La fille d’Ipanema devient orpheline : hommage au musicien brésilien João Gilberto

Le géant de la musique brésilienne, João Gilberto, est mort samedi dernier dans son appartement carioca. L’inventeur de la bossa-nova avait 88 ans et laisse derrière lui un répertoire musical considérable.

Photo : Veja

Originaire de l’État de Bahia au nord du Brésil, João Gilberto déménagera à Rio de Janeiro à la fin des années 1950. Il y rencontrera Tom Jobim et Vinicius de Moraes, avec lesquels il sera à l’origine d’un nouveau style musical : la bossa-nova (littéralement, «truc nouveau»). João Gilberto théorisera définitivement ce mélange de samba et de soft jazz, né au sein des classes moyennes blanches de Rio, dans ces trois premiers albums, une trilogie légendaire pour les amoureux du genre : Chega de saudade (1959), O amor, o sorriso e a flor (1960) et João Gilberto (1961). De ces albums proviennent ses morceaux emblématiques tels que Chega de saudade, Desafinado, Bim-bom et Corcovado.

En 1962, son deuxième album sortira aux États-Unis, un pas de géant vers l’internationalisation de la bossa-nova. Deux ans plus tard, João Gilberto atterrit à New-York pour l’enregistrement d’un concert au Carnegie Hall, en compagnie du saxophoniste de jazz Stan Getz. Cet album remportera quatre Grammys et deviendra la rampe de lancement pour la carrière internationale de Gilberto. De cet album est issu le morceau mythique Garota de Ipanema, objet de multiples réinterprétations.

Depuis l’annonce de sa mort, c’est un pays tout entier qui est en deuil. En reprenant des extraits de chansons d’autres artistes brésiliens célèbres, Caetano Veloso, disciple de Gilberto, écrit «Mieux que cela, le silence ; mieux que le silence, seulement João». Bien que de courte durée (environ une décennie), la bossa-nova laissera une empreinte précieuse dans la musique brésilienne, en plus des infinis réenregistrements de ses classiques à travers le monde, dans toutes les langues.

La bossa-nova rime aussi avec une période considérée comme dorée pour de nombreux brésiliens. La fin des années 1950 et début 1960 seront en effet une période charnière d’optimisme et d’ébullition pour le pays, entre l’organisation de la Coupe du monde de football, la mise en place de la Republica Nova et la construction de la moderniste Brasilia. En tant que bande originale de cette époque, la bossa-nova entre en rupture avec les stéréotypes tropicalisant de la samba, donnant un nouveau visage aux rythmes brésiliens.

Depuis quelques années soumis à des problèmes financiers, familiaux et de santé, João Gilberto s’était éloigné des scènes et vivait une existence solitaire dans son appartement de Rio de Janeiro. Il restera pour toujours un ambassadeur de choix de la musique brésilienne et laisse derrière lui un héritage musical colossal.

Romain DROOG