L’ex-président péruvien Alan García se suicide juste avant son arrestation

Alan García, ancien président péruvien, s’est suicidé le 17 avril 2019 lorsque l’équipe de l’Opération Lava Jato s’est présentée chez lui dans le but de l’arrêter. García était en train de faire face à des accusations de corruption liées à l’entreprise brésilienne Odebrecht.

Photo : Washington Post

L’ancien président péruvien Alan García est mort délibérément après s’être tiré une balle dans la tête lorsque la police est arrivée chez lui pour l’arrêter dans le cadre d’une enquête de corruption. Président de 1985 à 1990 puis de 2006 à 2011, Alan Garcia a été accusé l’an dernier d’avoir reçu de l’argent du groupe brésilien Odebrecht, à l’occasion de la construction d’une ligne de métro dans la capitale.

Cinq ans après que l’Opération Lava Jato a dévoilé une énorme affaire de corruption au Brésil, le scandale continue à laisser ses traces en Amérique latine. L’affaire a détrôné plusieurs figures politiques dans la région et d’autres sont encore sous investigation pour avoir accepté des pots-de-vin de l’entreprise de construction Odebrecht. En 2016, Odebrecht, l’entreprise de construction la plus importante en Amérique latine, a révélé avoir payé une somme de 788 millions de dollars en dessous-de-table dans une dizaine de pays de la région.

Au Pérou, Odebrecht admet avoir payé 29 millions de dollars. Quatre des présidents les plus récents au Pérou apparaissent actuellement dans le cadre de l’enquête pour corruption, avec un cinquième, Alberto Fujimori, qui purge une peine d’emprisonnement pour corruption et abus des droits de l’homme. Avec la destitution de Pedro Pablo Kuczynski en 2018, le Pérou a été le premier pays où l’affaire a renversé un dirigeant. Le mercredi 10 avril, le Pérou est également devenu la scène du premier suicide directement lié aux investigations.

Depuis 2016, lorsque ont été révélés les pots-de-vin que l’entreprise brésilienne a payés à une douzaine de pays latino-américains, García est devenu une cible pour le bureau du procureur. Alors qu’au début il n’y avait pas d’indices qui impliquaient le président péruvien directement, les procureurs savaient que son deuxième mandat (2006-2011) coïncidait avec la période de 2005 à 2014 où Odebrecht a reconnu avoir payé des dons au Pérou. L’implication du cabinet de García s’est confirmée en 2017 lorsqu’a été dévoilé que le vice-ministre des Communications d’Alan García, Jorge Cuba, avait reçu 8 millions de dollars pour la licitation de la ligne 1 du métro de Lima sur des comptes privés. Il est actuellement en détention préventive.

De plus, les initiales “AG” figuraient dans les agendas de Marcelo Odebrecht, l’ex-président du géant brésilien du bâtiment. Ces documents ont aidé à identifier quelques-uns des récepteurs de pots-de-vin. Odebrecht a confirmé aux procureurs péruviens qu’il s’agissait d’Alan García. Ce dernier a toujours rejeté ces accusations. L’enquête a commencé à faire suffoquer Alan García vers la fin de l’année dernière lorsqu’un juge a émis l’ordre de l’empêcher de sortir du pays pour une durée de 18 mois dans le cadre d’une enquête pour blanchiment d’argent, collusion et trafic d’influence. Le leader du parti Aprista a rapidement sollicité l’asile à l’ambassade d’Uruguay, demande qui a été rejetée.

La situation légale de García s’est encore compliquée récemment lorsqu’a commencé à circuler que l’ex-secrétaire présidentiel Luis Nava et son fils José Antonio Nava ont reçu 4 millions de dollars pour conclure le contrat de construction de la ligne 1 du métro de Lima.

À la suite de ces révélations, le pouvoir judiciaire a autorisé la demande du Ministère public d’arrêter durant 10 jours Alan García et d’autres inculpés. Lorsque l’équipe spéciale de l’affaire Lava Jato s’est présentée chez lui pour exécuter l’ordre, l’ancien président est monté dans sa chambre et s’est donné la mort. Son corps a été ramené à l’hôpital Casimiro Ulloa vers 7h du matin. Sa mort a été confirmée à 10h25. Puis le diagnostic a été déclaré : “impact de balle dans la tête”.

L’article 78 du Code pénal du Pérou dit que l’action publique, l’attribution de réprimer une infraction en application de la loi pénale, expire lorsque l’inculpé meurt. Cela veut dire que les investigations autour de García s’archivent. Cependant, l’ordre d’arrestation ne touchait pas uniquement Alan García, mais huit autres fonctionnaires. Sa mort met fin à l’action publique engagée contre lui, mais la mise en lumière des faits continue pour les autres accusés.

Monica GIORDANELLI