« Ema », le nouveau film du Chilien Pablo Larraín réalisateur reconnu des films « Non », « El Club » et récemment « Jackie »

Ema, joué par l’actrice chilienne Mariana Di Girólamo, une jeune danseuse, veut divorcer de Gastón interprété par le talentueux acteur mexicain Gael García Bernal, le directeur de la compagnie pour laquelle elle se produit, incapable de surmonter le sentiment de culpabilité envers Polo, l’enfant qu’ils avaient adopté et qu’ils ont ensuite ramené à l’orphelinat après une tragédie.  

Photo : Allociné

Les films de Pablo Larraín sont souvent déroutants. La première vision de Tony Manero (2008) fut un choc. Il y eu aussi No (2012) sur le référendum d’Augusto Pinochet. Sans oublier plus récemment El Club (2015) sur cette résidence pour les prêtres violeurs. Après Jackie (2016), le réalisateur propose à nouveau un portrait de femme. Ema est passionnée de reggaeton et de lance-flammes, tiraillée entre sa volonté de liberté absolue et le regret de la maternité. La mise en scène magnifie les scènes de danse sur un plateau aux couleurs incendiaires.  

D’ailleurs, le premier plan du film est l’incendie d’un feu tricolore qui flambe dans la nuit sous le regard d’Ema. Le film sera le portrait de cette jeune femme qui va incendier sa propre existence et celle des autres Elle est un électron libre désinhibé, aussi sensuelle que libertaire et amorale, prête à tout pour avoir à nouveau la garde de Polo, son fils. « On est parti sur l’idée d’un personnage de danseuse qui écoute du reggaeton– explique Pablo Larraín, 43 ans – Et il devenu clair que nous parlions d’une génération qui n’est pas la mienne et qui en est très différente. Je suis d’une génération qui appartient au siècle dernier, et cette génération appartient au siècle actuel – quel que soit le nom qu’on leur donne, leurs logiques, leurs structures et leurs valeurs sont complètement différentes. Ema incarne cette génération et c’est cette complexité qui m’a fasciné. ». Provocante, elle s’autorise tout, ne regrette jamais rien. 

Le point de départ d’Ema est le traumatisme d’une adoption ratée. « Je pense que l’adoption est une des choses les plus généreuses qu’une personne peut faire, mais, étrangement, elle est souvent idéalisée. Les parents traversent beaucoup de situations problématiques, et l’enfant porte parfois avec lui un traumatisme parce qu’il a été maltraité », explique Pablo Larraín. Dans quelques cas, des parents « rendent » l’enfant qu’ils ont adopté. L’enfant est alors à nouveau orphelin, jusqu’à une prochaine adoption et perd le patronyme de ses anciens parents, comme s’il ne les avait jamais connus. 

Une héroïne rajeunie 

À l’origine, Ema devait avoir 45 puis 65 ans, avant d’être considérablement rajeunie.  Le réalisateur a construit le personnage avec l’actrice Mariana Di Girólamo. Ensemble, ils ont eu l’idée d’une danseuse de reggaeton. Le réalisateur était conscient que son héroïne serait d’une génération bien différente de la sienne : « cette génération appartient au siècle actuel – quel que soit le nom qu’on leur donne, leurs logiques, leurs structures et leurs valeurs sont complètement différentes. Ema incarne cette génération et c’est cette complexité qui m’a fasciné ». Il a été particulièrement frappé par la conscience écologique de cette jeune génération ainsi que par sa sensualité et sa sexualité non-binaires. « Ils sont très individualistes mais dans un sens, ils sont très respectueux des autres. Donc Ema est un personnage avec un réel potentiel poétique, pouvant transmettre beaucoup d’émotions, de crises, d’accidents différents ».

« Je pense qu’elle représente ici la Mère Nature parce qu’elle est à la fois une mère, une sœur, une fille, une amante, une épouse, une danseuse, et elle est le soleil. Dans la mythologie, le soleil représente le masculin et la lune le féminin. Je pense qu’ici, Ema est le soleil et que tout le monde tourne autour d’elle. » D’où un récit qui mélange ce qui peut se passer dans la tête d’Ema. Il n’est pas linéaire. Il veut exister dans l’instant, et tout bruler sur son passage.

Mariana Di Girólamo tient son premier grand rôle au cinéma avec Ema. Née à Santiago au Chili en 1990, elle est issue d’une grande famille d’artistes. Formée à la prestigieuse école de théâtre de l’Université Catholique du Chili, elle fait ses premiers pas à la télévision en 2004 dans la série télévisée Pituca Sin Lucas. Sa carrière au théâtre débute en 2015, dans une pièce classique de Shakespeare, La Tempête, mise en scène par le Chilien Juan Radrigán. Un film à découvrir dès le 2 septembre. 

Alain LIATARD 

Ema, drame de Pablo Larraín (Chili), 102 min.