Fidel Castro Ruiz, un Cubain universel est mort le 23 novembre dernier

Raúl Castro, président de la République cubaine, a sobrement annoncé à la télévision la mort de son prédécesseur, Fidel Castro Ruz, samedi 23 novembre. Jamais la mort d’un ressortissant cubain n’aura provoqué, autant de passions universelles. Les médias du monde entier ont immédiatement suspendu leurs programmes. Les correspondants à La Havane ont eu antenne ouverte. Le temps d’improviser des émissions spéciales, le temps de dépêcher en urgence journalistes et envoyés spéciaux.

Photo : Euope 1

Les commentaires officiels, les messages de condoléances de la plupart des pays du monde ont défilé en bande sur les petits écrans. Aucun des cinq « grands » membres permanents du Conseil de sécurité n’a manqué à l’appel. Cette mort d’un président retiré depuis dix ans pour raisons de santé a provoqué une vague médiatique d’autant plus surprenante que Cuba est un petit pays, par la population, la superficie, l’économie, la puissance militaire. La résonnance internationale de l’évènement interpelle. Elle interpelle au-delà des médias, au-delà des chefs d’Etat, l’universalité de réactions spontanées exprimées par des millions de gens. Certains à Cuba, comme ailleurs, n’ont pas caché leur tristesse pour celui qu’ils qualifient de chef ou de père de leur destinée. D’autres, à Miami ou ailleurs, ont au contraire fêté la mort de celui qu’ils considèrent comme un dictateur. A Madrid, devant l’ambassade cubaine, la police a dû séparer les uns et les autres venus en nombre, manifester leur peine ou leur allégresse.

Fidel Castro de toute évidence ne laissait personne indifférent. Ni les plus hautes autorités gouvernementales, ni ses concitoyens, qu’ils soient résidents à Cuba, ou qu’ils aient émigré. Cuba de toute évidence était un pays ignoré du monde avant son arrivée au pouvoir. Cuba depuis sa prise de fonction révolutionnaire en 1959 a pris une dimension universelle. Beau thème de réflexion pour les politologues sur le rôle des hommes dans l’histoire. Réflexion d’autant plus problématique quand il s’agit d’un homme et d’un pays qui se réclament du marxisme scientifique. « L’histoire m’absoudra » avait-il dit à ses juges le 6 octobre 1953 après l’attaque ratée d’une caserne, dite de Moncada, le 26 juillet de la même année. L’impact évènementiel de son décès lui a donné rétrospectivement raison. Non pas pour ses gesticulations armées d’avril 1948 à Bogota où jeune étudiant il a fait le coup de feu après l’assassinat du leader populiste Jorge Eliecer Gaitan. Non pas pour le fiasco du coup manqué contre la caserne de Moncada. Non pas pour ses choix idéologiques erratiques qui l’ont conduit du nationalisme à un tiers-mondisme teinté assez tardivement de marxisme-léninisme. Ce qui a donné à Cuba une dimension internationale insolite, ce qui a fait entrer Fidel Castro dans l’histoire, c’est son entêtement souverainiste. Contre vents et marées, il a démontré aux peuples d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie qu’il était possible de résister aux États-Unis et aux puissants de ce monde. Le président du Niger, du sommet de la francophonie à Madagascar, le 23 novembre, a souligné et rappelé l’exemplarité du message légué par Fidel Castro aux déshérités de la périphérie du Conseil de sécurité. Le reste, qui n’est pas négligeable, les manquements de la Cuba de Fidel Castro aux canons de la démocratie pluraliste, est relativisé par les exclus de la société internationale. Cuba, Fidel Castro ne pouvait laisser un quelconque espace à l’ennemi de leur indépendance, les États-Unis. Barak Obama, avait tardivement mais fort justement pris acte de l’échec des politiques ingérantes destinées à provoquer la chute du régime cubain. Tout comme il avait pris acte de leur caducité, 26 ans après la disparition de l’Union soviétique et de son bloc. Ce faisant, il avait placé La Havane  devant un défi redoutable, celui de répondre avec la fin de la menace nord-américaine à l’urgence de la démocratie.

Les réactions vengeresses provoquées par la mort de Fidel Castro, à Miami et dans divers milieux conservateurs ailleurs et jusqu’en France, renvoient Cuba et les États-Unis à un passé que l’on pensait dépassé, celui de la guerre froide et de l’intolérance mutuelle. Il est vrai que le 8 novembre dernier, Donald Trump, président élu par les électeurs des États-Unis a réactualisé le monde d’hier et ainsi ouvert la boite de Pandore.

Jean-Jacques KOURLIANDSKY

Chercheur à l’IRIS sur les questions ibériques (Amérique latine et Espagne) Un article publié dans le Huffington Post du 27 novembre 2016 avec l’autorisation de l’auteur.