Tous les ingrédients sont réunis pour une transition démocratique au Venezuela

Le caractère démocratique de l’opposition vénézuélienne est visible à travers les consignes du président de l’Assemblée nationale et président par intérim Juan Guaidó : «cessation de l’usurpation du pouvoir, gouvernement de transition et élections démocratiques et libres». La majorité de la population désire un processus électoral libre et démocratique pour changer l’avenir du pays et résoudre enfin la crise cataclysmique qui secoue le Venezuela depuis des années (le salaire minimum en 2018 ne permettait d’acheter que 600 calories, contre 60000 en 2012 d’après l’ENCOVI).

Photo : Rayner Peña R./El Pitazo

Toutes les actions de l’opposition vénézuélienne ont un caractère démocratique et respectent la Constitution de 1999. Les Vénézuéliens désirent un changement politique radical dans le pays afin de récupérer les institutions. Pour toutes ces raisons, le peuple du pays sud-américain a décidé en 2019 de manifester et de rejeter le pouvoir illégal que détiennent Nicolás Maduro et le Parti socialiste (PSUV).

Les manifestations grandioses du 23 janvier 2019 dans tout le pays, orchestrées par l’opposition, avaient pour objectif de soutenir Juan Guaidó qui prit ainsi, de manière transitoire, le pouvoir exécutif national par le biais des articles 233, 333 et 350 de la Constitution vénézuélienne. Mercredi dernier, les principales rues et avenues du pays étaient remplies de personnes de tous âges et strates sociales qui souhaitaient une seule chose : des élections libres.

Le samedi 2 février, l’opposition a montré de manière très évidente que la majorité de la population désirait un changement et soutenait vivement le président par intérim Juan Guidó. D’après Torino Capital, environ 800 000 personnes étaient présentes sur l’avenue principale de Las Mercedes à Caracas (ville qui possède environ 2 millions d’habitants) pour écouter les discours de plusieurs représentants des communautés européennes au Venezuela, dont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne et les Pays-Bas, ainsi que quelques mots prononcés par Juan Guaidó.

Le choix d’organiser cet événement à cette date vient du fait que, le jeudi 31 janvier, le Parlement européen a reconnu Guaidó président légitime à la suite d’une élection qui a eu pour résultat 439 votes pour, 104 contre et 88 abstentions. En ce qui concerne l’Union européenne, Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a affirmé que ce n’est pas une affaire communautaire de reconnaître ou pas Guaidó mais à chaque pays de l’Union de le faire indépendamment.

En revanche, un groupement de pays européens comme latino-américains a été désigné pour accompagner le Venezuela à travers un processus pacifique et démocratique afin de dépasser la crise. Ce groupe est composé par la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, l’Italie et la Suède pour les pays européens, et par l’Équateur, le Costa Rica, l’Uruguay et la Bolivie en ce qui concerne l’Amérique latine. D’autres pays pourront éventuellement le rejoindre par la suite. Le groupe a 90 jours pour atteindre les objectifs fixés, sinon le projet sera clos. L’objectif majeur est de permettre aux Vénézuéliens de voter et de choisir un nouveau président de manière constitutionnelle et libre.

De plus, pour permettre à la population la plus démunie d’accéder à des biens de première nécessité et à des soins médicaux, Juan Guaidó et le parlement vénézuélien ont approuvé l’entrée au pays de l’aide humanitaire en provenance majoritairement des États-Unis (20 millions de dollars) et de l’Union européenne (35 millions d’euros). Lors de la manifestation, Guaidó a affirmé que les points stratégiques où arrivera l’aide humanitaire sont des villes frontalières en Colombie, au Brésil et sur une île des Caraïbes, mais il n’a pas osé en dire plus. L’arrivée de cette aide est prévue dans les prochains jours, comme le suggèrent les mouvements militaires américains à la frontière colombienne. La crise humanitaire est un des problèmes à résoudre d’urgence. D’après l’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs de l’ONU (OCHA), en 2017, 6 Vénézuéliens sur 10 ont perdu 11 kg en une année à cause d’un manque d’aliments et 1,3 million de personnes souffriraient de malnutrition dans le pays.

Jeudi dernier, lorsque les parlementaires exposaient le «plan pays» à l’Université centrale de Caracas (UCV), des membres de l’unité de police spéciale FAES (Fuerzas Especiales de la Policía Nacional Bolivariana) sont rentrés de manière arbitraire et sans ordonnance judiciaire dans la maison de la mère de Fabiana Rosales, épouse de Juan Guaidó, où se trouvait leur fille de 20 mois. Guaidó a dénoncé les faits et a immédiatement dit qu’il accusait le FAES de toute atteinte contre la vie de sa petite fille. Il a quitté les lieux quelques instants après pour se rendre chez sa belle-mère et retrouver sa fille. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement essaie de porter atteinte au président par intérim. Le 29 janvier, le Tribunal suprême de justice (TSJ) a prononcé une mesure provisoire à son encontre : il ne peut désormais plus sortir du pays sans autorisation, ses comptes bancaires ont été bloqués sur le territoire national et ses biens ne peuvent être aliénés ni hypothéqués. Le tribunal a seulement affirmé que cette mesure était due aux «actes terroristes» commis lors du 23 janvier 2019, mais aucun détail ni information sur les faits n’ont été donnés. Sans tarder, John Bolton, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, s’est prononcé : «Ceux qui tentent de saboter la démocratie et de s’en prendre à Guaidó en subiront les conséquences

Le régime de Nicolás Maduro tente de s’accrocher au pouvoir, mais cela lui est de plus en plus difficile. Le 25 janvier, le parlement a voté la loi d’amnistie et de garanties constitutionnelles pour les militaires et civils qui aident à la restitution de l’ordre constitutionnel. C’est-à-dire une loi qui pardonne tous les militaires et civils qui soutenaient illégalement le gouvernement mais qui décident de ne plus le faire, afin de rétablir la démocratie et la séparation des pouvoirs, à l’exception de ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité. C’est une loi assez dangereuse pour le régime de Maduro puisqu’elle peut conduire les militaires à ne plus le soutenir, même si cette loi s’adresse surtout aux militaires de bas et moyen rang. Peu à peu, quelques militaires se sont déjà prononcés et soutiennent le nouveau chef du gouvernement. C’est le cas du général d’aviation militaire Francisco Esteban Yánez Rodríguez ou de l’attaché militaire à l’ambassade de Washington, le colonel José Luis Silva Silva. La réponse de Maduro a été de réaliser des événements militaires dans diverses bases du pays, afin de parler directement aux soldats et demander leur soutien. En revanche, au fur et à mesure, les forces de l’ordre n’obéissent plus aux ordres de Maduro, comme cela a été le cas lors des manifestations du 2 février dans la ville de Barquisimeto dans l’État de Lara, où des membres de la police (PNB) ont décidé de ne pas réprimer les manifestants.

Pourtant, en quelques mois de manifestations «pacifiques», 35 personnes ont été tuées d’après une ONG vénézuélienne (OVCS) et plusieurs centaines sont en prison. Parmi ces dernières, 77 sont des mineurs qui ont entre 12 et 16 ans d’après l’ONG Foro Penal. En outre, plusieurs journalistes étrangers ont également été emprisonnés illégalement ces derniers jours : deux journalistes français de l’émission Quotidien de TMC, Pierre Caillé et Baptiste des Monstiers, ou les reporter et cameraman chiliens Rodrigo Pérez et Gonzalo Barahona.

La réponse de Maduro pour rester au pouvoir et dépasser la crise serait d’avancer les élections parlementaires prévues pour 2020 afin d’élire de nouveaux députés à l’Assemblée nationale, seule institution qui ait été élue légitimement par le peuple en décembre 2015.

On ne peut pas connaître l’avenir du Venezuela et de son peuple, et pourtant on peut dire qu’en ce moment, tous les éléments pour une transition démocratique et pacifique y sont présents : soutien de la majorité de la population, pression de la part de la communauté internationale, mécontentement général des forces de l’ordre et un projet clair pour la reconstruction du pays. L’arrivée au pays de l’aide humanitaire dans les jours qui suivent sera peut-être l’élément déclencheur du changement. Les jours à venir seront décisifs pour la liberté, la paix et la démocratie au Venezuela. ¡Viva Venezuela libre!

Gilberto ANDRÉS OLIVARES