Corruption et migrations : les défis qui attendent Alejandro Giammatei, nouveau président du Guatemala

Ce 14 janvier, le nouveau président de droite a pris ses fonctions au Guatemala. En poste jusqu’en 2024, il a pour objectif de reprendre le contrôle sur les problèmes de pauvreté et de corruption, mais aussi sur la question des migrants mexicains voulant aller aux États-Unis.

Photo: Wikipedia

Alejandro Giammatei, médecin de 63 ans, succède à la présidence à Jimmy Morales, un ancien acteur de séries télévisées, qui a, selon les analystes, laissé le pays sens dessus-dessous, avec une augmentation de la pauvreté et de de grosses lacunes en matière d’éducation et de santé. Les experts s’accordent à dire que le nouveau président devra s’engager afin de retrouver la confiance des quinze millions d’habitants dont 59,3 % sont en situation de pauvreté.

En ce qui concerne son agenda latino-américain, le nouveau président a déjà affirmé qu’il comptait expulser les diplomates vénézuéliens du gouvernement de Nicolás Maduro, reconnaissant ainsi son opposant Juan Guaidó, à l’instar de son prédécesseur. Il a d’autre part confirmé des « projets concrets » en ce qui concerne les migrants vers les États-Unis, sans « confrontation » avec son homologue Donald Trump.

Il devra en outre travailler en toute transparence sur les dossiers de corruption et d’impunité, ayant annoncé qu’il ne ferait pas appel à la Cigid (Commission internationale contre l’impunité au Guatemala), organisme anti-corruption de l’ONU qui vient d’achever, avec la fin du mandat de Morales, un rapport de douze années d’enquêtes.

Devant ce vide laissé par la Cigid, Giammatei veut s’offrir l’aide du FBI pour lutter contre la criminalité, et des services secrets israéliens, d’après une entrevue donnée à l’AFP avant les élections. Giammatei, atteint par de multiples scléroses qui l’obligent à se déplacer à l’aide d’une canne, est un fervent partisan de l’emploi de la manière forte contre la délinquance et de la restauration de la peine de mort dans le pays.   

Le nouveau président devra tout d’abord aborder le problème des migrants voulant aller aux États-Unis, ce qui suppose un accord avec Washington, déjà en cours avec le gouvernement de Morales. Cet « Accord de coopération pour l’asile », signé en juillet 2019 avec Washington, stipule, selon la Maison Blanche, que le Guatemala doit l’asile et la protection aux migrants qui sont sur son territoire et qui cherchent à se rendre aux États-Unis. Edie Cux, directeur d’Acción Ciudadana, a déclaré à ce propos : « C’est une patate chaude pour le nouveau président, qui va devoir décider comment mettre en œuvre cet accord. Il serait bien avisé de le modifier et le laisser sans effets. […] Morales nous a laissé un héritage de soumission aux USA ».

Pour le politologue Enzo Rosal, l’accord est opaque : « Aujourd’hui, on ne connait pas avec certitude ce qui a été signé, quels sont les engagements de l’État en termes d’immigration ni quelles en seront les conséquences dans le temps. » Tout le monde est d’accord pour dire que le Guatemala n’est pas prêt pour accueillir des migrants, alors que des milliers de citoyens quittent le pays faute d’emploi, de services et fuyant une criminalité de plus en plus violente. Giammatei a aussi promis de s’attaquer aux causes de l’émigration illégale vers les États-Unis.

Moins de morts violentes

Selon Cux, la mauvaise gestion et le manque de transparence de Morales ont coûté cher au pays et laissé à Giammatei un héritage difficile à porter : « Le gouvernement Morales a laissé un pays en ruine dans beaucoup de domaines mais c’est surtout dans la lutte contre la corruption qu’on note le plus gros recul ». Malgré les critiques et une cote de popularité proche de zéro, le président sortant s’est défendu les derniers jours sur les avancées de son mandat en termes de sécurité, santé, éducation et économie, citant pour cela la création d’une union douanière avec le Honduras, bientôt suivi par le Salvador et à laquelle le Mexique serait intéressé. 

Selon les chiffres de la police, l’année 2019 s’est achevée avec un taux d’homicides de 23,5 pour 100.000 habitants, le plus bas de la décennie, dont 3.578 morts violentes. Ce chiffre reste encore bien au-dessus de la moyenne mondiale (6,1 en 2017 selon la Banque mondiale). En 2018, ce taux était de 26,1 au Guatemala, l’un des plus élevé d’Amérique latine.

Portrait du nouveau président

Alejandro Giammatei Falla est né le 9 mars 1956 à Guatemala City. Il devient médecin en 1980 après des études à l’université de San Carlos. Marié depuis 1989, séparé de son épouse Rosana Cáceres, il est père de trois enfants.

Après son échec aux municipales de la capitale en 1999, il devient directeur du système pénitentiaire du pays en novembre 2005, poste qu’il quitte en janvier 2007, après plusieurs conflits durement réprimés dans les établissements carcéraux. Mis en cause dans une affaire d’exécutions extrajudiciaires (sept victimes), il a été incarcéré pendant dix mois avant d’être libéré, faute de preuves. Considéré par son entourage comme quelqu’un « d’impulsif, incontrôlable, irascible, despotique, tyrannique, imprévisible, capricieux et revanchard », il est redouté pour ses colères.

Déjà présent à trois reprises aux élections présidentielles, en 2007, 2011 et 2015, il se présente en 2019 avec le parti « Vamos », et l’emporte au deuxième tour (57,96%, contre la sociale-démocrate Sandra Torres) dans un contexte de forte abstention (plus de 55%), devenant ainsi le 51ème président du pays.

Farouchement opposé à l’avortement, au mariage homosexuel et défenseur d’un retour à la peine de mort, il a déclaré dans son discours d’investiture que son gouvernement combattra « avec de la testostérone » l’insécurité, le narcotrafic, le crime organisé et les gangs, qualifiés de « groupes terroristes », causes de la moitié des 3.500 morts violentes enregistrées chaque année dans le pays.

Le nouveau leader conservateur a invité toutes les forces politiques et religieuses du pays à s’unir pour « l’amour du Guatemala […] pour les générations à venir », appelant à une réforme du système éducatif, « moteur de la société », et alertant sur les gros problèmes de dénutrition de la petite enfance, chiffrée en décembre 2019 à 46,5% de la population infantile (Rapport SIINSAN).

Mais le plus gros dossier reste celui des migrants, le Guatemala attendant un accord avec les États-Unis pour recueillir les demandeurs d’asile honduriens et salvadoriens, sans savoir s’il a véritablement les moyens de gérer une pauvreté s’ajoutant à celle de ses propres concitoyens, eux-mêmes désireux de partir et risquant par là même des affrontements entre communautés, sur fond de pauvreté, comme on a pu le voir récemment dans les différents exodes entre le Venezuela, la Colombie et l’Équateur.

Ce mardi, donc, le nouveau président a prêté serment avec près de quatre heures de retard, occasionnant le départ de certaines délégations étrangères (notamment japonaise et espagnole). Dès le lendemain, il signait un accord avec les États-Unis, en tant que « pays sûr », concernant l’accueil des migrants refoulés. Jeudi 16 janvier, le Guatemala a rappelé son ambassadeur au Venezuela, rompant ainsi toute relation diplomatique avec le gouvernement de Nicolás Maduro qu’il ne reconnait donc pas de facto. C’est ce que l’on appelle prendre ses fonctions « tambour battant »…

Traduit par Fabrice Bonnefoy

D’après infobae.com