Sortie de « Muertos » de Pierre Place aux éditions Glénat, dans la série « Stranger Thing  »

Mexique, début du XXe siècle. Une hacienda est subitement prise d’assaut par une horde d’étranges individus, des « calaveras », ces figures écorchées issues du folklore mexicain, hébétées et muettes, qui ne semblent tenir debout que par la pulsion de meurtre qui les anime. Les survivants de l’attaque, jetés sur les routes, forment alors un groupe sans distinction de classes, de milieux, ou d’origines… même si les patrons tentent de demeurer ceux qui donnent les ordres. Ils n’ont alors pour seul langage commun que celui de la violence et de la lutte pour la survie. Reste à savoir s’ils vont devenir aussi sauvages que les monstres qui les poursuivent… 

Photo : Bedetheque

À l’hacienda, les femmes triment et les hommes palabrent, quoi de plus normal. Soudain, des cris brisent ce quotidien. Une horde d’individus pris de folie envahit la cour et sème la panique. Bourgeois, contremaîtres et paysans se regroupent, prennent les armes et se tiennent les coudes en cette occasion, faisant fi du rang et de la hiérarchie afin de repousser cette vague de violence. Cependant, cette solidarité forcée se fissure rapidement pour faire resurgir les comportements primaires. 

Après un monde de glace (Celle qui réchauffe l’hiver) et la grisaille de la ville (Macadam Byzance), Pierre Place livre une intrigue aride et étouffante. Aussi macabre que mouvementé,  Muertos  est autant un pur divertissement empruntant aux westerns-spaghetti qu’un ouvrage plus profond, comme peuvent l’être certaines œuvres « zombiesques » inspirées de Georges Romero. Le scénariste met en scène son idée des comportements poussés à leur extrême dans les situations de chaos, sur un fond de folklore mexicain très bien rendu, avec notamment la célèbre  «  Muerte  » (la Mort). Malgré un nombre de personnages assez important, le lecteur s’y retrouve facilement car ils possèdent leur personnalité propre. Sortent du lot l’idiot, la brute et le poète mais surtout, les riches et les pauvres. Les femmes ne sont pas en reste, elles apportent leur courage et leur sagesse.  Muertos  ne se cantonne donc pas qu’au récit horrifique mais il propose également une réflexion sur la confrontation entre les réflexes viscéraux et la morale. La gestion du rythme est équilibrée entre les scènes d’action et les dialogues, le suspens est au rendez-vous.
 
L’ambiance et le style des illustrations rappellent grandement le récent  Mondo Reverso. Avec un trait semi-réaliste et un noir et blanc habillé d’aplats de gris, l’artiste propose une excellente partition. Son travail sur le cadrage et le choix des plans génèrent une belle fluidité, autant dans l’action que dans les séquences tendues. De jolies reconstitutions de décors du désert mexicain parsèment les planches et quelques pleines pages ravissent l’œil.
 
Sang froid et sang chaud se bousculent et se mélangent dans ce récit choral qui décrit la lutte pour la survie sur fond de croyances sud-américaines et de classes sociales. Un très bon moment de lecture, brillamment illustré. 

L. MOENECLAEY

Muertos de Pierre Place, Ed. Glénat. 152 p. 25,50€. Sortie prévue le 8 janvier. Site