Le Venezuela et les quatre vérités des Amériques face au nouveau mandat de Nicolás Maduro

Le 10 janvier 2019, Nicolás Maduro a solennellement et officiellement entamé sa mandature de président du Venezuela. Cette prise de fonction a provoqué un tremblement médiatique et émotionnel international, révélateur en quatre vérités des contradictions et des enjeux qui divisent les puissants de ce monde, bien davantage que du quotidien dramatique des Vénézuéliens, générateur d’un exode inédit sur le continent américain.

Photo : RTVE

Première des quatre vérités : le Venezuela est un pays relativement modeste, par sa superficie comme par sa population et son périmètre économique. Il dépend des exportations quasi exclusives d’un seul produit, le pétrole. Le pétrole lui donne, selon les aléas des prix du baril, finances et influence, ou au contraire le plonge dans des crises cycliques internes brutales et déstabilisatrices, au même titre que la quasi totalité des pays membres de l’OPEP qui vivent les mêmes contraintes. Le Venezuela est aujourd’hui en période de chute prolongée des cours. Il n’a jamais su/pu développer une économie alternative. Il en paye un prix élevé. Incapable de financer les importations nécessaires à son train de vie, le Venezuela, victime d’une inflation à plusieurs zéros, plonge ses habitants dans la disette. Ils sont un, deux (?) millions aujourd’hui ayant migré vers des horizons supposés meilleurs de la Colombie au Chili. Ils pourraient être trois, quatre millions dans quelques mois selon les Nations unies.

Deuxième vérité : les «élites», ou supposées telles, qui dirigent le pays, comme celles qui s’expriment en ordre dispersé au nom des oppositions, se disputent avec ardeur et intolérance un pouvoir dont les bases fondent de mois en mois. Dans son discours, le président Maduro a directement interpellé les siens pour qu’ils se mobilisent contre la corruption. Les opposants appellent l’armée à se soulever, et courtisent des chefs d’État supposés les mieux à même de faire avancer leur cause, le Nord-Américain Donald Trump et le brésilien Jair Bolsonaro. Des choses qui intéressent de moins en moins les citoyens du commun qui ont choisi de quitter un bateau qui prend l’eau apparemment sans retour.

Troisième vérité : pour son malheur, le Venezuela est devenu le panache blanc permettant de rallier des gouvernements droitiers et au-delà, en panne de dénominateur commun. Ils ont contribué à désarticuler un peu plus un monde en désordre, sortant de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique ou refusant de participer au pacte de Marrakech sur les migrations, comme le Brésil, le Chili et les États-Unis. Ils ont mis un coup de frein brutal sur les processus de coopération interaméricaine, CELAC, MERCOSUR ou UNASUR. Tous cherchent à diaboliser les compromis sociaux mis en place par leurs prédécesseurs. Au nom des libertés, de l’anticommunisme… et de l’antichavisme. C’est tout à la fois la chance et le malheur de Nicolás Maduro. Le Venezuela est mis à l’index, conspué et présenté, avec la complicité des grands médias, comme le mouton noir, celui dont vient tout le mal. Mais étant le ciment indispensable aux politiques libérales et socialement régressives de Bolsonaro, Macri, Piñera et autre Trump, il ne sera certainement jamais envahi militairement. Le sort des milliers de réfugiés économiques vénézuéliens est le cadet des soucis des chefs d’État argentin, brésilien, chilien comme états-uniens. Il suffit de se reporter au texte de la déclaration adoptée le 4 janvier 2019 par les 14 gouvernements du Groupe de Lima. Le sort des migrants est relégué tout au bout du communiqué final, en point 9 sur les 13 présentés.

Quatrième vérité : il y a oui, quand même, un enjeu global. La rareté des ressources est à l’origine d’une compétition montante entre puissances. Chine, Russie, Iran, Turquie sont de plus en plus présents en Amérique latine, comme ils le sont d’ailleurs en Afrique. Ces nouveaux venus disputent les biens primaires de ces continents aux prédateurs historiques, États-Unis et Europe. Toute situation de crise, comme celle du Venezuela, offre une opportunité d’OPA. La Chine, la Russie, la Turquie, l’Iran étaient présents à Caracas le 10 janvier 2019 pour signaler combien ils sont attachés à la défense de la non-ingérence et à la souveraineté des peuples et des nations ; répondant ainsi sur le terrain des grands principes, à la démocratie et aux libertés, avancés six jours plus tôt à Lima, par le groupe de pays américains liés aux États-Unis[1].

La morale de ces journées des dupes a incontestablement été tirée par Andrés Manuel López Obrador, nouveau président du Mexique, qui a rappelé en termes simples les éléments indispensables à la paix et à la coopération entre États. «Nous ne nous mêlons pas des affaires internes des autres pays, parce que nous ne voulons pas que les autres mettent leur nez dans ce qui regarde les seuls Mexicains. […] Le Mexique considère que la seule option à retenir est celle du dialogue, de la médiation et non de l’isolement

Jean-Jacques KOURLIANDSKY


[1] Le Groupe de Lima est composé de quatorze pays : l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa-Rica, le Guatemala, le Guyana, le Honduras, le Mexique, Panama, le Paraguay, le Pérou, Sainte-Lucie.