« Refugiado », dernier film de l’Argentin de Diego Lerman

Le réalisateur argentin Diego Lerman, 38 ans, a étudié le cinéma à l’Université de Buenos Aires et à Cuba, mais a pris également des cours de théâtre. De 1996 à 1999, il réalise cinq courts métrages dont l’un La Prueba, se voit sélectionné dans pas moins de 40 festivals internationaux. Son dernier film Refugiado sort en salle cette semaine. Voilà un film très sensible, bien réalisé avec une belle image. À voir !

Auréolé de ces succès dans le format court, Diego Lerman met en scène son premier long métrage en 2002 Tan de Repente, qui raconte le voyage initiatique de trois jeunes lesbiennes. Peu après, il est accueilli à la Résidence du festival de Cannes (Cinéfondation), où il se consacre à l’écriture d’un nouveau film, Mientras tanto (2006) qui est projeté au festival de Venise. Ce film, naviguant entre les destins de personnages au sein de Buenos Aires, est à la frontière entre comédie et tragédie. Il tourne ensuite L’OEil Invisible dont le récit se déroule dans un lycée argentin à l’époque de la dictature militaire. Tourné en 2010, ce film est en compétition à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes. Il est de nouveau à la Quinzaine en 2014 pour Refugiado. L’histoire: Matthias et Laura, sa mère, se voient obligés d’abandonner à la hâte leur maison suite à une nouvelle réaction violente de Fabian, le mari et père. Matthias a 8 ans et Laura est en début de grossesse. Ils commencent ainsi à déambuler à la recherche d’un endroit où ils pourraient se sentir protégés et en sécurité. Nous avons rencontré Diego Lerman au festival de Biarritz, le 2 octobre 2014 et nous vous proposons ici un extrait de cet’entretien publié dans le n° 284 d« Espaces Latinos«  de mars 2015.

D’où est venue l’idée de réaliser Refugiado ?

En réalité, je présente Refugiado comme un film que je n’ai pas cherché à réaliser mais qui est venu à moi, un film qui m’a cherché. J’écrivais une comédie, je travaillais au sein de notre société de production à Buenos Aires et un jour je vais travailler comme tous les autres jours. À la porte il y avait la police, il y avait du sang, il y avait une ambulance et les médias étaient présents. Lorsque je demande ce qui est arrivé on me raconte qu’un homme déguisé en vieillard avait tiré sur son ex-femme devant ses enfants qui attendaient pour se rendre à la crèche qui se trouve en face. À partir de ce choc, de cet impact, j’ai commencé à enquêter un peu. D’abord, dans cette affaire précise, la femme a finalement survécu. Elle s’est trouvée dans un état très grave mais elle a survécu, l’homme a, lui, été condamné et emprisonné. Cette femme avait appelé la nuit précédente un centre d’aide aux victimes de violences. On lui avait dit de se rendre à un refuge mais elle avait refusé. C’est là que j’ai appris l’existence de refuges pour femmes et j’en ai visité quelques uns. On m’a autorisé à entrer et j’ai ainsi débuté une sorte d’investigation qui a duré presque un an et demi, et au cours de laquelle j’ai rencontré de nombreuses femmes ayant fréquenté ces refuges et s’étaient confrontées à la problématique de la violence domestique, cette problématique de la violence domestique qui est en Argentine, selon moi, comme une espèce de génocide quotidien, il y a de plus en plus de cas. Bref, c’est à partir de cette investigation que j’ai décidé de commencer l’écriture d’un scénario pour le film. Je l’ai travaillé avec María Meira car nous avons l’habitude de travailler ensemble. Le plus difficile était de trouver le ton du scénario, l’ambiance de l’histoire et comment aborder le sujet. Parallèlement à cela, j’ai deux enfants. À cette époque, c’était en 2010, ils étaient petits. Mon fils avait trois ans et ma fille Renata venait de naître. Je voulais travailler sur quelque chose comme l’innocence des enfants, le regard des enfants, les traits de personnalité des enfants. Donc, j’étais là avec mes intentions quand l’affaire dont je t’ai précédemment parlé a croisé mon chemin et alors ce fut comme un croisement entre deux choses, et la décision d’écrire le scénario de Refugiado qui est très domestique et urbain, le voyage d’une mère et de son enfant et aussi la déconstruction d’une famille à travers le regard d’un enfant.

La direction des acteurs a-t-elle été difficile?

Non. Non, en vérité c’est un défi de travailler avec un enfant mais nous avons pris beaucoup de précautions. Nous avons fait un très grand casting. María Laura Berch a été une personne essentielle. Elle s’est occupée de la direction du casting et m’a énormément aidé dans le travail avec Sebastián Molinaro et dans la garde de Sebas lorsqu’il ne tournait pas et lorsque nous préparions le tournage. J’ai également beaucoup été aidé par l’actrice Julieta Díaz non seulement par son implication dans le film face à mes exigences mais aussi par son aide avec Matthias. Ce fut comme transmettre la logique du film où l’état d’esprit prévaut sur de nombreuses autres logiques présentes dans le cinéma. Le tournage a été agréable ; on ne tournait pas trop longtemps parce qu’en Argentine on ne peut pas travailler de nombreuses heures avec un enfant, cela me laissait le temps de monter et en même temps on préparait les scènes avec un autre enfant. La vérité, c’est que j’ai pu compter sur beaucoup de dévouement et sur de très bon acteurs, très impliqués et avec l’envie de donner le meilleur d’eux-mêmes et de faire ce que je leur demandais. C’était donc un très grand défi mais j’ai senti que le travail a été récompensé.

L’actrice Julieta Díaz est-elle connue?

Julieta est une actrice très connue en Argentine et très populaire. Elle oscille entre le cinéma, la télévision et le théâtre. Elle a surtout fait du cinéma, par exemple ses deux derniers films ont eu de grands succès l’année dernière. Julieta s’est décidée à faire ce film, ce qui a signifié un défi pour elle en s’impliquant d’une manière différente.

Alain LIATARD
Traduction Ninozhka Quintanilla