Claudia López, première femme maire de Bogotá, bouscule la scène politique

Candidate d’une coalition associant le Parti Vert et le Pôle démocratique, victorieuse des élections municipales à un tour, Claudia López, 49 ans, a pris ses fonctions de maire de Bogotá le 1er janvier 2020, devenant ainsi la première femme élue dans la capitale dans un panorama politique national bouleversé depuis la victoire de la droite à la présidentielle de 2018.

Photo : Pressform

Dans un pays machiste et catholique où les droits des femmes à disposer de leur corps est limité, Claudia López est une homosexuelle assumée. Toutefois, en 2019, sa campagne électorale n’a pas mis en avant son orientation sexuelle mais ses origines sociales modestes : « je suis comme vous » a-t-elle répété dans ses interventions, dans un des pays les plus inégalitaires au monde où près d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. 

2019 est une année mémorable pour elle : après son mariage le 17 décembre avec la sénatrice Angélica Lozano du Parti Vert, elle twitte : « ¡Gracias a la vida por este año maravilloso: me gradué del doctorado, gané la Alcaldía y me casé con el amor de mi vida!» (Merci à la vie pour cette merveilleuse année : j’ai obtenu mon doctorat, j’ai gagné la mairie et je me suis mariée avec l’amour de ma vie !)

La modestie ne caractérise pas ses ambitions politiques : c’est une « combattante » dotée d’un fort caractère, d’un talent oratoire remarquable et d’une grande capacité de travail. Elle est bardée de diplômes en finance et relations internationales, en administration publique et politique urbaine. Grâce à des bourses d’études, elle a pu fréquenter les meilleures universités privées en Colombie et aux États-Unis. Sa carrière politique comme sénatrice ne l’a pas empêchée de terminer une thèse de doctorat en sciences politiques aux USA, à l’Université de Northwestern (Chicago).

Une ambition présidentielle 

Claudia Nayibe López Hernández n’est pas une novice en politique :  elle a été sénatrice à partir de 2014 sous les couleurs du Parti Vert et a été pré-candidate aux présidentielles de 2018 sous la même bannière. Son projet déclinait des thématiques propres à créer des alliances sur un arc allant d’une partie de la gauche aux écologistes : lutte contre la corruption, paix et sécurité, inclusion sociale et équité, éducation et petite enfance, environnement et industries extractives, qualité de vie urbaine et mobilités. De toute évidence, ce programme présidentiel avait en ligne de mire les municipales de 2019 dont elle est sortie victorieuse, face à un candidat libéral issu d’une dynastie politique, Carlos Galán, qu’elle a devancé de trois petits points. Grâce à une bonne connaissance de la sociologie politique de la capitale, elle a mené une campagne plus au centre-gauche et attiré des soutiens du monde universitaire et culturel intéressé par ses positions et sa personnalité. Mais elle a aussi ses adversaires, à droite bien sûr, mais aussi à gauche qui lui reprochent ses compromis et son caractère autoritaire.

La « coalition citoyenne »

Sa campagne municipale a reposé sur quatre piliers : la politique sociale, les transports publics, l’environnement et la sécurité. Sur le point de la paix civile, la Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, a enregistré « un peu plus de 11.000 homicides » (2017), selon le ministre de la Défense du moment. Ce chiffre baisse peu à peu depuis l’accord avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le désarmement de 7 000 rebelles après cinquante-deux ans de conflit. Mais le climat général de violence reste élevé : Claudia López a reçu des menaces de mort pendant la campagne qui a quand même compté l’assassinat de sept candidats aux municipales. La droite dure, portée par l’actuel président Ivan Duque et Álvaro Uribe, ex-président et mentor politique de Duque, a connu une déroute dans un contexte de manifestations massives et de révoltes sociales. 

Le panorama politique colombien est dorénavant nouveau car la victoire de Claudia López n’est pas unique : d’autres grandes villes comme Medellín et Cali marquent le changement politique et l’arrivée d’une nouvelle génération d’élus. 

Le 1er janvier 2020, jour de sa prise de fonction comme Maire de Bogotá, « la femme diverse » comme elle se nomme elle-même, l’élue la plus représentative après le Président, est arrivée en vélo pour un vaste pique-nique sur une place de la ville. Dans son discours elle a réitéré son engagement à construire la première ligne de métro de Bogotá, agglomération de plus de 7 millions d’habitants. Elle s’est fait la porte-parole de l’exécutif de la ville qu’elle a appelé « coalition citoyenne » et s’est placée du côté des aspirations « élémentaires et légitimes des jeunes, des femmes, des mouvements civiques, des groupes ethniques, des mouvements écologistes et animalistes, de tous ceux qui revendiquent la diversité sexuelle et l’égalité non seulement devant la loi mais devant la vie ».

Les élections locales d’octobre et les manifestations populaires de décembre 2019 ont redessiné la scène politique, sociale et sociétale colombienne pour 2020 et les années à venir. Dès son discours d’investiture du 1er janvier à la tête de l’exécutif municipal Claudia López entend y prendre une place importante. Elle se range du côté de ceux qui réclament « un nouveau pacte social intergénérationnel qui soit un pacte définitif pour l’égalité, la transparence, le développement durable et la réconciliation de la Colombie »

Claudia López se met d’ores et déjà à hauteur d’une prochaine échéance nationale, celle de la présidentielle qui se tiendra dans un an et demi.

Maurice NAHORY