À un an de ses promesses, les réalités du gouvernement du président Mauricio Macri

L’alliance Cambiemos du candidat présidentiel Mauricio Macri avait gagné les élections de 2015-2016 avec 51,4 % des voix, devant son opposant du Front pour la victoire Daniel Scioli. Les promesses du candidat ont vite été oubliées. La réalité a provoqué de vastes manifestations populaires.

Photo : site Espaces Latinos

Dévaluation surprise.  Le 17 novembre 2015, le candidat présidentiel affirmait : « Je ne vais pas dévaluer. C’est un mensonge de (Daniel) Scioli » (son opposant du Parti pour la victoire). À peine élu, Macri dévalua le peso de 30 à 40 %, heurtant de plein fouet l’épargne des citoyens. Ensuite, il élimina les impôts à l’exportation agricole, ce qui fit monter les prix locaux et remplir les poches des grands propriétaires terriens et de la macro-agriculture (blé, maïs, viande et soja OGM) qui reçurent ainsi un beau cadeau évalué de 4 à 8 milliards de dollars.

Augmentation des tarifs.  Le 2 août 2015, le candidat Macri disait : « La pauvreté zéro est un de nos objectifs ». Le 2 décembre de la même année, il insistait : « Nous allons maintenir les subventions et les tarifs des services n’augmenteront pas ». Dès son élection et pour « réduire les dépenses de l’État », il administra des coupes sombres dans les subventions. Résultat, tout a augmenté : l’eau (de 800 à 1200 %), le gaz, l’électricité (de 61 à 90 %), les transports, la nourriture… Selon l’Observatoire de la dette sociale de l’Université catholique (où Macri a fait ses études), la pauvreté serait passée de 29 à 34,5 % de la population en moins d’un an.

Licenciements par milliers.  Le 16 novembre 2015, le candidat en campagne promettait : « Nous sommes là pour créer des emplois, pas pour en détruire. Nous allons générer 1,5 millions d’emplois ». Selon Hugo Yasky, secrétaire général de la Centrale des travailleurs argentin (CTA), plus de 400 000 travailleurs ont perdu leur emploi depuis les élections (70 % d’entre eux dans la grande industrie). De plus, la levée des taxes d’importation a ouvert les portes aux produits d’importation moins chers et provoqué la fermeture de centaines de petites et moyennes entreprises argentines.

Un cabinet très « patronat ».   Le cabinet présidentiel est composé en sa grande majorité d’anciens CEO comme disent les Argentins (Chief Executive Officer soit directeurs généraux), issus des grandes industries, d’entreprises privées ou de multinationales. Par exemple, le ministre du Commerce, Miguel Braun, appartient à une famille propriétaire du supermarché de plus grand volume de vente du pays ! Le ministre des Finances, Alfonso Prat Gay est un ancien de la banque JP Morgan. Le ministre de l’Énergie est un ancien directeur de Shell-Argentine, etc…

Une politique extérieure toute en ratés.   Croyant « rejoindre la cour des grands », Mauricio Macri avait parié sur Hillary Clinton et traité Donald Trump de « fou ». Après son élection, celui-ci a pris sa revanche : il a immédiatement rétabli l’interdiction de l’importation de citrons argentins, un embargo auquel Cristina Kirchner avait réussi à mettre fin. Avec son homologue brésilien, le président de fait Michel Temer, il a voulu, pour complaire aux États-Unis, saboter le Mercosur en menaçant d’expulser le Venezuela et d’interdire l’entrée à la Bolivie. Raté, Trump ayant décidé de saboter les traités internationaux. Lors de sa visite en Argentine, Delcy Rodríguez, ministre des Affaires étrangères vénézuélienne avait même été physiquement agressée à Buenos Aires. En ce qui concerne les îles Malouines, Macri permet que les « kelpers » (colons britanniques habitant les îles) soient admis à la table de négociations et que la Grande-Bretagne explore (puis exploite ?) les eaux malouines à la recherche de pétrole. Finalement, les efforts, sourires et tactiques du gouvernement pour que la chancelière Susana Malcorra devienne secrétaire-générale des Nations unies ont piteusement échoués.

Retour de la dette extérieure massive.  Les trois gouvernements Kirchner avaient réussi à désendetter l’Argentine, d’abord en remboursant le FMI pour solde de tous comptes, ensuite en empruntant là où les institutions internationales ne parvenaient pas à leur faire obstacle. Depuis l’élection de Macri et en accord avec l’orthodoxie néolibérale, le ministre de l’Économie estime que « pour relancer l’économie, il faut s’endetter ». C’est fait : l’Argentine s’est déjà endettée pour plusieurs dizaines de milliards de dollars dont les taux d’intérêts vont gravement ponctionner les budgets pour longtemps. Il faut dire qu’un des nouveaux directeurs de la Banque centrale, Esteban Bertella, est un ancien bras droit de Gabriel Martino, président de la banque HSBC qui avait été impliquée par la justice pour blanchiment d’argent et détournement de fonds. Celles qui se frottent les mains sont les banques privées JP Morgan, HSBC, Goldman Sachs…

Justice politisée ?   « Il n’y aura pas de juges macristes », promettait le candidat Macri. Pourtant, dès son élection, la justice s’est étonnamment politisée. Un dossier contre lui, pour écoutes illégales durant son mandat de président du Buenos Aires métropolitain, est vite fermé par un non-lieu. Carlos de Casas, le juge argentin destiné par le président à la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été l’avocat d’un ancien responsable des renseignements militaires accusé de crimes contre l’humanité en dictature. Les droits humains « émanent de Dieu et non des hommes » dit-il, et s’oppose à l’avortement, au mariage pour tous et à la liberté de la presse. Alors que deux des cinq juges de la Cour suprême (CS) viennent d’être nommés par lui, il s’oppose à ce que la juge Elena Highton, considérée comme constitutionnaliste, reste à son poste après ses 75 ans. Avant d’être élu, Macri avait  pourtant bataillé pour que le magistrat Carlos Fayt reste à la Cour suprême alors qu’il avait… 97 ans ! Highton partie, Macri pourra nommer un troisième juge « à lui » et tenir la CS sous son contrôle…

Grèves et manifestations.   Le 18 novembre 2016, environ deux cents mille manifestants ont défilé dans les rues de la capitale à la suite d’un appel conjoint des cinq principales centrales syndicales, contre le chômage et la baisse générale du niveau de vie. Lorsque le président a voulu transformer par décret la date commémorative du coup d’État du 24 mars 1976, « Jour de la mémoire, de la vérité et de la justice », en « fête mobile », des milliers de manifestants, estimant qu’il s’agissait du début d’une campagne vers la minimisation du putsch, l’ont obligé à faire marche arrière. Alors que la justice a bien établi que les disparitions forcées durant la dictature découlaient « d’un plan systématique créé par la junte militaire », Juan Gómez Centurión, nouveau directeur des Douanes (et ancien militaire), vient d’affirmer que le chiffre de trente mille disparus pendant la dictature « contient vingt-deux mille mensonges » provoquant des manifestations qui exigent sa démission.

Il ne s’agit ici que de quelques-unes des réalités qui montrent que le mandat du président Macri ne sera pas un long fleuve tranquille et, surtout, que son postulat d’un « retour de l’Argentine dans le monde », sous-entendu néolibéral risque d’être un (autre) gros raté à la suite des décisions du président Trump.

Jac Forton