« Mala Junta », le premier long-métrage de la Chilienne Claudia Huaiquimilla

Née de père mapuche, Claudia Huaiquimilla a subi toute sa vie les persécutions qui s’exercent contre cette communauté indigène dans le Chili contemporain. Son premier film, Mala Junta, reparti du festival Cinélatino avec deux prix et une mention spéciale, se fait le porte-voix des laissés pour compte.

Photo : extrait de Mala Junta

Mala Junta raconte l’histoire de Tano, adolescent turbulent envoyé dans le sud du Chili, chez son père qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années. Au lycée, il fait la connaissance de Cheo, jeune garçon timide d’origine Mapuche, malmené par les autres élèves. Ils vont se lier d’amitié, chacun apprenant à dépasser ses difficultés grâce à l’autre. Si Tano canalise progressivement sa colère, Cheo, quant à lui, trouve la force de revendiquer son identité amérindienne. Tous deux s’impliquent alors dans la défense du territoire Mapuche…

Claudia Huaiquimilla, la réalisatrice, déclare : « En tant que Mapuche, j’ai à réfléchir au conflit qui secoue mon pays, et plus particulièrement à ce qui se passe sur les terres de ma famille. Le court métrage San Juan, la noche más larga (Saint Jean, la plus longue nuit, 2012), et le film Mala Junta ont été tournés sur les territoires ancestraux de ma famille, qui sont le théâtre d’une dévastation sans précédent due à l’implantation des grandes usines de cellulose. J’avais besoin de m’exprimer à ce sujet et de dénoncer cette situation. Je ne peux le nier, les deux personnages ont beaucoup de moi. Alors que j’étais discriminée en tant que Mapuche (tout comme Cheo), j’étais également le mouton noir de ma famille car j’étais prétendument rebelle et sans doute peu encline à suivre les règles établies. Les deux personnages principaux sont très différents mais ont en commun de se sentir étranger partout. »

Inspirée en particulier par un reportage violent sur un jeune voleur et par la découverte du corps de Rodrigo Melinao, leader Mapuche porté disparu pendant plusieurs jour et retrouvé dans des circonstances très étranges sur une route uniquement utilisée par la police, elle raconte : « J’adore me positionner du point de vue des jeunes. Ici, nous traitons de sujets très politiques, comme la discrimination et les conflits entre les aborigènes et l’Industrie ; il était donc très important pour moi de me placer du point de vue des garçons, qui sont totalement innocents vis-à-vis de la situation qui les entoure mais s’y retrouvent confrontés. Ils en subissent les conséquences comme des victimes à part entière de cette société. À cet âge surtout, je trouve que les adolescents peu aidés par le sort, se sentent frustrés avec eux-mêmes. »

En ce qui concerne les lieux de tournage, elle ajoute que tous se trouvent principalement sur le territoire de sa famille et dans des villes proches (Mariquina et Lanco). « C’était un choix politique important pour moi de montrer les régions du sud du pays, contrées généralement délaissées par la télévision et la publicité. L’histoire de Mala Junta prend place dans l’authentique sud, avec ses vrais gens et leurs couleurs, sans porno-pauvreté et sans beauté touristique, dans le décor des forêts indigènes détruites par l’industrie de la cellulose et un contexte de soi-disant « progrès », mais qui ne profite qu’à une minorité. » Un double symbole par rapport au personnage principal, déraciné, privé de ses attaches, et qui se débat dans une histoire où se dessine une possible fraternité.

Le film a remporté de nombreux prix du public lors de festivals, et notamment lors de Cinelatino l’an passé à Toulouse. À 30 ans, Claudia Huaiquimilla est donc très fière de son premier film,  produit de façon indépendante grâce à un financement coopératif. Un film à découvrir à partir du 14 mars.

Alain LIATARD