« Une chance minuscule » le nouveau roman de l’argentine Claudia Piñeiro, un récit poignant

Entre roman intimiste et thriller familial, le nouveau livre de Claudia Piñeiro, Une chance minuscule, raconte le retour d’une femme sur les lieux qu’elle a dû fuir vingt ans auparavant, une immersion brutale dans un passé qu’elle a tout fait pour oublier.

Photo : Anaportnoy

Marilé Lauría, alias Mary Lohan, professeure d’espagnol à Boston, est envoyée en Argentine par son lycée pour procéder à l’audit du collège Saint-Peter situé dans une banlieue chic de Buenos Aires car cet établissement est candidat à l’obtention de la très convoitée « Licence Garlic », méthode pédagogique prestigieuse et appréciée pour ses résultats. Mary retrouve alors la petite ville qu’elle avait quittée précipitamment, sans un mot, vingt ans plus tôt, dans des circonstances tragiques, abandonnant, pour mieux le protéger, l’être qu’elle aimait le plus au monde. Elle s’était alors promis de ne jamais revenir. Une déchirure. Une blessure jamais cicatrisée malgré tous ses efforts pour oublier et malgré la sollicitude aimante de son compagnon.

Mary se rend quotidiennement au collège, la peur au ventre mais peut-être aussi avec le secret désir d’être reconnue bien qu’elle ait volontairement apporté des modifications à son apparence physique. Une pensée l’obsède : Lui. Qu’est-il devenu, après toutes ces années ? Que fait-il ? Que pense-t-il ? Leurs chemins vont-ils se croiser ? Mary ne sait si elle doit redouter ou espérer cette éventualité. Dans une longue lettre, au cœur du roman, Mary fait le récit détaillé du drame et de ses conséquences, le traumatisme, la dépression, la condamnation sociale, l’incompréhension d’un mari égoïste. La solitude absolue. Le désespoir. La narratrice se livre alors à une profonde introspection, une confession sans concession. Une chance minuscule est un roman qui interroge sur les liens du sang, la culpabilité, le destin et, cerise sur le gâteau, qui fait la part belle à la chose écrite. Vertus de la lecture : à plusieurs reprises, les livres s’invitent dans la vie de l’héroïne où ils jouent parfois un rôle décisif ; vertus de l’écriture : la narratrice tient un « journal de bord », et c’est sous forme de lettres que l’essentiel se dit entre les protagonistes. L’auteure brosse le portrait d’une femme brisée, fragilisée par une succession d’événements mal maîtrisés, une chaîne de hasards et, parce que la vie n’est jamais complètement noire, de « chances minuscules ». Le dernier de ces hasards peut être considéré comme la chance majuscule qui permettra à l’héroïne de se réparer, de se réconcilier avec ses proches et avec elle-même. Claudia Piñeiro nous offre un récit poignant, à l’écriture parfaitement maîtrisée, où s’entremêlent suspense, émotion et analyse psychologique d’une grande justesse. Un beau roman.

Mireille BOSTBARGE

Claudia Piñeiro : Une chance minuscule, traduit de l’espagnol (Argentine) par Romain Magras, éditions Actes Sud, 263 p., 22 €.