Les films latino-américains primés aux festivals Filmar de Genève et de 3 Continents à Nantes

Plusieurs films du continent latino-américain ont retenu l’attention du public au mois d’octobre à l’occasion des 22e et 42éditions respectives des festivals Filmar en América Latina de Genève et 3 continents de Nantes. Filmar, entre autres, couronné Los Lobos de Samuel Kishi Leopo et El alma quiere volar de Diana Montenegro. À Nantes, festival de plus grande envergure où les films primés sont donc plus nombreux et de différentes nationalités (les trois continents étant l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine) plusieurs films latino-américains ont retenu l’attention du public et du jury.  

Filmar en América Latina à Genève 

Cette année le prix du jury des jeunes 2020 du festival a été attribué à El alma quiere volar, la première œuvre cinématographique de la cinéaste colombienne Diana Montenegro. Réalisatrice prometteuse, elle a su en effet toucher en plein cœur les membres du Jury des Jeunes, encadré.e.es par Damian Plandolit, monteur urugayen : « Ce film nous a laissé un message clair et intense : aucun dieu, aucune religion, aucun ordre extérieur ne viendra nous sauver. Seuls l’amour et la solidarité nous libéreront de notre souffrance». La catégorie Opera prima avait d’abord retenus six films qui constituent les premières œuvres de talents émergents en Amérique latine : « Ces six films nous ont poussé à réfléchir sur le monde dans lequel nous vivons, à travers des personnages qui parlent de solitude, de déracinement, d’existence et de mort mais aussi de solidarité, d’identité et d’émancipation », ont déclaré les membres du Jury des Jeunes. 

Le jury a également souligné qu’ils avaient choisi le film réalisé par la jeune colombienne afin de motiver « d’autres femmes à perpétuer un cinéma de cette intensité », cause noble dans un cinéma où les femmes commencent à peine à entrer sur le devant de la scène. Le phénomène du Nouveau Cinéma latino-américain s’est construit dès les années 1960 selon des caractéristiques éminemment masculines, les femmes restant alors des figures à découvrir. Cela était vrai dans les années 1960 mais aussi au cours de la phase antérieure du développement du cinéma latino-américain, malgré l’existence de réalisatrices et de productrices en activité. Nous comprenons donc pourquoi, alors que les films du Nouveau cinéma latino-américain mettent au centre de la narration des individus traditionnellement mis à l’écart (paysans, indiens, métisses, travailleurs urbains), quelque chose de semblable se passe avec la figure des femmes : tant dans leur rôle de productrices du fait cinématographique, que comme agents potentiels de changement au sein du système des personnages de cinéma, elles aussi sont identifiées dans le Nouveau cinéma latino-américain comme groupe minoritaire. 

Le festival a cette année à séduit un public plus large que d’habitude ce qui a permis à la seconde catégorie de films en compétition d’avoir un nombre de vote plus conséquent. Le prix du public 2020, sélectionné parmi les 6 films de la catégorie Focus Sud fut attribué à Los Lobos, du réalisateur mexicain Samuel Kishi. Ce film a été choisi par le public suisse qui votait en ligne cette année. C’est une œuvre émouvante et autobiographique sur l’enfance difficile du réalisateur à son arrivée au Nouveau Mexique avec sa mère et son frère. René Longet, président de la Fédération Genevoise de Coopération (FCG) qui contribue à l’organisation du festival chaque année, a montré sa reconnaissance à la beauté de ce film qui exige de nous que l’on garde « cette lueur d’espoir qui ne doit jamais mourir » : « Dans la banlieue informe où ils vivent, le sordide se mêle à l’universel humain, la décadence et l’abandon côtoient la force de vie, la joie d’un moment récompense des attentes incertaines ». 

Festival des 3 Continents, Nantes 

Comme à Genève, le public n’a pas non plus manqué le rendez-vous en ligne de la célèbre manifestation nantaise. Plus de dix mille spectateurs ont répondu cette année au programme public, malgré une édition inédite avec un repli sur une formule 100% numérique. 

Seulement huit films exclusivement destinés aux professionnels ont participé à la Compétition internationale de la 42e édition du Festival des 3 Continents. Le Jury a décidé de remettre la Montgolfière d’or (couronne de la sélection « la maison et le monde » de films qui ne seront jamais distribués en France) ex-æquo aux films Moving On de la coréenne Yoon Dan-Bi et Professeur Yamamoto du japonais Kazuhiro Soda. Le Jury a également décerné une mention spéciale à Las Ranas de l’argentin Edgardo Castro, à la fois un documentaire et une fiction, qui raconte une histoire d’amour bouleversante à Buenos Aires. Celui-ci est en fait un film à budget très faible d’où l’importance de ce prix pour lui. 

Le Prix du jury des jeunes a été attribué à une œuvre mexicaine, kokoloko de Gerard Naranjo. Ce même réalisateur avait déjà réalisé une œuvre marquante en 2011 nommée Miss Bala et avait signé quelques épisodes de séries (Narcos et Fear the Walking Dead notamment). Récit d’un amour tragique dans une petite ville côtière du Mexique, le film est explosif de même que le précédent long-métrage de Gerard Naranjo qui avait été présenté au Festival de Cannes dans le cadre de la Sélection Un certain Regard au printemps 2012. Petit clin d’œil à l’actualité : un beau tableau d’un Liban en ruine, selon les mots du journal Le Monde, nous a aussi été lors de cette édition avec le film Un jour sans lendemain de Mohamed Soueid

A l’heure où le cinéma doit chercher à se réinventer face à une pandémie qui nous fait vivre des soubresauts à n’en plus finir, les éditions en ligne de ces grands festivals nous ont prouvé que la culture venait à nous. En effet, en cette situation de crise sanitaire qui nous empêche de vivre les événements culturels avec la même réalité qu’autrefois, les membres du jury de Filmar en América Latina nous ont rappelé que : « le cinéma nous invite à sortir de nos maisons pour voyager à travers des lieux et des cultures peu connues, pour nous glisser dans le quotidien d’autres personnes et ainsi expérimenter tant d’autres vies possibles. Cette expérience nous a permis de comprendre que la culture ne s’arrête pas à un enfermement, mais qu’elle continue de s’étendre ». 
 

Julie DUCOS 

Festival Filmar (Genève :

Festival 3 Continents (Nantes)