Présidentielles de toutes les surprises au Chili : la droite recule, la gauche avance

La Coalition Chile Vamos du candidat Sebastian Piñera (droite) a gagné le premier tour avec un résultat beaucoup plus bas que prévu, devant Alejandro Guillier de la coalition Nueva Mayoría (centre gauche, au pouvoir) qui devance de deux petits points Beatriz Sánchez du Frente Amplio (gauche). Quasi disparition de la Démocratie chrétienne (DC). Tous les sondages sont faux.

Photo : Tele 13

Sebastián Piñera, Chile Vamos            36,62 %
Alejandro Guillier, Nueva Mayoría         22,70 %
Beatriz Sánchez, Frente Amplio           20,27 %
José Antonio Kast, Indépendant             7,93 %
Carolina Goic, Démocratie chrétienne     5,88 %
Marco Enriquez-Ominami, PRO             5,71 %
Eduardo Artés, Unión Patriótica              0,51 %
Alejandro Navarro, PAIS                        0,36 %

La première surprise est le raté majuscule des six principales agences de sondages qui ont tous leurs chiffres faux. À tel point que certains analystes se demandent s’il n’y a pas eu une campagne organisée : systématiquement donner un candidat largement vainqueur dans les sondages et un autre toujours perdant, a-t-il pu influencer les indécis et ceux et celles qui votent finalement « dans le sens du vent ». Piñera était ainsi systématiquement entre 40 et 45 % et Sánchez ne dépassait jamais les 10 %.

La deuxième surprise est le bas score des candidats des grands partis et les bons scores des extrêmes. À droite, Sebastián Piñera, qui se voyait élu au premier tour, atteint difficilement 37 % au lieu des 45 % prévus, et la coalition au pouvoir de Alejandro Guilier n’obtient que 22,70 %. Par contre, la gauche de Beatriz Sánchez (20,27 % au lieu de 8 % dans les sondages) talonne Guillier et José Antonio Kast (extrême droite), obtient presque 8 % au lieu des 3 % des sondages.

Troisième surprise, l’émergence du Frente Amplio (FA) comme troisième parti national. Béatriz Sánchez devançait même Alejandro Guillier dans plusieurs grandes villes dont Santiago et Valparaiso. Ses 20 % rendent le FA incontournable dans les négociations qui vont se développer. L’indifférence envers les grands partis s’observe aussi dans le nombre d’électeurs qui sont restés chez eux. À peine 47 % d’entre eux sont allés voter…

Autre surprise, la quasi disparition de la Démocratie chrétienne. Faisant normalement partie de la coalition Nueva Mayoría au pouvoir [1], la présidente de la DC, Carolina Goic avait refusé de participer à la primaire de la coalition en dénonçant en juin dernier sa « gauchisation » suite à la nomination par Guillier de Karol Cariola, « esta chica communista » (cette gamine communiste, comme l’appelle Goic) comme son porte-parole. Goic avait alors décidé de se présenter séparément, affaiblissant ainsi la coalition. Avec ses 5,88 % de voix, la DC est balayée de la scène politique. Goic vient d’annoncer qu’elle démissionnait et appelait à voter Guillier.

Le vote en France

C’est la première fois que les 40 000 Chiliens résidant à l’étranger avaient le droit de voter ; une réforme proposée par la présidente Michelle Bachelet en 2016. Les 847 votes émis à Paris donnent le Frente Amplio vainqueur (Sánchez, 355 voix), suivi de la Nueva Mayoría (Guillier, 308 voix) et de Chile Vamos (Piñera, 93 voix).

Issue incertaine au second tour

À droite, Piñera fait la cour à José Antonio Kast, un candidat qui, selon ses propres mots, « aurait volontiers pris le thé avec le général Pinochet ». Il va aussi courtiser un secteur de la DC dont l’aile droite pourrait très bien voter pour lui. Bref, Piñera va devoir se droitiser pour gagner des voix.

De son côté, Guillier aussi a besoin de chercher des alliances. Il a déjà reçu le soutien officiel de la DC et celui d’un autre candidat, Marco Enriquez-Ominami mais il lui faut maintenant convaincre le Frente Amplio. Celui-ci pourrait appeler à voter Guillier si la Nueva Mayoría incorpore d’importantes parties de son programme dans le sien. Anti-néolibéral, il n’envisage cependant pas d’entrer dans un gouvernement Guillier. Bref, celui-ci devra pencher vers la gauche s’il veut gagner. En chiffres, toute la droite réunie pourrait obtenir 45 % des voix, le centre gauche et la gauche réunie approchent les 50 %. Vu le grand nombre d’abstentions et d’indécis, l’incertitude règne dans les deux camps. Sebastián Piñera n’est pas encore président, mais Alejandro Guillier non plus. La clé du résultat final est dans les mains du Frente Amplio et les négociations seront serrées… Second tour le 17 décembre.

Jac FORTON

[1] La Nueva Mayoría est en fait l’ancienne coalition Concertation des Partis pour la Démocratie, issue de la lutte politique contre Pinochet, plus le PC.