Le “Non” à la réélection du président Morales s’impose au référendum

Les Boliviens étaient invités ce dimanche 21 février à se prononcer pour décider si “oui” ou “non”, ils acceptaient une réforme de l’article 168 de la Constitution politique de l’État plurinational de Bolivie,  proposant d’autoriser la réélection du président et de son vice-président après leur mandat actuel. Le “non” semble s’imposer.

Après 82 % des registres d’électeurs vérifiés par le Tribunal suprême électoral (TSE) mardi 23 février, le “non” s’imposait avec 53,8 % des voix contre 46,2 % au “oui”. Lorsque l’opposition au président Evo Morales a crié victoire, le vice-président Álvaro García Linera a appelé à la prudence car “pour le moment, nous sommes dans une situation “d’égalité technique” car les votes des Boliviens à l’étranger et ceux des zones rurales éloignées n’ont pas encore été comptabilisés… ”

Cet espoir pourrait bien être déçu : mardi matin, les résultats de l’étranger (4,5 % du total des électeurs) n’étaient pas favorables au “oui” puisque les Boliviens résidant au Chili, en Espagne, en Grande Bretagne , en Italie, aux États-Unis et en France ont voté majoritairement pour le “non” . Les électeurs au Brésil, au Venezuela, à Cuba, en Inde et en Suède ont voté “oui”. Le résultat du vote en Argentine (45 % des votes à l’étranger) n’était pas encore connus ce mardi matin mais sera vraisemblablement favorable au « non ». Reste à connaître les résultats des zones éloignées à l’intérieur de la Bolivie. Les votes des paysans de ces régions ont parfois modifié les résultats finaux car ils sont majoritairement favorables au président Morales.  Le gouvernement craint que si ces votes retournent la situation, les partisans du “non” ne crient à la fraude.

Une campagne houleuse

Les semaines précédant le référendum avaient vu des affrontements politiques assez vigoureux. Le président Morales avait rappelé les bons résultats économiques de la Bolivie depuis 2006 et prévenu qu’ “Il n’y a que deux chemins : ceux qui sont pour le oui sont pour le peuple bolivien, pour la nationalisation et l’industrialisation ; ceux qui sont pour le non sont du côté de l’impérialisme états-unien, pour les privatisations, pour ceux qui veulent donner nos ressources naturelles aux transnationales”.

De fait, les succès socio-économiques sont bien réels : les salaires des plus riches étaient 129 fois celui des plus pauvres en 2006 lorsque Evo Morales fut élu président alors qu’il n’est plus que de 39 actuellement et devrait encore baisser à 25 en 2019. Le chômage est bas ainsi que l’inflation, les revenus du gaz et du pétrole ont été massivement réinvestis dans les domaines sociaux.  Le revers de la médaille est qu’en dix ans de gouvernance, une nouvelle énergie de la droite inspirée par les élections en Argentine, des problèmes de corruption et de clientélisme, des campagnes “sales” dans les réseaux sociaux s’attaquant à la vie privée du président, et des dissensions à l’intérieur du MAS (Mouvement vers le socialisme), le parti du chef du gouvernement, ont définitivement joué un rôle dans le vote négatif.

Quel que soit le résultat final, on peut considérer qu’il s’agit là d’une défaite politique du président Morales, la première depuis 2006 (1).  Il comptait en effet sur un score nettement plus favorable du “oui”. En apparence, il ne se montre pas trop inquiet pour son futur comme il l’avoue: “Si le “non” gagne, je retournerai cultiver mes champs à Cochabamba… Le plus important est que la lutte contre le néolibéralisme continue… Nous ne sommes pas qu’un gouvernement, nous sommes aussi une révolution pacifique, démocratique et culturelle… Quel que soit le gagnant, il méritera le respect…”  De son côté, Oscar Ortiz, le sénateur pour la région de Santa Cruz, a déjà prévenu que, pour lui, il était impossible de retourner les chiffres, “il s’agirait d’un vol manifeste, mais nous avons les moyens de contrôler les résultats.”

Pour le président Morales, “il vaut mieux attendre patiemment le coup de sifflet final du TSE avant que l’un ou l’autre camp se réjouisse.” On attend les résultats finaux vers la fin de la semaine. Si le “oui” l’emporte, Evo Morales et son vice-président pourront se représenter aux élections de 2019, si le “non” gagne, le MAS devra trouver de nouveaux candidats.

Jac FORTON

(1) Evo Morales est élu en 2005 avec 53,7 % des voix pour un mandat de 2006 à 2010. Devant le risque d’une sécession des départements de l’est (Media Luna), il organise en 2008 un référendum révocatoire qu’il gagne avec 67 % des voix. Il est réélu en 2009 par 64 % des électeurs (2010 à 2014), puis encore en 2014 par 61 % des voix (2014 à 2019).
Photos : © Eneas de Troya (Libres de droit)