Le dernier roman de César Aira en français « Le congrès de littérature »… une grande surprise

 L’écrivain argentin César Aira est capable de tout et il le prouve, depuis La robe rose (1984). Chaque œuvre publiée est une surprise. Et avec Le congrès de littérature, qui vient de sortir en traduction mais qui date de 1997, il le démontre brillamment.

On a un Savant fou (n’oublions pas la majuscule !) dont l’intention est bien entendu de dominer l’univers. Oui, mais il est le narrateur, on a donc un Narrateur fou (attribuons-lui la majuscule !), mais il nous faut aussi admettre que le texte que nous avons sous les yeux est bien de l’Auteur, qui ne peut qu’être qualifié de fou lui aussi. Fou, il l’est pour notre plus grande jouissance. Fou, comme l’était don Quichotte, comme l’a célébré Érasme, fou comme a pu l’être Léonard de Vinci, mais je risque de heurter sa modestie.

César Aira, l’auteur, joue avec ses personnages, avec son récit (raconte-t-il quelque chose ?), l’univers, ses lecteurs. Le Savant fou est un scientifique de haut niveau qui gagne sa vie en faisant des traductions, il a écrit quelques pièces de théâtre auxquelles il avoue ne rien comprendre : faut-il par conséquent comprendre son roman ? Ce qu’il faut, si toutefois il peut exister une obligation quelconque, c’est glaner ici ou là une image ou une idée. Il n’en manque pas, autour des dangers d’une science livrée à un illuminé, de la création littéraire, de l’imprécision de toute traduction, une quantité de graines posées semble-t-il au hasard et que chaque lecteur pourra développer, faire vivre ou (ce serait dommage, mais il en a le droit) ignorer. Il s’agit bien de les faire croître et prospérer individuellement. Il est clair que l’esprit rationnel aura du mal à supporter ce grand souffle de liberté, probablement il s’insurgera contre la « folie » de tout cela.

Mais qu’est-ce que la littérature, sinon la faculté qu’a le (bon) écrivain de semer sans qu’il puisse jamais savoir ce que son lecteur éventuel fera de ce qu’il lui propose ? Chacun est libre, le lecteur de fermer le livre ou de se régaler, l’auteur de faire intervenir sans plus d’explications un mystérieux appareil ou des centaines de gigantesques larves bleues. La liberté, cette fabuleuse conquête des romanciers, les latino-américains en particulier, César Aira en fait sa conquête et sa réussite personnelles, au grand bénéfice de chacun de nous.

Christian ROINAT

 

Le congrès de littérature de César Aira, traduit de l’espagnol (Argentine) par Marta Martínez Valls, éd. Christian Bourgois,  110 p., 14 €. / En espagnol, la plupart des romans de César Aira sont publiés aux éd. Literatura Random House et bénéficient d‘une édition de poche (Debolsillo). / En français, César Aira est essentiellement publié chez Christian Bourgois.