« Patagonia, el invierno » un film du réalisateur argentin Emiliano Torres en salle cette semaine, salué par la critique

Patagonia El Invierno d’Emiliano Torres, réalisateur argentin, qui sort en France le 28 juin et qui a obtenu l’an passé, le prix spécial du jury au festival Donostia à San Sebastián et le prix du jury au festival Biarritz Amérique latine 2016.

Au sud de la Patagonie, les exploitations sont si vastes que leurs propriétaires qui y viennent, ne s’y posent qu’en avion. Les saisonniers eux, entassés à l’arrière de vieux 4×4, y arrivent comme les moutons. Douze heures de travail harassant par jour, de l’alcool et des putes de temps en temps sont les seuls plaisirs. Pour le vieil Evans (Alejandro Sieveking, remarquable, qui a obtenu le prix d’interprétation masculine à Biarritz), l’heure de la retraite a sonné. Il doit céder la place à un jeune qui veut amener sa famille, mais cet ancien, trop solitaire, au visage buriné y a passé sa vie et quel ailleurs l’attend ?

C’est toute la souffrance d’hommes frustes et fatalistes qui transparaît à travers ce drame, opposé à la bonne conscience d’exploiteurs, contremaitres, intermédiaires ou propriétaires. « Il y a dix ans, explique le réalisateur, j’ai travaillé sur un documentaire tourné en Patagonie et un jour j’ai été pris dans une tourmente de neige. J’ai alors trouvé refuge dans une estancia où vivait un contremaître d’origine anglo-saxonne dans la plus grande solitude. C’est là-bas qu’est née l’esquisse de cette histoire. »  La nature, l’espace, le climat, la neige sont évidemment des éléments très importants pour ce film qui pourrait de ce fait ressembler au documentaire et qui a été primé aussi pour sa photographie.

Le tournage du film, une coproduction entre l’Argentine et la France, s’est déroulé à El Chaitén, El Calafate et Rio Gallegos. Il s’est fait en deux temps : deux semaines en hiver, puis le reste l’été suivant du fait des conditions climatiques très difficiles. Il s’est entouré pour ce premier film de deux acteurs déjà reconnus, Christian Salguero (Paulina, La Patota) qu’il est allé chercher dans la province de Misiones au nord-est pour le rôle de Jara, et Alejandro Sieveking (El Club) un acteur de théâtre chilien pour interpréter Evans et qui s’est fort justement prêté au jeu. Ce monde est un monde d’hommes, solitaires, souvent célibataires, en tout cas sans leur famille. « En Patagonie vivent des gens silencieux qui souvent ne parlent qu’à leurs chiens, leurs chevaux, leur bétail », raconte Emiliano Torres.

Et les relations qui régissent cet univers n’ont guère changé depuis des siècles et sont restées féodales, voire esclavagistes, la seule nouveauté étant le 4 x 4. Le propriétaire est loin, souvent c’est un étranger, là en l’occurrence un Français et son estancia est sous la coupe d’un régisseur sans scrupules. Emiliano Torres, né à Buenos Aires en 1971, a bénéficié de l’aide, en postproduction, du programme Ciné en Construction (San Sebastián et Toulouse)  pour finaliser son film. Un très beau film à ne pas manquer !

Alain LIATARD