Libérez Ahmet Altan, romancier et journaliste turc, condamné à perpétuité

Les éditions Actes Sud viennent de lancer une campagne signée conjointement avec l’association Les Nouveaux Dissidents pour demander la libération d’Ahmet Altan, un des journalistes les plus renommés de Turquie, dont l’œuvre littéraire a connu un succès mondial. Il vient d’être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Photo : DW
Accusé d’avoir participé au putsch manqué du 15 juillet 2016, alors qu’il ne fait que dénoncer, depuis plusieurs décennies, toutes les atteintes du pouvoir à la démocratie, Ahmet Altan était incarcéré depuis septembre 2016 à la prison de Silivri (à 70 kms d’Istanbul). Vendredi 16 février 2018, il a été reconnu coupable ainsi que cinq autres personnes dont son frère, le journaliste Mehmet Altan, d’avoir tenté de « renverser l’ordre prévu par la Constitution de la République de Turquie ou de le remplacer par un autre ordre ou d’avoir entravé son fonctionnement pratique au moyen de la force et de la violence ». Il est condamné à la réclusion à perpétuité.
 
« Après le coup d’État manqué de juillet 2016, nous sommes les deux premiers écrivains à avoir été arrêtés sur des chefs d’accusation kafkaïens. La prison à vie a été requise contre nous et nous avons cru d’abord que c’était une blague. Nous avons cru qu’ils nous libéreraient après avoir eu la satisfaction de nous avoir maltraités. Ils m’ont relâchée, mais lui, ils l’ont condamné à perpétuité. Sans preuve, sans faits avérés, c’est purement atroce ! J’appelle tous les écrivains, les éditeurs, les journalistes à être solidaires d’Ahmet Altan et de tous les écrivains, journalistes, jetés en prison ou persécutés. » Asli Erdogan, le 19 février 2018.
 
Ahmet Altan, né en 1950, est un des journalistes les plus renommés de Turquie, son œuvre de romancier a par ailleurs connu un grand succès, traduite en de nombreuses langues (anglais, allemand, italien, grec…). Deux de ses romans sont parus en français, chez Actes Sud : Comme une blessure de sabre (2000) et L’Amour au temps des révoltes (2008). Son père, le journaliste Çetin Altan, fait partie des dix-sept députés socialistes qui entrent au Parlement turc en 1967. Pour ses articles, il sera condamné à près de 2 000 ans de prison. En 1974, dans le contexte de L’Opération de maintien de la paix (invasion de la partie nord de Chypre par les forces militaires turques), Ahmet Altan s’engage dans le journalisme : très vite, il commence à être connu pour ses articles en faveur de la démocratie. Il publie en 1982 son premier roman (vendu à 20 000 exemplaires) puis devient, en 1985, rédacteur en chef du journal Günes. Il publie son deuxième roman qui est condamné pour atteinte aux bonnes mœurs et fait l’objet d’un autodafé.
 
Esprit critique et très en prise avec la société turque, il est arrêté le 10 septembre 2016 ainsi que son frère Mehmet Altan, également journaliste, accusés d’avoir participé au putsch manqué du 15 juillet 2016. Douze jours plus tard, il est mis en liberté provisoire, mais vingt-quatre heures plus tard, il est de nouveau incarcéré et reste en prison, inculpé « d’appartenance à une organisation terroriste » et de « tentative de renversement de la République de Turquie ». Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, le vendredi 16 février 2018, par le 26e tribunal pénal d’Istanbul.
Éditions Actes Sud