Premières notes de notre correspondant depuis La Croisette

Ça y est la 68e édition du festival de Cannes est lancée. La foule est très importante, c’est vrai que c’est le week-end de l’Ascension. Parmi les événements, le festival a fêté les 120 ans du cinéma, avec la projection des films Lumière en présence des frères Taviani, Dardenne et Coen.

Dans ma présentation du Festival de Cannes, j’ai oublié de mentionner en sélection officielle la production états-unienne Chronic du cinéaste mexicain Michel Franco qui avait auparavant réalisé Ana y Daniel (2009) et Después de Lucía (2012). Dans la sélection Un Certain Regard, un autre cinéaste mexicain présente son deuxième long métrage (après La Vida después, 2013): il s’agit de David Pablos avec Las Elegidas. Le second film venu du continent latino est également un deuxième film, intitulé Alias María de José Luis Rugeles qui avait réalisé García en 2010. Pour Cannes Classic, deux films argentins sont à l’honneur en copies restaurées: Sur (1988) de Fernando Solanas et La Historia oficial (1985) de Luis Puenzo, invisibles depuis très longtemps.

El abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra était le premier film proposé par la Quinzaine des réalisateurs, vendredi. Karamakate, chaman amazonien, le dernier survivant de son peuple, vit isolé dans les profondeurs de la jungle. Sa vie bascule lorsqu’Evan, un ethnobotaniste américain, débarque dans sa tanière à la recherche de la yakruna, une mystérieuse plante hallucinogène capable d’apprendre à rêver. Il s’agit du troisième film de Ciro Guerra, après L’Ombre de Bogota et Les voyages du vent. À partir du journal d’un explorateur allemand en 1907, le réalisateur a voulu reconstituer la vie des Indiens d’Amazonie. Il lui a fallu approcher les communautés pour rendre compte de ce qui avait disparu. La Colombie s’est désintéressée de ce savoir. Mais il a mis au centre de son film un Indien pour nous faire revivre cette Amazonie qui n’existe plus. C’est pour cela qu’il a filmé en noir et blanc.

Allende mi abuelo, présenté dimanche à la Quinzaine des réalisateurs également est le premier film de Marcia Tambutti Allende, la petite-fille de Salvador Allende. Elle souhaite rompre le silence entretenu autour du passé tragique de sa famille. 40 ans après le coup d’État qui a renversé son grand-père, elle estime qu’il est temps de retrouver les souvenirs familiaux, les images de leur vie quotidienne qui leur a été arrachée. Elle veut montrer un passé intime qui lui est inconnu, enterré sous la vie politique d’Allende, l’exil et la douleur familiale. C’est un film très personnel. Connaître la vie intime d’Allende nous intéresse assez peu, malgré l’originalité des documents.

Paulina (La Patota), présenté à la Semaine de la critique est le second film de l’Argentin Santiago Mitre, après El estudiante en 2011. Paulina, une jeune femme, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement à Posadas dans une région défavorisée d’Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique, quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son juge de père. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes… “J’ai essayé de construire une fable politique centrée sur la conviction. Je me sens plus à l’aise avec les fables qui empruntent une forme classique : une ligne narrative simple, des personnages forts, un point de vue clair, des enjeux sociaux contemporains. Je suis toujours très soucieux du rythme et de la tension dans la narration”, a déclaré le réalisateur. Après une première scène de 8 minutes en un seul plan, qui introduit le discours père-fille, parlant de l’ordre et du dialogue, Paulina déclare que la justice ne cherche pas la vérité quand les pauvres sont suspects: elle cherche des coupables. Belle interprétation. La Patota veut dire “bande de jeunes”.

Voilà pour le moment. Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite et le palmarès.

Alain LIATARD
Depuis Cannes