Vers les élections présidentielles brésiliennes : entre black-out et vote blanc le 7 octobre prochain

Cohérents avec eux-mêmes, les juges brésiliens ont exclu le 31 août le favori, Lula, de la course électorale présidentielle. Cohérents avec eux-mêmes, ils ont libéré de toute poursuite José Serra, ex-ministre des Affaires étrangères du président Temer. Double décision conforme avec la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016 et les condamnations sélectives prononcées pour corruption depuis cette date. Lula, Dilma Rousseff, sont membres du Parti des travailleurs. José Serra est adhérent du parti libéral, PSDB.

Photo : teleSUR

Le Brésil vit depuis deux ans à l’heure d’un coup d’État judiciaire, médiatique et parlementaire. Les initiateurs de cette rupture institutionnelle sans violences physiques entendaient changer de politique économique et sociale. Ce qui est aujourd’hui en bonne voie. Le Brésil est rentré dans le rang de la «normalité». Il n’aspire plus à jouer un rôle émancipateur, pas plus à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur. Les pauvres ont retrouvé la place qui était la leur, dans la rue. Le pétrole du plateau maritime devait abonder les budgets sociaux. Il a été ouvert au capital international. Etc.

Juges, grande presse et parlementaires ont combiné leurs efforts pour mettre hors-jeu le PT et son chef historique, Lula da Silva. Il n’est pas question de suspendre une telle opération, à cinq semaines de son terme : des élections sur mesure, censées légitimer a posteriori les putschistes en costumes croisés. Quelles que soient les réserves signalées par le Comité des droits de l’homme des Nations unies ou les personnalités politiques progressistes internationales qui ont appelé la justice brésilienne à retrouver l’esprit des lois.

Il y a malgré tout un «hic». Les auteurs de ce coup fourré démocratique n’ont pas de candidat présentable. Le premier rôle occupé par Lula a bien été libéré par une justice complice. Mais la place de favori est désormais occupée par un postulant d’extrême droite, entouré de militaires nostalgiques de la dictature des années 1970 et oint par diverses églises évangélistes pentecôtistes. La presse officielle fait feu de tout bois contre Jair Bolsonaro, cet empêcheur de tourner en rond. Elle essaie de faire «mousser» la crédibilité de Geraldo Alckmin, PSDB en service électoral présidentiel, voire de Marina Silva, évangéliste de repli. Rien n’y fait.

À défaut, les médias et les industries culturelles s’agitent pour décourager le vote des électeurs réticents. En validant à longueur de colonnes et d’antenne l’impartialité d’une justice prise en défaut d’impartialité et donc le caractère incongru d’une candidature Lula, condamné pour corruption. En lançant des films et pièces de théâtre mettant le monde politique dans le même sac. Tous pareils, pourquoi dans ces conditions se déplacer pour voter ?

Il y a bien des contre-feux au vote blanc et aux fausses nouvelles. Dans ce pays très religieux, les catholiques progressistes se sont mobilisés. Les gens modestes n’arrivent pas à avaler les discours de TV Globo. Les mesures anti-sociales adoptées par le gouvernement de fait depuis deux ans ne passent pas. Les plus pauvres, la communauté noire, majoritaires, sont les plus forts soutiens de l’ex-président Lula. Il est vrai que les deux tiers des 60 000 victimes d’homicides en 2017 étaient des jeunes noirs. Les Rencontres cinématographiques afro-brésiliennes de Rio organisées en ce moment ont été dédiées à Lula, Lula libre.

Le quotidien O Globo, journal de Rio, a fait silence et black-out sur cet événement politico-cinématographique. Question à ce jour sans réponse : ce mur du silence et des black-out suffira-t-il à pousser le candidat de «l’élite» financière du Brésil vers une hypothétique victoire ?

Jean-Jacques KOURLIANDSKY

 

Dernières informations : Alors que le candidat favori des sondages Lula da Silva se retrouve en prison, un nouveau fait marquant vient perturber la campagne présidentielle au Brésil : le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro a en effet été victime d’une attaque au couteau dans un bain de foule ce jeudi 6 septembre, sans que ses jours ne soient en danger malgré la gravité de la blessure. La classe politique, de gauche comme de droite, a en tout cas unanimement condamné cette attaque. Cet événement pourrait marquer un tournant dans cette campagne, au ton de plus en plus agressif, et polariser encore davantage les militants de Bolsonaro contre les militants du PT.