins, en particulier, la participation à ce Congrès d’une délégation angolaise, emmenée par monsieur Diego Bonga du ministère de la Culture angolais, revêt une importance capitale. Et la présence de ce pays africain à la toute première conférence des descendants d’Africains de Buenos Aires est une confirmation des valeurs culturelles issues, entre autres, de l’Angola. Une donnée qui conforte encore un peu plus mon « acharnement ».

C’est aussi à ce titre que le film s’inscrit naturellement dans le cadre promotionnel de l’expression culturelle de « l’Espace Kongo » ! Faisant de surcroît un hommage au Continent africain, dont fait intégralement partie cet Espace communément symbolisé par l’Ancien Royaume Kongo, qui allait de l’Océan Atlantique aux confins du Cameroun actuel.

Tout comme d’autres régions africaines, cet Espace est l’un des berceaux de la créativité musicale ; ou artistique. De par son histoire, il a énormément contribué au rayonnement et à l’expansion des musiques africaines à travers le monde. On le voit pour la Samba ou Semba, la Rumba ou Cumbia, la Salsa, Kizumba, etc… 

La véritable source du Tango dit argentin : Mais, avant d’entrer dans le vif du sujet portant sur mon expérience sud-américaine, et même au-delà, qu’il me soit permis de rappeler, ici, la révélation qui aurait provoqué chez certains « pseudo-défenseurs » de la musique « nationale argentine ». En fait, dans le film, je raconte son origine et son évolution tout en montrant, preuves tangibles à l’appui, comment les « détenteurs de l’époque » ont occulté à travers leurs mascarades cette vérité historique. De l’initiative du projet à la concrétisation du film j’ai vu défiler des personnes qui ont révélé leur double-face. En fait, je n’ai même eu besoin de la « contrariété » de vrais Tangueros Sud-Américains et/ou des pseudos chercheurs et professeurs de cette danse, pour provoquer la « colère » de ceux qui se sont trahis ; parmi eux, des pseudos chercheurs et/ou professeurs qui, jusque-là, ignoraient complètement l’identité réelle !

Aujourd’hui la seule personne, authentique, qui a ouvertement tenté de dire la « vraie » vérité à laquelle il croyait sur l’authenticité africaine de cette musique aura emporté ce lourd secret dans sa tombe. Puisque, sitôt après la sortie officielle de ce film suivie de quelque temps d’exhibition dans le monde entier, mon compère -héros incontesté et incontestable- du majestueux film documentaire a choisi de s’en aller, me laissant seul à défendre devant une horde des chiens enragés aboyant, tous crocs acérés dehors, sur l’immense œuvre. Notre œuvre commune. Mon ami et frère en combat a préféré nous quitter, me laissant seul face à des chiens-loups qui, pensant s’échapper la « bonne » réputation de leur fonds de commerce, s’étaient rués dans une défense sans tête ni queue jusqu’à se ridiculiser ! Se battant becs et ongles, ceux-ci ne se sont même pas gênés de mener maladroitement une campagne de dénigrement pour « démentir » la vérité de notre propos. Et pourtant, au sortir de la Première mondiale de ce film documentaire, qui avait eu lieu au siège de l’Unesco-Paris, beaucoup de spectateurs, conquis, l’encensaient ouvertement tout en le qualifiant d’une « œuvre historique, majestueuse et monumentale ».

Reconnaissant l’apport gigantesque et primordial de mon ami, Juan Carlos Cáceres, jamais je ne cesserais de lui rendre hommage. Sa présence ayant apporté une dimension supérieure au film, il était pour un illustre compère et un guide. Et, avant de vous faire vivre mon escapade latino-américaine, ci-dessous, les détails des raisons qui m’ont poussé à me lancer sur un tel projet. J’y développe aussi mes motivations, sa concrétisation, son existence ainsi que le but visé :

LE DÉPART POUR L’AMÉRIQUE DU SUD

Le jeune producteur a jugé suffisant le budget du film à notre disposition pour entamer la deuxième partie du tournage pour l’Amérique du Sud. Deux pays de la région de Mar del Plata m’intéressaient particulièrement : l’Argentine et l’Uruguay. Et nos visas furent déjà facilement accordés grâce à la présence de Juan Carlos Cáceres ; car l’ambassadeur argentin de l’époque, ami et artiste lui-même, était également admirateur de son œuvre. Une semaine plus tard, nos bagages prêts, tout le monde se donna rendez-vous à l’Aéroport International Charles-de-Gaulle. Il fallait alors s’y présenter bien avant, deux heures au moins l’heure du vol. C’était le 22 février 2012 exactement lorsque cette équipe, composée de quatre personnes : Juan Carlos Cáceres, Alicia -sa femme-, le jeune producteur et moi-même, s’était retrouvée à l’Aéroport. L’Amérique latine étant une région prisée par des touristes et des va et vient de ceux qui y sont originaires et beaucoup d’autres, les couloirs étaient bondés de monde. Après quelques temps d’attente, un haut-parleur vibra au-dessus de nous pour annoncer notre vol. Dès cet instant, les grouillements à nouveau les couloirs remplis d’un peu plus de monde ; chacun se précipitant vers les queues afin d’y être au moins parmi les premiers. À part quelques bagages personnels et/ou professionnels mis précédemment dans la soute à bagages, le peu de bagages à main que chacun de nous avait entre les mains nous évita certaines complications. Les passagers s’empoignaient sans aucun ménagement ; même si chacun avait une place bien enregistrée à son nom !

Notre arrivée à l’Aéroport de Buenos Aires

Après 13 heures de vol environ, notre avion se posa tranquillement sur la piste qui lui était dédiée. Accueillis par un soleil d’un printemps austral, on réalisa qu’on venait d’atterrir par une belle matinée sur la ville de Buenos Aires. Mais on était si seuls que ça ; car dans l’avion, Cata, une journaliste en reportage, a fait le voyage avec nous. Naturellement, elle semblait connaitre ou reconnaitre Juan Carlos Caceres. Pris aussitôt en charge par personne (!), on passa récupérer nos bagages pour gagner la zone douanière de l’Aéroport avant de quitter le tarmac, après quelques contrôles de routine. C’était mon premier voyage dans ce beau pays que je connaissais par son football Luke, Kempes, Diego Maradona, l’icône de tous les temps, etc… Saisi par une émotion incontrôlable, j’étais néanmoins surpris par l’étroitesse de l’Aéroport d’une si grande capitale de renommée mondiale. Ce sentiment est sans doute la résultante d’une personne venue d’un pays comme la France, où j’eus par moment l’opportunité de me rendre à l’Aéroport Roissy-Charles-de-Gaule.  Ou alors, ayant vu régulièrement à la télévision des Aéroports européens hyper-modernisés, ce réflexe ancré dans mon inconscient était devenu un défaut de jugement. Inconsciemment envahi dans mémoire je m’adonne silencieusement à un exercice de comparaison insensé. Et, alors que je cogitais inutilement, un taxi aux couleurs locales plutôt confortable s’approcha vers nous. Quelques instants après, nos bagages chargés, on était déjà sur une belle et vaste autoroute, sitôt abandonnée pour de grandes avenues menant vers ce qui était encore « inconnu », notre première destination.

A peine quelques bonnes minutes d’une route bien dénivelée après, le taxi nous déposa devant un bel immeuble d’un quartier plutôt résidentiel de classe moyenne. Nous sommes montés par petit groupe dans l’ascenseur jusqu’au 4èmeétage ; une femme coquète, amie de Juan Carlos Caceres, nous attendait devant la porte d’un grand appartement mis spécialement à notre disposition. Les présentations ayant été faites, la propriétaire présente nous indiqua, chaleureusement, nos lieux respectifs. Juan Carlos Caceres avec sa femme dans une chambre. Mon jeune producteur et moi occupions celle d’à-côté. D’un beau balcon bien aménagé, on pouvait apprécier la belle vue fantastique balayant une bonne partie de la ville.

Quelques instants de repos après, on répondit tous à l’appel de Juan Carlos Caceres, notre guide. Bien installé sur le balcon, son carnet d’adresses et son agenda étalés sur une table, une petite séance de travail s’improvisa. Il fallait confirmer notre arrivée à Buenos Aires auprès de ceux qui nous attendaient pour le besoin du film. Un certain nombre d’entre eux faisait partie de ceux pressentis comme intervenants dans ce film, attendu par beaucoup qui connaissaient ce projet.

Au-delà de son envergure physique à l’aspect Bull Dozer, Juan Carlos Caceres était un homme d’une forte présence qui ne laissait personne indifférent. Homme de parole, lorsqu’il s’engageait sur un projet, le temps mort ne faisait pas partie de sa philosophie. Il ne fallait donc pas trainer pour mobiliser tous ceux qui avaient accepté de participer et de faire partie du film. Il y avait de grandes pointures pressenties, notamment la tentation d’approcher la légende du football argentin : Armando Diego Maradona. En tant qu’auteur / réalisateur du film, j’étais en contact permanent avec eux depuis Paris grâce à Juan Carlos Caceres. Nos échanges étaient tellement fructueux et prometteurs que j’avais hâte de les rencontrer afin d’entamer ce pourquoi notre présence était nécessaire sur le sol d’Argentine. Mais c’était sans compter avec l’efficacité de certains hommes à retourner leur veste. Parmi les personnes à contacter rapidement, un Porteño d’une grande référence de l’intelligentsia argentine, nous comptions énormément sur ce chercheur et anthropologue pour ce projet ; car sa seule présence était de nature à crédibiliser notre film. « Ami » jouissant d’une grande réputation intellectuelle la région de Mar del Plata, Juan Carlos Caceres eut l’idée de l’appeler prioritairement afin de caler, en fonction de ses disponibilités, une date de tournage. Mais cela ne pouvait se faire qu’à notre retour de Montevideo, notre troisième étape planifiée depuis Paris ! Juan Carlos Caceres composa un numéro de téléphone et parla avec un ton plutôt chaleureux.

  • Ola ! Bonjour mon cher ami ! Comment vas-tu ? On aura l’occasion de discuter longuement, mais juste pour te dire que nous sommes enfin arrivés ce matin à Buenos Aires avec l’équipe de tournage pour le projet que tu connais.

Jean Carlos Caceres semblait surpris d’entendre de l’autre côté, une voix froide, contrariée et plus ou moins mécontente !

  • Ah non ! je ne suis plus dans ce genre de considérations, moi. Ce débat portant sur les origines africaines du Tango est pour moi dépassé. Actuellement je me consacre uniquement à autre chose qu’à me préoccuper de ça.

Témoin des échanges téléphoniques auxquels nous étions partie prenante, Juan Carlos Caceres avait jugé bon de mettre le haut-parleur. Ainsi donc mon jeune producteur et moi-même avons assisté à la première contradiction ; un refus catégorique venu d’un homme qui pourtant nous suscitait plein d’espoirs. Malgré cette première contrariété, Juan Carlos Caceres reprenait de plus belle ses « consultations » ; la liste des personnalités pressenties étant large. C’est Ainsi il téléphona à un journaliste, qui était très proche d’un grand personnage, en l’occurrence Diego Maradona, l’icône de la planète footballistique afin de convenir une date selon son calendrier. Malheureusement, on nous apprit que monsieur Diego Maradona était très souffrant et se trouvait, à ce moment-là, au Qatar où il était déjà entraineur (!).

Sans se fatiguer, Juan Carlos Caceres continua ses investigations. On tomba heureusement sur les deux personnes jugées plus importantes ; celles-ci devaient compléter l’équipe technique : un deuxième cadreur d’origine équatorienne qui vivait déjà à Buenos Aires. L’autre, ami du premier, est un jeune ingénieur de son Français qui, dans ses pérégrinations, avait élu domicile à Buenos Aires. De passage, ce dernier nous avait été recommandé par un proche contact de Paris. Une rencontre fut aussitôt convenue avec les deux techniciens. L’équatorien ayant été chargé de nous présenter une femme, Porteña, à la peau sombre ! En fait, pour moi, cette rencontre était capitale dans la mesure où elle permettait de résoudre une des premières parties de l’énigme : la présence des personnes dites « noires » dans ce pays d’environ 90% des « blancs » ! A notre arrivée sur place, les trois personnes étaient là ; il a suffi d’un simple regard entre la jeune femme Argentine et moi, son Ancêtre, pour susciter l’émotion incontrôlable envahir notre table. S’ensuivit un temps de silence plutôt inexplicable, qui me fit comprendre que ces liens historiques tissés par la Grande Nature ne seraient jamais indissolubles. Dans a quête spirituelle, c’était une première expérience unique et fabuleuse. Auteur / Réalisateur du film, je venais d’enregistrer une première et grande victoire qui m’a personnellement beaucoup soulagé et redonné confiance. Après quelques échanges autour d’un verre de « prise de connaissance », on prit congé d’eux trois, en ayant précisé au préalable le rôle de chacun.

Avant de regagner l’appartement qui nous était réservé, c’était déjà l’heure du dîner. Juan Carlos Cáceres, qui connaissait encore bien les coins et els recoins de sa ville natale nous emmena dans un petit restaurant sympa, où une jeune serveuse nous installa à une table placée de l’autre côté de la rue, juste à une terrasse faisant face au restaurant. On se laissa guidés par le maestro, dont les souvenirs culinaires étaient encore intacts. Après de longues heures de vol et les quelques du jour, ce premier repas von et vrai était apparemment le bienvenu. D’autant plus qu’il était accompagné d’une belle bouteille de vin. Et je goûtais un vin argentin qui n’avait rien à envier à nos « Bordeaux » français ! Non, ce n’était pas pour la première fois que je buvais un vin argentin, mais la toute première fois en Argentine. Cependant au cours de nôtre dîner, un tout jeune barman se présenta à notre table et tendit un bout de papier destiné à mon jeune producteur. En l’ayant pris connaissance, on s’aperçut que l’expéditrice était la jeune fille qui venait de nous servir ; tombée sous le charme de mon brun jeune producteur français aux yeux plutôt verts et dont elle ignorait complètement le prénom et l’origine, elle n’avait pas pu contenir ses émotions. Mon jeune producteur, flatté, ne se priva pas de nous conter le contenu du petit bout de papier, mais toujours avec respect, même s’il n’y avait pas prêté attention. La demande de la jeune fille aux assauts demeura sans suite.

Et tout cela se passait devant la « accompagnatrice » de la bande, la femme de notre Juan Carlos Caceres qui, esquissant un sourire moqueur, devait se foutre sympathiquement de sa jeune et belle consœur ; elle lui rappelait certainement des souvenirs de son enfance : « faites l’amour et pas la guerre » ! Pourtant cette scène n’était pas si anodine que ça ; pleine de renseignements, elle nous faisait sentir le parfum qui donne le tourniquet dans la manière de vivre librement des Porteños. Après ce dîner plus ou moins arrosé, il fallait rentrer se reposer, dans l’attente de notre voyage programmé au lendemain pour la ville de Paraña, au nord du pays.

LE RETOUR VERS PARIS

Aéroport International de Buenos Aires : On était vendredi 16 mars 2012, par une matinée bien ensoleillée éclairant tout Buenos Aires, lorsqu’on se présenta aux guichets d’Air France. Il n’y avait pas grand monde, ce vendredi-là. Aucune queue à faire, l’Aéroport était vide. Sitôt arrivés, on se dirigea directement à l’enregistrement des bagages, où on était accueillis par une hôtesse d’escale apparemment Argentine. Très accueillante, polie, serviable et d’une amabilité plutôt latine du sud, mon passeport ainsi que les bagages furent traités en un temps record. Ceux qui pensent habituellement que, dans les Suds, les choses se règlent nonchalamment doivent se mordre la langue. Là, c’était le contraire qui nous était démontré. Etant du grand Sud, je pavoisais. Dès lors, on avait tout notre temps pour se trouver une place à une terrasse afin de papoter autour d’un pot. Il n’y avait pas grand monde ; et la place fut trouvée sans aucune difficulté. On avait commandé quelque chose à siroter, alors que la matinée avait depuis cédé sa place à aux premières heures de l’après-midi. Au cours de nos échanges d’aurevoir, mon jeune producteur me « donnait » des consignes à respecter ; son regard affichait une inquiétude dont on avait de la peine à trouver une raison valable. Si ce n’est celle avec laquelle les enfants d’après la période néocoloniale étaient élevés : complexés supérieurement ! Virgil était le seul témoin de ses invectives. On connait très bien ce genre d’attitudes qui amoindrissent sans faire exprès celle ou celui en provenance d’ailleurs car jugé (e) « inférieur (e) » ! C’est tellement récurrent qu’on y semble vaccinés et travailler pour y remédier. Je commençais à assister à la dislocation d’un groupe arrivé groupé en Amérique du Sud. Juan Carlos et sa femme étaient pour quelques jours bien mérités ; notre jeune Ingénieur du Son avait choisi de vivre à Buenos Aires même si, des semaines plus tard, avait préféré retourner à Montevideo où il avait observé une vie qui semblait lui convenir. Et, de surprise en surprise, mon jeune producteur m’apprit que Virgil et lui-même avaient programmé depuis paris, une escapade pour le Chili, même si El Señor Allende n’était plus de ce monde. Ils devaient se rendre pour une semaine à plus précisément Valparaíso, le pied. Un séjour de détente financé aux frais du film ? incapable pour moi de répondre à cette question, mon seul souci était simplement de voir le film terminé. Enfin je rassurais mon jeune producteur de garder son calme car, connaissant l’importance des rushes et quoi en faire, je veillais doublement afin qu’aucun bagage ne fusse égaré. On se levait, se trainait jusqu’au tarmac où on s’était séparés sitôt après les accolades et de bons vols.

La Première mondiale à PARIS :

Les « vacanciers » de la Mar del Plata venaient tous de regagner la ville lumière ; apparemment tous satisfaits de leurs virées argentines et/ou chiliennes. Les contacts rétablis, plus rien ne devait trainer. L’équipe de post-production formée et confirmée, les premières étapes de montage furent entamées avec enthousiasme. Les choses étant bien maitrisées du début à la concrétisation film. Quelques séances de visionnage étaient organisées pour permettre d’avoir des avis extérieurs. Une d’elles avait eu lieu en présence de Juan Carlos Cáceres accompagné de sa femme et d’un ami Argentin. L’accueil fut plus favorable qu’on ne l’imaginait ; je n’étais pas surpris, cela correspondait à ce que je voulais montrer. Dès cet instant, la production pensait déjà organiser une projection publique. Pour Juan Carlos Cáceres, la Maison de l’Amérique Latine à Paris pouvait abriter la « Première » du film devant la communauté latino-américaine, en particulier argentine ! Je n’étais pas chaud à ces options ; car, pour être en conformité avec moi-même, je menais parallèlement des démarches au Siège de l’Unesco (Paris) pour une « Première Mondiale » ! Mais il fallait s’assurer d’une prise en charge des frais de location de salle, les invitations et le cocktail d’après la projection. Or, les caisses de la production étaient vides. Finalement, par le biais de la Délégation de l’Angola auprès de l’Unesco, les autorités angolaises prirent en charge tous les frais nécessaires à la tenue de l’évènement. Une date était alors convenue : lundi, le 8 septembre 2013, de 17h30 à 22 heures. Ambassadeurs, chercheurs, écrivains et tout le monde de l’Art était présent. Ce fut grandiose. Avec une jauge de 315 places, la salle N°4 du sous-sol de l’Unesco fut prise d’assaut par les premiers arrivés. Pendant ce temps, dehors on comptait environ 600 personnes munies de leurs billets qui n’avaient pu assister à la projection par manque des places disponibles. Ainsi commença la carrière d’un film qui, tout en rendant hommage aux victimes d’une époque depuis révolue, veut aussi contribuer au renforcement du « VIVRE ENSEMBLE ». Et merci à mon ami Juan Carlos Cáceres.

DOM PEDRO
Cinéaste angolais