Chili : grève illimitée dans la plus grande mine de cuivre privée du monde

Le jeudi 9 février, les 2 500 travailleurs de la Mina Escondida ont voté la grève. Ils réclament le maintien des acquis sociaux, une augmentation de salaire et un nouveau contrat collectif qui ne leur soit pas défavorable. La mine produit 5 % de toute la production de cuivre mondiale. Le gouvernement craint les effets de la grève sur le prix de « l’or rouge » et sur les revenus fiscaux.

Photo : La Nación

« Ils veulent augmenter leurs profits… »    « … au détriment de nos salaires » dénonce le Syndicat n°1 qui regroupe les 2 500 travailleurs, qui affirme que les négociations ont échoué parce que « la direction veut imposer une discrimination entre les anciens et nouveaux travailleurs » en réduisant les salaires et les conditions de travail des nouveaux engagés. « Nous avons laissé une bonne partie de notre vie sur ces collines, certains même leur vie, pour satisfaire les désirs de lucre de capitalistes étrangers ». Non seulement la direction refuse l’augmentation de salaire de 7 % demandée par les travailleurs, mais elle parle de diminuer certains bénéfices octroyés les années précédentes. Pour le syndicat, « ils veulent augmenter les profits en réduisant les coûts par une réduction des salaires. Le minimum que nous demandons est le maintien de la convention collective annuelle ».

Billiton, un géant de l’extraction minière.   La mine appartient à la compagnie minière anglo-australienne BHP Billiton dont les deux sièges principaux sont à Melbourne et Londres. L’entreprise possède des mines dans le monde entier. Escondida, située dans les Andes, à 160 km au sud-est de la ville d’Antofagasta et à 3 100 m d’altitude dans le désert d’Atacama, produit 25 % du cuivre chilien soit près d’un million de tonnes par an et 5 % de la production mondiale. La grève pourrait provoquer une rupture d’approvisionnement.

Le gouvernement chilien est inquiet…   La ministre de l’industrie minière chilienne Aurora Williams craint que la grève n’ait un impact sur le prix du cuivre. La vente du cuivre est l’une des principales exportations du Chili. Nationalisé sous les gouvernements Frei Montalva puis Allende, le cuivre fut reprivatisé sous le général Pinochet, à l’exception de la mine de Chuquicamata, dont 10 % des revenus étaient immédiatement reversés à l’armée… La majorité des mines sont aujourd’hui privées.

…mais les marchés, pas trop !   L’analyste économique Muryel Jacque écrivait dans Les Échos du 8 février 2017 que « Citigroup avançait il y a quelques jours que BHP Billiton pourrait négocier durement, puisqu’une grève serait positive pour les cours du cuivre et, sans doute, neutre au final pour l’entreprise ». Autrement dit, si la grève provoquait une pénurie de cuivre sur les marchés internationaux, cela ferait monter les prix et donc serait finalement bénéfique aux entreprises minières. De plus, les mois de janvier et février sont des mois traditionnellement de basse production.

Le syndicat demande la médiation de l’État.   Patricio Tapia, dirigeant du Syndicat n° 1, pense que « la direction espère que nous reculerons et fera des propositions individuelles pour briser la grève ». De son côté, pour le Fédération minière du Chili (FMC) qui regroupe 18 syndicats de mineurs, « tout conflit du secteur de la grande mine ne peut consister en une simple affaire entre privés, puisqu’une bonne partie des revenus de l’État en dépend. L’État doit assumer un rôle actif ». La FMC dénonce que « lorsque l’entreprise veut licencier ou fermer la production, elle invoque des questions de sécurité des installations ou des travailleurs. Mais ce critère disparaît chaque fois qu’elle veut pousser la production, accélérer les travaux dangereux et réduire le nombre de travailleurs ». Billiton a prévu un arrêt de la production d’au moins 15 jours. Les travailleurs se disent prêts à lutter pendant plusieurs semaines…

Premier effort en faveur d’une médiation.   Mardi 14 février, le Syndicat n° 1 des travailleurs de la mine  accepte l’invitation à une réunion de médiation reçue de la part de la Direction régionale du travail située à Antofagasta, en vue de résoudre le conflit. Les syndicalistes rappellent que « nous ne pourrons avancer que si l’entreprise respecte les rémunérations actuelles contenues dans la convention collective valable jusqu’au 31 janvier dernier ». Quelques heures plus tard, la direction de la mine accepte également de se rendre à cette réunion puis, mercredi 15, se rétracte sans explication…

Jac Forton