Lyon, capitale du théâtre avec la 5e édition du festival Sens interdits

Le festival international de théâtre de la métropole lyonnaise Sens Interdits ouvre sa cinquième édition. Du 19 au 29 octobre, vingt et une compagnies venues de dix-sept pays amèneront le public à s’interroger sur son rapport à l’autre, sur les bouleversements du monde contemporain, ici et là.

Photo : La Despedida, du Mapa Teatro

Il s’agit de la cinquième édition du festival de théâtre international Sens Interdits, mémoires, identités, résistances. Cette année encore, ce festival unique continue d’interroger notre monde en s’affirmant comme « un espace de libre expression et de confrontations intellectuelles et esthétiques ». Pendant une dizaine de jours, du 19 au 29 octobre 2017, dans la métropole lyonnaise, se produiront des troupes de pays comme la Serbie, la Russie, le Liban, l’Égypte, l’Irak, la Lituanie, la Roumanie, le Kazakhstan, la Grèce, la France, la Belgique, la Suède, la Suisse, le Rwanda, le Cameroun, la Colombie et la Bolivie, en partenariat avec treize salles de l’agglomération dont, entre autres, les théâtres des Célestins, de la Renaissance, Jean-Marais, l’Espace Albert-Camus, la Maison de la Danse, Le Radiant, etc. Ce théâtre de l’urgence et de la résistance nous fera découvrir la grande diversité d’un monde globalisé. Nombre des compagnies et troupes invitées ont vu le jour dans des pays en guerre, en conflits armés ou traversés par des crises politiques et économiques. Les sujets qu’elles abordent nous parlent ainsi de l’autoritarisme, de l’oppression, de la discrimination, du fanatisme politique ou religieux, de l’exil, des crises humanitaires, des migrations. Pour ces metteurs en scène et artistes, ce festival représente une occasion exceptionnelle afin de se faire connaître et de faire entendre leur révolte et, pour le public, de sentir la diversité des voix, des esthétiques et des langages.

La Colombie à l’honneur

Cette année, Sens Interdits, en écho à l’année croisée France-Colombie, met un focus sur la Colombie avec trois pièces. Mujer Vertical, interprétée par trois grandes actrices colombiennes, se consacre à la violence faite aux femmes. Après avoir été présentée en Colombie en mai dernier, Mujer Vertical est en tournée en France. Le metteur en scène français (Saint-Étienne) Éric Massé a entendu à Bogotá les témoignages de femmes démobilisées, victimes, guérilleras des FARC, paramilitaires, de femmes politiques. Labio de liebre, du metteur en scène Fabio Rubiano et Marcela Valencia du Teatro Petra, traite le sujet de la vengeance et du pardon dans un pays ravagé par une guerre civile de plusieurs décennies. La Despedida, du Mapa Teatro de Heidi et Rolf Abderhalden, est la troisième partie d’un triptyque créé en 2010, dont la deuxième partie fut présentée en Avignon, en 2012. Cette pièce interroge l’histoire contemporaine colombienne. Et, toujours en lien avec l’Amérique latine, le grand Matthias Langhoff met en scène La Mission, œuvre s’inspirant d’un texte de Heiner Müller, avec des comédiens boliviens de l’École nationale de théâtre de Santa Cruz.

L’édition précédente, en 2015, avait donné aussi une place d’honneur au théâtre chilien avec des pièces politiques très fortes comme J’ai tué Pinochet de Christian Flores ou Acceso des Chiliens Pablo Larraín et Roberto Farías. Acceso, grâce au soutien de Sens Interdits, a réalisé une tournée en Europe avec une quarantaine de représentations. Cette édition est dédiée également au metteur en scène Kirill Serebrennikov, assigné à résidence depuis cet été par le pouvoir russe.

Une volonté de renouveau artistique

Pendant ces dix jours, vingt et un spectacles seront présentés et, en parallèle, le public pourra assister à de nombreuses rencontres (48), dialogues et débats avec les artistes autour des thématiques abordées par les œuvres de théâtre à l’issue des représentations ou dans le grand chapiteau installé pour l’occasion sur la place des Célestins ou dans des lieux partenaires. Des spectacles de rue, de danse, du cirque et des conférences, des tables rondes, des expositions accompagneront ces dix jours. Cette édition est marquée par une volonté manifeste de renouveau artistique, avec la création de l’École éphémère qui accueillera, pour des ateliers, des master class, et surtout pour une immersion dans le festival d’une soixantaine d’élèves de grandes écoles d’art d’ici ou d’ailleurs.

Ouvrir les yeux et les oreilles

Voici un extrait de l’éditorial de Patrick Penot, directeur de Sens Interdits, qui nous invite à ouvrir grand nos yeux et nos oreilles pour voir et écouter la rumeur du monde, notre monde : « Le monde tangue d’un attentat à l’autre, d’une guerre civile à une catastrophe écologique, d’un espoir vite avorté à la résignation devant la montée de la division et du repli. Crise économique, crise humanitaire, discrédit du politique, perte des repères, confusion générale… La liste est longue de ce qui conduit à l’abandon du collectif, à l’indifférence aux autres et au plaisir mortifère de l’entre-soi. Alors quoi ? La frontière et le mur comme horizon ? L’asphyxie comme projet ? Réagissons ! Ouvrons portes et fenêtres et regardons le monde ! Appelons la diversité des regards, des pratiques, des esthétiques ! Écoutons les artistes ! Suivons ces troupes invitées. […] Alors, l’espoir par le théâtre ? ». Nous ne pouvons donc que vous inciter à aller voir ce théâtre pour mieux nous saisir et appréhender les réalités du monde, mais aussi pour imaginer avec lui des solutions et, pourquoi pas, de nouvelles perspectives et utopies.

Olga BARRY

Festival Sens Interdits, du jeudi 19 octobre au dimanche 29 octobre 2017, Les Célestins – Théâtre de Lyon, Place des Célestins, 69002 Lyon. Réservations ici