« La fiancée du désert », un film de deux réalisatrices argentines Cecilia Atán et Valeria Pivato

« Teresa, 54 ans, a toujours travaillé au service de la même famille jusqu’au jour où elle est contrainte d’accepter une place loin de Buenos Aires. Elle entame alors un voyage à travers l’immensité du désert argentin, et ce qui semblait être le bout du chemin va s’avérer le début d’une nouvelle vie. » Pour bien comprendre ce film très court, il nous faut quelques repères. C’est la raison pour laquelle je laisse la parole aux deux réalisatrices qui ont pu mener de concert cette première collaboration.

Photo : Extrait de l’affiche du film

Duo de réalisatrices

Cecilia Atán est née en 1978 à Buenos Aires. Elle démarre sa carrière comme stagiaire à la réalisation auprès du cinéaste Eduardo Mignogna à l’occasion du film El Faro en 1998 au générique duquel figure notamment Ricardo Darín. Elle devient ensuite assistante réalisatrice avant de signer son premier court métrage, El Mar, qui est invité au Short Film Corner à Cannes en 2012 avant d’être présenté en compétition aux festivals de Biarritz et de Mar del Plata. En 2015, elle réalise la série documentaire en huit épisodes Madres de playa de Mayo, La Historia qui est nommée aux International Emmy Awards l’année suivante. La Fiancée du désert est son premier long-métrage de fiction. Cecilia Atán est également cofondatrice de la société de production El Perro En La Luna aux côtés de Sebastián Mignogna et Guido Mignogna.

Valeria Pivato est née en 1973 à Buenos Aires. Après des études de design et un diplôme en cinéma, elle entame une carrière d’assistante réalisatrice, scripte et directrice de casting. Elle travaille notamment avec Juan José Campanella sur Le Fils de la mariée en 2001 et surtout Dans ses yeux qui obtient l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2010. Elle participe également comme scripte à Nordeste de Juan Solanas qui est sélectionné à Un Certain Regard à Cannes en 2005. En 2008, elle assiste Pablo Traperosur Leonera qui est présenté en compétition au Festival de Cannes. 

« Au début du film, Teresa est installée dans un quotidien très balisé, un monde d’apparence tranquille. Elle est persuadée de faire vraiment partie de la famille à laquelle elle a consacré toute sa vie. Les années ont passé, et elle s’est accrochée au peu qu’elle avait. Et puis, soudain tout s’effondre, et Teresa se retrouve sans rien à 54 ans. Nombreux sont ceux qui y verraient la fin de l’histoire, pour nous au contraire c’est le début. Nous pensons que ce bouleversement, cette insécurité soudaine en quelque sorte, peut être le révélateur du vrai potentiel d’une personne en ce sens qu’il fait remonter à la surface des sentiments et des désirs trop longtemps enfouis. Le voyage qu’entreprend Teresa à travers le désert est comme un éveil à la vie, elle peut enfin prendre conscience de sa propre force de caractère. 

Le désert est hostile, expliquent les réalisatrices. Et ce voyage renvoie finalement au mythe fondateur du Sanctuaire : Deolinda Correa est morte de soif en traversant le désert avec son bébé dans les bras, mais celui-ci est parvenu à survivre en se nourrissant au sein de sa mère décédée. C’est ici la force de la Nature qui s’impose dans l’adversité, le destin plus fort que la spéculation, l’imprévu comme vecteur du changement. C’est dans ce lieu quasi mystique que Teresa va prendre un nouveau départ dans la vie. 

Le Sanctuaire de la Défunte Correa, situé dans le désert de San Juan (centre-ouest de l’Argentine), existe véritablement. C’est un lieu de pèlerinage Il y a quelque chose de mystique qui l’entoure. C’est à cet endroit qu’est né le mythe de la Défunte Correa voici maintenant plus d’un siècle. Et celui-ci est devenu un symbole à lui seul de la croyance populaire en Argentine. Deolinda Correa est morte d’épuisement au sommet d’une colline en tenant son bébé dans les bras, mais son enfant a survécu en se nourrissant au sein de sa mère décédée. On y a ensuite construit et développé un village entièrement dédié à son souvenir. Ce mythe renvoie selon nous au triomphe de la vie sur la mort, et c’est pourquoi le sanctuaire qui s’y rattache s’est avéré le lieu parfait pour notre histoire et la rencontre qui va bouleverser le cours de la vie de Teresa. C’est un endroit mystique, coloré et disparate, grâce aux milliers d’offrandes diverses telles que bouteilles d’eau, robes de mariée, sculptures, maquettes… » 

Pour interpréter Teresa, les réalisatrices ont fait appel à la comédienne chilienne Paulina García. Véritable star dans son pays, c’est le film Gloria de Sebastián Lelio qui l’a propulsée au-delà des frontières. Pour les rôles de complément, elles ont fait appel à des comédiens formés dans les écoles d’art dramatique et à des personnes vivant à San Juan et dans la province voisine de Mendoza pour interpréter ces gens qui habitent le désert et qui en connaissent les sons, les odeurs et les couleurs.

Il est donc évident que l’image et le son dans un tel film doivent compléter les qualités de l’interprétation. Un film à ne pas manquer dès le 13 décembre.

 Alain LIATARD