Référendum en Équateur : la réélection illimitée du président rejetée

¿Sí o No? C’est le qui l’a emporté lors de la consultation populaire organisée le 4 février dernier, avec une moyenne de 67,5 % après le dépouillement de 98,4 % des votes, pour les sept questions soumises. Le président Lenín Moreno remporte donc la victoire face à son prédécesseur et « ennemi politique n°1 », Rafael Correa, dont le rêve de revenir à la présidence en 2021 s’effondre.

Photo : Pagina 12

Le point clé du vote était en effet la suppression de la réélection indéfinie introduite en décembre 2015, qui aurait permis au père de la « révolution citoyenne », qui a régné pendant une décennie, de revenir aux prochaines élections. Cette victoire de Lenín Moreno ouvre la voie à une « décorréisation » totale de l’État.

Les sept questions du référendum et les résultats

1. L’amendement de la Constitution pour sanctionner « toute personne reconnue coupable d’actes de corruption et déclarée inapte à participer à la vie politique du pays », Oui 73,91 % – 2. L’élimination de la réélection indéfinie « afin que toutes les autorités de l’élection populaire ne puissent être réélues qu’une seule fois pour le même poste » Oui 64,32 % – 3. La restructuration du Conseil pour la participation citoyenne et le contrôle Social, « ainsi que la fin de la période constitutionnelle de ses membres actuels ». Oui 63,15 %. – 4. La suppression de toute prescription pour « crimes sexuels contre les enfants et les adolescents » Oui : 73,72 % – 5. L’interdiction de l’exploitation minière métallique « à tous ses stades, dans les zones protégées, et les centres urbains » : Oui : 68,79 % – 6. L’abrogation de la « loi de la plus-value » Oui: 63,2 % et  7. L’ « augmentation des zones protégées d’au moins 50 000 hectares, et la réduction de 1 030 hectares à 300 hectares de la zone d’exploitation pétrolière autorisée par l’Assemblée nationale dans le Parc national de Yasuní » Oui  67,44 %.

Réactions de Rafael Correa

Il a essayé de voir les résultats d’une manière positive, en disant que si 36 % des électeurs se sont opposés à la limite des mandats, cela montre que son mouvement politique est toujours le plus important en Équateur. Pour renforcer sa victoire, Moreno dépendait en grande partie d’une alliance avec des partis d’opposition conservateurs, dont le soutien à l’avenir pourrait être mis en doute. D’après ce que nous connaissons de l’histoire équatorienne, la situation peut complètement changer en deux mois. Lenín Moreno, comme tout médiocre, cherche à plaire à tout le monde. La seule chose qui les unit est la haine envers Correa, sûrement pas l’amour de la patrie. Pour le charismatique mais polémique Rafael Correa, Lenín Moreno est un « traître » qui s’est vendu à l’opposition de droite. Il affirme qu’avec cette consultation « anticonstitutionnelle » son successeur cherche à instaurer un « présidentialisme absolu ». Il n’écarterait par la possibilité de promouvoir une Assemblée constituante pour destituer Lenín Moreno et rédiger une nouvelle Constitution. « Le combat continue » a-t-il déclaré.

Rafael Correa, qui se dit victime de « persécution et harcèlement », doit se présenter devant le Parquet lundi pour témoigner sur des irrégularités présumées dans la vente de pétrole à la Chine et à la Thaïlande pendant son administration. « Ils vont inventer un crime pour me disqualifier. C’est la nouvelle stratégie de la droite pour détruire les dirigeants progressistes comme ils l’ont fait avec Dilma [Rousseff, ex-présidente du Brésil], Lula [son prédécesseur] ou Cristina [Kirchner, ex-présidente d’Argentine] », a t-il  affirmé à l’AFP.

Déclarations de Lenín Moreno

Lenín Moreno, qui a été son vice-président de 2007 à 2013, est devenu depuis sa prise de fonction le plus sévère critique de M. Correa, chantre d’un « socialisme du XXIᵉ siècle », qu’il accuse d’avoir gaspillé la manne pétrolière et d’avoir dirigé un gouvernement corrompu. Il a convoqué en novembre ce référendum, considéré comme une claire invitation à tourner la page du corréisme.

La victoire de Moreno permettra au gouvernement, selon l’analyse de la firme Quantum, de promouvoir « un agenda de politiques publiques de consensus national » et d’adopter des mesures économiques pour réduire progressivement le déficit public et améliorer la compétitivité. En plus d’un possible retour de Correa à la première ligne de la politique, les Équatoriens ont évité une phase d’instabilité. « Les décisions que nous prenons aujourd’hui seront fondamentales pour l’avenir du pays, pour que nos enfants vivent protégés, pour que les corrompus ne recommencent pas à se moquer de nous […] pour la protection de la nature, pour la relance économique », a déclaré M. Moreno après avoir voté dans une université du nord de Quito.

Catherine TRAULLÉ