Le Chili annonce la création d’une aire maritime protégée autour de l’Île de Pâques

La conférence Notre océan,  qui s’est tenue les 5 et 6 octobre dernier à Viña del Mar, ville côtière du Chili, a été marquée par plusieurs temps forts dont l’annonce par la présidente chilienne Michelle Bachelet de la création d’une aire maritime protégée de 720 000 km² autour de l’Île de Pâques.

Avec plus de 4 300 kilomètres de côtes bordées par l’océan Pacifique, les littoraux chiliens constituent historiquement des zones d’enjeux majeurs pour le développement du pays. Ainsi s’est tenue au début du mois la deuxième conférence “Notre Océan”, consacrée à la protection et à la conservation des océans. Les participants – plus de 500 personnalités de 56 nationalités au total – se sont réunis pendant deux jours pour échanger et débattre autour de la pollution marine par les matières plastiques, de l’acidification des océans en lien avec le réchauffement climatique, de la pêche illégale et de la création d’aires protégées.

Protection de la faune locale et lutte contre la surexploitation des fonds marins autour de l’Île de Pâques

Le Chili est depuis longtemps engagé en faveur de la protection de l’environnement, comme le confirme le bilan de la conférence. Plus de 80 initiatives ont été prises en faveur de la conservation et de la protection marine sur une surface totale équivalente à 1,9 millions de km². Parmi elles, la création de la deuxième plus grande aire maritime protégée au monde autour de l’Île de Pâques, aussi connue sous le nom de Rapa Nui.

La création d’une telle zone maritime, qui couvrira une surface presque équivalente à celle du Chili, a pour but de préserver la faune locale constituée de 142 espèces endémiques dont 27 sont actuellement menacées d’extinction. Cette initiative est soutenue par l’ONG The Pew Charitable Trusts, qui souligne que “cette zone contient les uniques sources hydrothermales des eaux chiliennes” nécessaires à la survie de nombreuses espèces telles que le thon, le requin, le merlin ou l’espadon, permettra également de lutter contre la surexploitation des océans par les flottes industrielles.

Pillées par les navires chinois, espagnols, coréens et russes, les eaux entourant l’île s’appauvrissent à grande vitesse au plus grand désespoir de ses habitants. En effet, il n’est pas rare de retrouver dans les criques de l’île, des filets, casiers et autres déchets laissés par les navires. Peuple aux traditions de pêche séculaires, les Pascuans réclament donc depuis longtemps la création d’une véritable “no-take zone” dont on ne pourrait tirer ni poisson, ni coquillage ni aucune autre ressource à l’exception d’une couronne d’une centaine de kilomètres dédiée à la pêche locale.

Des enjeux économiques et politiques également

L’annonce faite par Michelle Bachelet confirmant la création de cette aire maritime protégée devrait donc, en théorie, apaiser l’inquiétude de ses habitants. Héritiers des traditions piscicoles polynésiennes, les descendants directs des Polynésiens continuent à pratiquer cette pêche côtière artisanale et espèrent ainsi voir leurs us et coutumes protégés. Notons également que la création de la réserve pourrait fortement impacter le tourisme qui constitue la principale ressource économique de l’île avec plus de 80 000 visiteurs en 2014, sans oublier l’enjeu politique qu’elle représente pour le gouvernement chilien.

En effet, comme beaucoup d’insulaires, les Pascuans conservent des relations méfiantes et tumultueuses avec le Chili et nombres d’entre eux penchent pour davantage d’autonomie vis-à-vis du continent. Classé au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, le parc national de Rapa Nui où déferlent les touristes chaque année, constitue une source de revenue indéniable pour l’État. Une manière donc, pour la Moneda, de garder sa mainmise sur un territoire éloigné dont une partie de la population locale souhaiterait se détacher. La zone devra cependant être d’abord soumise à l’approbation des habitants qui continuent à débattre du périmètre exact de la zone à préserver avec l’ensemble des acteurs concernés.

Lucie DUBOEUF