La justice française va-t-elle (enfin) extrader l’Argentin Mario Sandoval ? Décision repoussée à novembre prochain

Depuis 2012, la justice argentine demande à la justice française l’extradition de Mario Sandoval, accusé de crimes contre l’humanité durant la dictature (1976-1983). La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles devait se prononcer le 14 septembre mais a repoussé sa décision à novembre.

Photo : Latinos mai 2014

Mario Sandoval est poursuivi par le juge argentin Sergio Torres pour l’enlèvement et la disparition de Hernán Abriata dans le cadre d’une enquête sur l’ESMA, l’École de mécanique de la Marine. Plus de 5 000 personnes ont disparu de ce centre situé en plein Buenos Aires. Sandoval était alors membre de la Police fédérale qui agissait dans ce centre de détention. Après la fin de la dictature, Sandoval émigre en France où il reçoit la nationalité française en 1997. Il obtient un doctorat en sciences politiques ce qui lui permet d’enseigner à l’IHEAL (Institut des hautes études latino-américaines ainsi qu’à l’Université de Marne-la-Vallée.

Cinq ans d’attente déjà

Le juge Torres a émis son mandat d’arrêt contre Mario Sandoval le 15 mars 2012 et demandé son extradition à la France. Le 28 mai 2014, la cour d’appel de Paris approuve l’extradition mais le 18 février 2015, la Cour de cassation annule cette décision et demande à la cour d’appel de Versailles de réexaminer l’affaire (1). En principe, la France n’extrade pas ses ressortissants mais les avocats de la victime rappellent que le crime a eu lieu avant que M. Sandoval ne devienne Français. C’est donc bien à la justice argentine de le juger puisque les faits ont eu lieu en Argentine par un Argentin… L’audience de Versailles s’est ouverte le 14 septembre dernier : la Cour a décidé de reporter sa décision à novembre.

Des avis favorables à l’extradition

Dans un communiqué publié début septembre, l’IHEAL (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3) « appelle la Cour d’appel de Versailles à autoriser l’extradition de Mario Sandoval afin qu’il puisse répondre de ses actes devant les tribunaux… Nous déplorons que M. Sandoval ait été amené à enseigner à l’IHEAL en tant qu’intervenant extérieur… L’action de la justice est indispensable pour connaître la vérité et ainsi éviter qu’une personne responsable de crimes contre l’humanité puisse enseigner dans une institution publique ». De son côté, un collectif d’associations de défense des droits humains (2) appelle également la Cour d’appel à autoriser l’extradition car « la Cour doit prendre la mesure de l’importance du jugement par la justice argentine dans le cadre de la lutte contre l’impunité dans ce pays, conformément aux obligations internationales de la France en matière de poursuites des auteurs de disparitions forcées ». Le collectif rappelle les propos du Procureur de la Cour d’appel de Paris, François Falletti, lors du procès en 2010 à Paris de responsables chiliens pour la disparition de quatre Français : « Lorsque le sentiment de surpuissance passe par la torture et la négation de l’existence, le message doit être clair : cela doit donner lieu à des sanctions quel que soit le temps, quel que soit l’espace ».

Jac FORTON

(1) Lire tous les détails sur les procédures légales en Argentine sur le site de l’association TRIAL basée à Genève ainsi que sur celui de la FIDH à Paris.   (2) Les signataires sont la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et ses organisations membres en Argentine, le CELS (Centro de Estudios Legales y Sociales – Argentine), le CAJ (Comité de Acción Jurídica), l’ACAT (Action des chrétiens contre la torture), FAL (France Amérique latine), le Collectif argentin pour la mémoire en France et l’ACAF (Assemblée de citoyens argentins en France). Lire aussi notre article publié en 2014 ici.