Deux films latinos en salles cette semaine : un vénézuélien et un uruguayen

Cette semaine, deux films latino-américains sortent en salles. D’abord Les amants de Caracas, du réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas et a déjà reçu la récompense du Meilleur film à la Mostra de Venise en 2015. Le second est Dieu, ma mère et moi de l’Urugayen Federico Veiroj, dont les précédents films ont déjà été salués par de grands festivals. Deux films très attendus donc, à aller voir en salles…

Les amants de Caracas (Desde Allá) de Lorenzo Vigas

Nous avons commencé à parler de Desde Allá (Les amants de Caracas), le premier film de Lorenzo Vigas Castes quand il a gagné le Lion d’or à la dernière Mostra de Venise. C’est la première fois qu’un film vénézuélien remporte un prix aussi important. Au festival de Biarritz, le prix d’interprétation masculine est allé à Luis Silva pour son rôle. Il sort en France ce 4 mai sous le titre Les amants de Caracas. Armando, un homme aisé d’âge mûr (Alfredo Castro, toujours remarquable), racole de jeunes garçons en échange d’argent. Il ne veut pas les toucher, seulement les regarder à distance. La première rencontre d’Armando avec Elder, un jeune garçon de la rue, est violente mais n’atténue pas la fascination qu’il porte pour ce rude et bel adolescent. Naît alors entre eux une intimité déroutante.

Le film se déroule au rythme de cette relation impossible qui commence par l’apprivoisement d’Elder et qui basculera quand ce dernier décide d’abdiquer sa violence et de se laisser aller à son attachement naissant. Le film souligne le manque d’affection et de solitude qui touche toutes les classes de la société. S’il parle de l’homosexualité c’est pour dénoncer l’homophobie dans de nombreuses cultures sud-américaines. Pour marquer cela, le réalisateur utilise l’utilisation dramatique du son, car le film montre la vie bouillonnante des rues de Caracas.

“Au début du tournage, déclare le réalisateur, nous avons pris une décision importante : filmer la rue le plus naturellement possible, sans la mettre en scène. Je voulais que la vie qui emplit les rues de Caracas se ressente dans le film. On y trouve une énergie que nous n’aurions jamais pu mettre en scène autrement. Je voulais tirer avantage de ce bouillonnement et filmer Armando comme un fantôme, presque invisible, comme noyé parmi les habitants de la ville. S’il est physiquement présent dans les rues, ses émotions, elles, sont prisonnières de son passé. La difficulté principale du tournage était de réussir à montrer l’effacement du personnage d’Armando sans que son interprète, Alfredo Castro, qui est chilien, ne passe pour un étranger, ou semble détonner dans les décors urbains de Caracas. Il a beaucoup observé les habitants de la ville marchant dans la rue afin de pouvoir se fondre plus facilement dans la masse, et pour renforcer les apparitions spectrales d’Armando, nous avons filmé les scènes avec une mise au point imprécise et une profondeur de champ changeante, pour le faire apparaître et disparaître en fonction de ce qui l’entoure.”

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Dieu, ma mère et moi (El Apóstatade Federico Veiroj

L’apostasie signifie la renonciation à une doctrine ou une religion ou de se soumettre à l’autorité représentant ladite doctrine. Dans le contexte strictement religieux, l’apostasie signifie le renoncement par  un  individu  adulte et  responsable, à  faire  partie  d’une  organisation  religieuse. Dans  l’Église  catholique,  le terme est appliqué  dans deux domaines  différents  :  l’apostasie  dite  “de  foi”  consiste  à  abandonner  la  foi  chrétienne et de ce fait, se faire débaptiser ;  l’apostasie “des vœux de religion” consiste, pour  un(e)  religieux(se)  à  quitter  l’ordre où il (elle) a fait profession.

À Madrid, Gonzálo Tamayo, un homme nonchalant d’une trentaine d’années, poursuit toujours ses études de philosophie, sans grande conviction. Au tournant de sa vie d’adulte, il se met en tête de renoncer à la religion catholique car on ne lui a jamais demandé son consentement pour être baptisé. Pour accéder à sa liberté, Gonzalo décide donc d’apostasier et entreprend des démarches pour être radié des livres de l’Église. Il entre alors dans une course folle, de prélat en cardinal, entraînant dans son sillage un doux chaos. À travers cette quête irraisonnée aux yeux de tous, Gonzalo revisite alors son passé et est envahi par de drôles de visions. (Télérama)

“L’idée est née, déclare le réalisateur, lorsque j’ai entendu parler de la tentative d’apostasie de mon ami Álvaro Ogalla ; je l’avais rencontré quand que je vivais à Madrid. Apostasier signifiait pour moi avoir l’intention de changer son passé, quelque chose d’impossible, donc un fantasme… Une fois que nous avons décidé que le personnage serait joué par Álvaro lui-même – qui n’a aucune formation d’acteur – je savais que le résultat serait aussi étrange que lui. Ses gestes, son regard, son désir et sa violence contenus, son apparence juvénile étaient des ingrédients puissants avec lesquels je pouvais travailler afin de donner vie à son personnage…  Je trouvais ambiguë cette idée d’apostasie de mon ami Álvaro – un Espagnol né dans les années 70, presque à la fin d’une période historique qui a marqué la vie de plusieurs générations. Pour parler de la crise de maturité de Tamayo, sa relation avec les institutions traditionnelles, il était nécessaire de les situer dans un pays tourmenté comme l’Espagne. J’ai tenu à imprégner mon récit de ce mélange de culpabilité, de plaisir et du poids de la tradition qu’on y trouve. J’ai toujours senti que Madrid était ma vraie patrie, y ayant vécu une partie importante de ma vie, et l’idée de filmer dans le pays d’où viennent mes ancêtres était très séduisante.”

Né en 1976 à Montevideo, Federico Veiroj, espagnol-uruguayen, est diplômé en sciences de la communication de l’Université catholique d’Uruguay et de l’Université de Virginie (USA). Il a d’abord travaillé à la programmation du Festival international du Film organisé par la Cinémathèque uruguayenne. Il a également travaillé pendant 4 ans à la programmation et au service technique de la Filmothèque espagnole. Il a été acteur dans l’excellent film de Pablo Stoll et Juan Pablo Rebella, 25 Watts (2003). Il a coproduit et réalisé son premier long-métrage Acne en 2008, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. La vida útil (2010) a été sélectionné à Toronto et à San Sebastián. Dieu, ma mère et moi (2015), son troisième long métrage, a été présenté au Festival du film de Toronto en Compétition officielle ainsi qu’au Festival de San Sebastián, où il a remporté une Mention spéciale du Jury et le prix Fipresci de la presse.

Il explique avoir puisé son aspiration dans La prima angélica le beau film de Carlos Saura ou dans l’univers tourmenté de Nanni Moretti. Les dialogues laissent parfois la place à la voix off avec l’utilisation de choix musicaux comme le flamenco ou le rock. Cela permet d’entrer dans la vision imaginaire du personnage. Un film très drôle à découvrir.

Alain LIATARD

Bande-annonce Les amants de Caracas
Bande-annonce Dieu, ma mère et moi