Martín Vizcarra nommé président du Pérou à la suite de la démission de Pedro Pablo Kuczynski

On note deux évènements majeurs cette semaine au Pérou : d’une part, la démission de Pedro Pablo Kuczynski, et d’autre part, l’arrivée d’un nouveau président, Martín Vizcarra. L’ancien président Kuczynski était censé se soumettre à un vote du parlement avant sa destitution, le 21 mars. Pourtant, il a présenté sa démission dans un message télévisé sans même attendre les résultats du vote. Et de quoi était-il accusé ?

Photo : Todo Noticias

Pedro Pablo Kuczynski devait s’expliquer sur différents points, notamment sur ses liens avec l’entreprise brésilienne Odebrecht. Selon Clarín, journal argentin, alors qu’il était ministre de l’Économie, celui-ci aurait obtenu un prêt pour la « Corporación Andina de Fomento » de 77 millions de dollars en 2005 pour financer un projet commandé à Odebrecht. Le problème se pose puisqu’Odebrecht était alors client de la société Westfield Capital, dont Kuczynski était le patron. Aussi, alors qu’il était ministre de l’Économie, Pedro Pablo Kuczynski a signé un contrat avec un groupe de sociétés, dont Odebecht était à la tête, pour la construction de deux tronçons de l’autoroute transocéanique. Marcelo Odebrecht, ex-PDG de l’entreprise de construction Odebrecht, a confirmé aux impôts le paiement à Kuczynsky pour des travaux dans son entreprise. D’ailleurs, il a admis avoir financé tous les candidats les plus importants des élections présidentielles de 2011, soulignant qu’il pouvait montrer les détails de ces apports.

Ce n’est pas la première fois qu’une session parlementaire est convoquée pour voter sa démission. Trois mois plus tôt, ce vote, pour les mêmes raisons, n’avait pas abouti. Normalement, il n’avait pas suffisamment de soutien. Pourtant, Kuczynski a réussi à en réchapper grâce à l’appui des membres du parti FP (Force Populaire). Ces membres auraient obtenu des contreprestations, comme la grâce à Fujimori, et, étant eux-mêmes sous les yeux de la justice, la promesse de faire arrêter ces poursuites pénales. Cette fois-ci, selon le congressiste Héctor Becerril, l’ex-président aurait passé plusieurs jours à tenter d’acheter les voix nécessaires afin de gagner le vote. C’est ce que montrent des vidéos confirmant cette accusation. Kuczynski a donc présenté sa démission, entraînant avec lui les dix-neuf ministres du Conseil. Il perd ainsi son immunité devant la justice. Pour l’instant, il lui est interdit de sortir du pays durant les dix-huit mois à venir. Hamilton Castro, responsable de l’enquête sur l’affaire Odebrecht au Pérou, défend ces dix-huit mois de peine afin de l’empêcher de prendre la fuite (on se souvient de l’ancien président Toledo).

Suite à cette démission, le Pérou est face à un nouveau président. Il s’agit de Martín Vizcarra, l’ancien ambassadeur du Pérou au Canada. Vizcarra faisait partie de l’équipe de Kuczynski dans le parti PPK (Péruviens pour le changement). Il était chargé des politiques sociales en-dehors de la capitale. Martín Vizcarra a aussi occupé le poste de gouverneur dans sa ville d’origine, Moquegua, de 2011 à 2014. Il est parvenu à mettre en place, avec succès, des politiques sur le plan de l’éducation et il a réussi à mener de bonnes négociations avec les compagnies minières. Il aurait investi l’argent obtenu lors de ces négociations dans l’éducation. Vizcarra faisait partie du gouvernement de PPK comme ministre des Transports. Cependant, il s’est vu également contraint de démissionner. Après quoi, il est devenu ambassadeur du Pérou au Canada en 2017.

Martín Vizcarra a prononcé un discours d’investiture afin de présenter les lignes maîtresses de sa politique : lutte contre la corruption, amélioration des politiques d’éducation et de santé, et la promesse de stabilité constitutionnelle, entre autres. Par ailleurs, il a promis d’annoncer sa prochaine équipe, totalement renouvelée, pour gouverner dans dix jours, début avril. Face à cette nomination, les réactions sont nombreuses, comme celle de Juan Sheput (El Universo) : «Je pense que la gestion de Vizcarra va dans le même sens que les politiques menés par Fujimori. Si c’est le cas, je devrai faire de l’opposition.» Lors de sa visite à l’Hospital Del niño, le nouveau président a parlé de politiques de santé. En revanche, il a refusé de se prononcer sur le départ de son prédécesseur.

Le nouveau président ne semble pas concerné par le scandale Odebrecht. Il a pourtant été contraint de démissionner alors qu’il était ministre des Transports, à cause de l’affaire Chinchero (à propos de la construction d’un aéroport international). Les travaux étaient accordés à la société Kunturwasi, société avec laquelle l’ex-ministre a été accusé d’entretenir des rapports. Des photos de l’ex-ministre accompagné des dirigeants de cette société ont été publiées à l’époque. Finalement, l’enquête a été conclue et le nouveau président n’a pas été condamné. Pourtant, face aux pressions, il a renoncé à son poste en devenant ambassadeur au Canada. Aujourd’hui, il s’apprête à faire son entrée sur la scène politique au Pérou. Attendons quelques mois et voyons si le Pérou se trouve de nouveau confronté à des scandales de corruption…

Mario PÉREZ MORALES