Juan Orlando Hernández de nouveau président. Un coup d’État civil en plusieurs phases ?

Une Constitution bafouée, des accusations de fraude, des institutions à la solde du gouvernement, les élections du président Juan Orlando Hernández seraient-elles un coup d’État civil destiné à empêcher une victoire du centre gauche ? Entre les dérives autoritaires d’un président tout acquis au néolibéralisme, le soutien du FMI et des États-Unis, l’indifférence de l’Union Européenne, les ONG européennes ont rédigé une lettre ouverte qui exige notamment « le respect du choix des peuples dans les urnes ».

Photo : Página ciudadana

En 2009, le président Manuel Zelaya envisage un léger rapprochement avec l’ALBA, une entité politico-économique de huit pays (dont le Brésil et l’Argentine) impulsée par le Venezuela de Hugo Chávez, au grand désarroi des élites économiques honduriennes qui redoutent une alternative au néolibéralisme. Comment empêcher cela ? L’occasion surgit lorsque le président Zelaya propose, à l’occasion des prochaines élections, de consulter la population sur la possibilité d’amender la Constitution. Une alliance politico-militaire l’accuse d’enfreindre la Constitution : le 29 juin, l’armée l’arrête en pleine nuit, le met en pyjama dans un avion et l’expulse vers le Costa Rica ! Les putschistes organisent des élections, remportées par Porfirio Lobo, un des leurs. Les États-Unis et l’Europe gardent un silence complice et reconnaissent rapidement le nouveau gouvernement… Le président du Congrès est Juan Orlando Hernández, connu comme JOH.

Le soutien du FMI

En tant que président du Congrès, JOH impulse une politique économique inspirée par le FMI (Fonds monétaire international), gardien de l’orthodoxie néolibérale : programmes d’ajustements économiques, réduction des dépenses publiques, privatisations, annulation des acquis sociaux, baisse des salaires de base, vente du patrimoine public au privé, etc. En 2013, soutenu par le parti au pouvoir Partido Nacional, Juan Orlando Hernández est élu président de la République au terme d’élections qualifiées de frauduleuses. Les élites économiques sont soulagées : le modèle n’est plus en danger, du moins jusqu’en 2017…

Un coup d’État civil en deux phases

Mais les politiques d’austérité affectent gravement la vie des citoyens qui commencent à protester. La dérive autoritaire du président fait vite son apparition : prévoyant des résistances à ses politiques sociales, JOH crée une Police militaire et des troupes policières de choc, puis s’attaque à la Constitution. Alors que celle-ci interdit une réélection (une des raisons du coup d’État de 2009), il est clair que le président Juan Orlando Hernández verrait bien le candidat JOH se représenter aux élections de 2017 ! Comment contourner la Constitution ? En changeant ses gardiens, tout simplement. Première phase du coup d’État : il fait élire des membres du Tribunal électoral acquis à sa cause, remplace les membres de la Cour suprême par des hommes à lui et place un ami au poste de Procureur général de la République. Sans surprise, la Cour suprême décide que l’interdiction de réélection est anticonstitutionnelle et que JOH peut se représenter.

Deuxième phase : manipuler les élections

Les élections du 26 novembre dernier se présentent mal pour le président. Une alliance de centre gauche, le Parti de l’opposition à la dictature [1], présidé par l’ancien président Manuel Zelaya, propose un présentateur de télévision célèbre, Salvador Nasralla, comme candidat à l’élection présidentielle. Et les sondages annoncent un coude à coude avec JOH. Le 27 novembre, le lendemain du vote, à la mi-journée, alors que plus de la moitié des bulletins sont comptés, le candidat de l’opposition a cinq points d’avance sur le président ! C’est alors que les embrouilles commencent. « Le système informatique est tombé », annonce le Tribunal électoral. Des « pannes de courant » répétées bloquent les résultats électroniques. Quand « le système » est rétabli, le président-candidat a miraculeusement gagné neuf points et passe devant le candidat de l’opposition. Celle-ci dénonce une fraude électorale. Mais quelques jours plus tard, le Tribunal déclare JOH gagnant avec moins d’un point et demi d’avance… Les États-Unis reconnaissent le gagnant, l’Union Européenne regarde ailleurs. Coup d’État réussi…

En France, des ONG protestent

Cette fraude, dénoncée par le Parti de l’opposition à la dictature, provoque de grandes manifestations populaires violemment réprimées (30 morts et 300 blessés). Mais le manque de réaction des USA et de l’UE a découragé le candidat perdant : Salvador Nasralla annonce qu’il abandonne la politique et retourne à ses émissions de télévision. Par contre, Manuel Zelaya annonce une opposition tenace au pouvoir autoritaire de JOH. En France, impulsée par les associations Alerte Honduras et France Amérique latine, et signée par plusieurs autres [2], une lettre ouverte publiée le 24 janvier « exige le respect du choix du peuple dans les urnes et son droit à disposer de son avenir […] et l’arrêt de la répression ». Ces associations rappellent que l’article 3 de la Constitution hondurienne proclame que « personne ne doit obéissance à un gouvernement usurpateur ni à ceux qui assument des fonctions par la force des armes… Le peuple a le droit de recourir à l’insurrection pour défendre l’ordre constitutionnel » [3]. Le président Hernández a pris ses fonctions il y a quelques jours, ce 26 janvier dernier, pour quatre ans…

Jac FORTON

[1] Composée des Parti Libre, Parti Innovation et Unité et un secteur du Parti Anti-corruption.
[2] Le Collectif Guatemala, Forum Honduras Suisse, Association AlterCultures, le Centre Tricontinental (CETRI, Belgique), la Confédération paysanne, le Parti communiste français et Terre et Liberté pour Wallmapu.
[3] Voir le texte complet sur Alerte Honduras : www.facebook.com/alertehonduras ou FAL : www.facebook.com/france.ameriquelatine.