Quilapayún, une épopée raffinée au Festival de musique Barnasants à Barcelone

Le groupe chilien a rendu un hommage fidèle à Violeta Parra et Víctor Jara dimanche 17 février au théâtre Joventut de l’Hospitalet, à Barcelone. Bien qu’éternellement associé au refrain-devise «El pueblo unido jamás será vencido» («Le peuple uni ne sera jamais vaincu»), Quilapayún compte à son actif une trentaine de disques et d’innombrables compositions, dont il est le compositeur ou l’interprète et qu’il continue de soigner avec rigueur et délicatesse.

Photo : Barnasants Tourisme

Ce dimanche, au théâtre de l’Hospitalet, ce sont les compositions de deux auteurs incontournables, Violeta Parra et Victor Jara, très proches de l’univers du groupe Quilapayún, qui ont été mises à l’honneur dans le cadre du Festival de Barnasants. Les harmonies vocales, très élaborées et porteuses d’un message révolutionnaire, ont ouvert le bal au rythme de la «Plegaria a un labrador» de Jara, avec toute sa vitalité naturelle, et le doux frôlement lumineux des guitares.

Vêtus de noir, mais sans les ponchos d’une autre époque (qu’ils ne sortent de l’armoire qu’occasionnellement), les sept membres de Quilapayún, Rodolfo Parada sur le devant de la scène, sont apparus sobres et ont livrés corps et âmes à l’art de la chanson. Des voix fortes dans «Qué dirá el Santo Padre» de Parra, dont les strophes de Gracias a la vida ont été mêlées à celles de Corazón maldito» dans une création tout en contrastes qui a exalté la profondeur dramatique de la troubadour.

Profondeur instrumentale

De Jara a été interprété, avec une grande force intérieure, «El pimiento», et les «cinq minutes» contenues dans Te recuerdo, Amanda, en alternance avec des citations de Carlos Puebla, et d’un grand classique du répertoire, «La muralla», que Patricio Wang a associé à l’actualité politique catalane («ils disent par ici qu’aujourd’hui, ils lancent les murailles ; nous, non», a-t-il ironisé). Wang a dirigé quelques substantielles pièces instrumentales comme «Temporía», un «collage» de compositions diverses aux tons contemporains, ainsi que la «Suite Movie» de Manos Hadjidakis.

Quilapayún a déployé ensuite des registres suggestifs, un pas au-delà du folklore, et a confirmé son agilité rigoureuse avec une composition complexe de Violeta Parra, El gavilán, le récit compliqué d’un amour trompeur. La puissance vocale déployée lors de l’interprétation en catalan de Què volen aquesta gent ?, comme lorsque, en 2003, le groupe l’avait partagé avec sa co-autrice, Maria del Mar Bonet, en a fait l’un des points culminants du récital, de même que Allende, un hommage au leader immolé.

Une ambiance chaleureuse au Joventut, où le public, debout, a demandé un rappel lancé au son tropical de La Batea, chemin vers l’hymne de tous les hymnes, «El pueblo unido jamás será vencido». En guise de bouquet final, la chanson populaire espagnole, El turururú, sarcastique récital de critiques sociales, et le signe que la bonne humeur n’est pas, après tout, étrangère au monde de Quilapayún.

Léa JAILLARD
D’après El Periódico