Le parquet équatorien a requis sept ans de prison pour l’ex-président Rafael Correa

L’enquête menée par la procureure générale Diana Salazar accuse M. Correa d’avoir touché des pots-de-vin pour financer sa campagne électorale de 2013. Mme Salazar a sollicité au tribunal de la Cour nationale de justice « la peine maximale envisagée pour le délit de corruption et considérée comme aggravante, pour Rafael Correa, en tant qu’auteur indirect, et pour d’autres fonctionnaires et hommes d’affaires, en tant qu’auteurs directs ».

Photo : Primicias

« C’est par la tête que le poisson commence à sentir », a écrit Apostolius, voulant dire que ce sont les chefs qui se laissent corrompre les premiers. Et c’est ainsi que le proverbe cité par le rhéteur grec résonne dans la déclaration faite à la presse par la procureure générale : « Une structure a été créée pour recevoir des pots-de-vin en échange de contrats. Il a été déterminé que l’ancien président Rafael Correa Delgado était au sommet de la structure ».

Les accusations de corruption atteignent une vingtaine d’autres prévenus de l’entourage de l’ancien chef d’État, dont l’ex-vice-président Jorge Glas. Ce dernier purge déjà une peine de six ans, emporté par la tourmente de l’enquête sur les pots-de-vin versés par l’entreprise brésilienne de bâtiments publics Odebrecht. 

Avec cette nouvelle accusation, les dix-neuf prévenus et M. Correa risquent une peine de sept ans de prison pour avoir reçu, selon le parquet, environ sept millions de dollars de la part de différentes entreprises en échange de marchés publics. Dans le cadre de la même enquête, la procureure Diana Salazar a aussi précisé qu’elle demandait un total d’un million de dollars de « réparations pour l’État », d’après la valeur des contrats signés, qui atteindrait selon les estimations les 1 130 millions de dollars. 

De son côté, le parquet général de l’État a demandé, comme accusation particulière, une indemnisation de plus de 23 millions de dollars, soit le triple du montant total concernant cette affaire connue sous le titre Sobornos 2012-2016 (« subornation »). Une affaire à laquelle s’ajoutent d’autres qui éclaboussent actuellement des responsables politiques de plusieurs pays latino-américains. 

Or, si dans le cas de M. Correa le délit de collusion a été démontré par la mise en lumière « d’une organisation hiérarchique », dirigée par l’ex-président et destinée à la « réception d’argent irrégulier, avec des codes propres au jargon criminel », c’est à cause de la participation de plusieurs de ses collaborateurs que la peine requise a été augmentée d’un tiers, comme le stipule le Code Pénal équatorien : de trois à cinq ans s’il s’agit d’un fonctionnaire public étant le seul acteur d’un fait de corruption.

Correa, qui a été jugé par contumace, a réagi sur Twitter contre le manque de capacité de la procureure : « Nous allons résister et gagner […]. Tout est question de temps », a-t-il dit, craignant certainement une condamnation qui signifierait la fin de sa carrière politique. En effet, la Constitution équatorienne interdit aux « personnes condamnées pour fraude, corruption ou enrichissement illégal d’être candidates à des élections ».

A présent, la prochaine élection présidentielle de 2021 est devenue l’enjeu politique du combat déclaré entre l’ex-chef d’État et l’actuel président Lenín Moreno, qui a été son vice-président entre 2007 et 2013. Rappelons que la rupture entre les anciens alliés du parti Alianza País a eu lieu lorsque Moreno, une fois élu président, en 2017, proposa un référendum constitutionnel pour limiter le nombre de mandats présidentiels, empêchant ainsi Correa de se représenter aux élections de son pays. 

Impliqué dans une autre enquête pour l’enlèvement en Colombie, en 2012, du dirigeant de l’opposition Fernando Balda, Rafael Correa est considéré comme fugitif depuis qu’il a quitté le pouvoir, en 2017, pour se réfugier en Belgique avec sa famille. La justice équatorienne a délivré également un autre mandat d’arrêt concernant cette fois un dépôt de dollars sur son compte, que l’ancien président justifie comme un « prêt personnel ».

Enfin, ne manquons pas de citer une pépite de M. Correa qui, fort de son expérience pour avoir gouverné son pays pendant une décennie (2007-2017), a lâché en mars 2019 une phrase qui explique les procès judiciaires en cours dans plusieurs pays de la région ainsi que l’existence des comptabilités dites « secrètes » : « il est inévitable, quand on a dix ou douze ans de pouvoir, d’avoir des cas de corruption ». Ces mots péremptoires invitent, en filigrane, à accepter avec résignation l’impunité historique qui a façonnée l’Amérique latine telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Eduardo UGOLINI