Un futur incertain du président Michel Temer du Brésil

Le président de fait Michel Temer a été accusé de « corruption passive » par le procureur général de la République, Rodrigo Janot. Un feu vert de la Commission de Constitution et Justice, puis du Parlement et de la Cour suprême, à l’ouverture d’une procédure d’accusation devant le Congrès,  ouvrirait la voie vers une destitution du président.

Photo : Cuajas

« Corruption passive ».  L’élément fondamental de l’accusation repose sur l’enregistrement en mars dernier d’une conversation entre le président Michel Temer et Joesley Batista, le propriétaire de JBS, la plus grosse chaine de frigos de viandes du pays, dans laquelle les protagonistes parlent de pots-de-vin, de pression sur les juges et se mettent d’accord pour prendre Rodrigo Rocha Loures comme intermédiaire. Quelques jours plus tard, Rocha Loures est filmé par la Police fédérale alors qu’il reçoit dans une pizzeria de Sao Paolo une valise contenant plus de 150 000 dollars de pots-de-vin à distribuer. Le président Temer avait déjà été enregistré alors qu’il donnait son aval pour qu’une importante somme d’argent soit remise à l’ancien président du Parlement Eduardo Cunha pour acheter son silence suite à son arrestation pour corruption. C’est sur ces éléments que le procureur Janot a déposé une accusation de corruption passive contre le président Temer.

Vers la destitution ?  Pour qu’une investigation criminelle soit ouverte, il faut d’abord l’approbation des deux tiers de la Chambre des députés, puis une décision de la Cour suprême. Si ces deux instances sont favorables à l’ouverture d’une procédure, le président sera automatiquement écarté du pouvoir pendant 180 jours. La présidence sera alors assumée par le président de la Chambre basse, Rodrigo Maia. Celui-ci a d’abord nommé un député-instructeur, Sergio Zveiter, qui a considéré que « la dénonciation du procureur était admissible ». Cet avis sera présenté aux 66 membres de la Commission de Constitution et de Justice. Si plus de 40 d’entre eux votent en faveur de l’ouverture d’une procédure, c’est le plénum des 513 membres de la Chambre des députés qui devra voter pour ou contre la procédure. Si une majorité des deux tiers est acquise, soit 342 voix, le président sera écarté de son mandat pendant 180 jours. Le président Temer affirme être certain que ce quorum ne sera pas atteint.

L’ancien président Lula dénonce un « recyclage ».   « La raison pour laquelle nous demandons la sortie de Temer n’est pas la même que celle invoquée par [la chaîne de médias audiovisuelle conservatrice] O’Globo ». Le journaliste Dario Pignotti (1) rappelle que Maia appartient au Parti Démocratique qui, dans les années 1970, alors qu’il s’appelait Arena, avait soutenu la dictature, et qu’en 2016, il faisait partie des partisans acharnés du groupe qui avait organisé la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Pour Lula da Silva et le Parti des Travailleurs (PT), seules des élections générales peuvent restaurer la démocratie au Brésil. Bien qu’une partie de plus en plus importante de la population manifeste la même analyse, la coalition au pouvoir rejette cette solution, consciente qu’elle les perdra probablement. Pour le PT, les conservateurs et certains secteurs de la droite réclament la sortie de Temer « non pour sa corruption mais parce qu’il n’a pas mené à bien les réformes conservatrices prévues ». Rodrigo Maia aurait un an pour les réaliser (les élections présidentielles sont prévues fin 2018), plus de temps qu’il n’en faut pour défaire complètement l’héritage social du PT…

Jac FORTON

(1) Dans un article publié dans le journal argentin Página12 du 7 juillet 2017.