Les accusations du juge Nisman déboutées pour la 4e fois

La Chambre fédérale de Justice a rejeté les accusations du juge Nisman contre le gouvernement. L’ex-épouse du juge continue d’entraver l’enquête en essayant de récuser la juge d’instruction…

Après la mort du juge Nisman, le dossier dans lequel il accusait la présidente Cristina Kirchner, son ministre des Relations extérieures Héctor Timerman et d’autres personnes proches de la présidente de chercher l’impunité des accusés iraniens pour l’attentat contre la mutuelle juive en 1994, était transmis au juge Pollicita. Celui-ci avait repris les accusations et soumis le dossier au juge Daniel Rafecas qui l’avait rejeté “pour manque de preuves”.

Rappel (voir notre article du 4 mars 2015)

Pour le juge Rafecas, “Le rejet de la dénonciation s’impose devant l’absence d’adéquation du fait dénoncé avec des infractions pénales”. En clair, il n’y a dans les accusations aucun fait correspondant à une infraction punissable en droit pénal : “Aucune des deux hypothèses de délit soutenues par le procureur est minimalement possible de soutenir. Ces deux hypothèses sont 1) la Commission de la vérité prévue par le Memorandum d’entente avec l’Iran cherchait l’impunité des accusés iraniens par un accord secret, et 2) le gouvernement voulait qu’Interpol abandonne les « alertes rouges » qui interdisaient que les Iraniens puissent quitter leur pays sous peine d’arrestation. Il est à noter que suite à un recours déposé par l’opposition politique, le Memorandum avait été déclaré inconstitutionnel par une Chambre fédérale de Justice composée en partie par les mêmes juges qui doivent décider de recevoir ou non, le document accusatoire de Nisman !

La Chambre fédérale de Justice rejette les accusations du juge Nisman

L’ex épouse du juge, Sandra Arroyo Salgado avait déposé un recours contre la décision du juge Rafecas et le dossier était passé à la Première Salle de la Chambre fédérale de Justice. Celle-ci a, le 26 mars dernier, par deux voix (les juges Jorge Ballestero et Eduardo Freiler) contre une (Eduardo Farah), durement rejeté le document accusatoire écrit par Nisman. C’est la quatrième fois que le document de Nisman est rejeté par des juges. Le premier rejet date de mi-janvier lorsque Nisman, mystérieusement revenu d’urgence de ses vacances en Espagne, soumet son accusation à la juge Servini de Cubría qui a refusé de rompre le congé administratif du secteur judiciaire pour un document qui n’apportait aucune preuve. Le deuxième rejet est celui réalisé par le juge Ariel Lijo pour les mêmes raisons. Le troisième rejet est celui du juge Daniel Rafecas, suivi maintenant par la Chambre fédérale de justice.

Pas le moindre lien avec les faits dénoncés …

Le juge Jorge Ballestero se montre critique du document Nisman en des termes très fermes. “Les estrades judiciaires ne sont pas les planches d’un théâtre ni ses documents le sujet de film dans lequel une personne doit être soumise à un procès criminel sans autre raison que l’importance de sa personnalité. Pour la Cour, “Nisman n’explicite pas quel apport concret ont réalisé les personnes à la dissimulation de l’attentat. Dans tout ce qu’apporte Nisman, il n’y a pas le moindre lien avec les faits dénoncés…” La Cour fédérale insiste : “Selon le juge Nisman, les écoutes feraient entendre qu’il y eut un accord secret pour donner l’impunité aux accusés iraniens.  Mais il n’y a pas une seule preuve de cela… Ce serait donc cette absence de preuve qui serait la note la plus claire de son existence… un peu comme les trous noirs dont la présence se démontre à partir du néant absolu.

Ballestero rappelle que “lorsque le Memorandum est passé devant le Sénat où il a été approuvé, puis devant la Chambre des députés où il a également été adopté, personne n’a jamais suspecté qu’il y avait dissimulation… Ni cette Cour [le juge Ballestero faisait partie de la Cour qui avait déclaré le Memorandum d’inconstitutionnel] ni l’opposition ni le juge d’instruction d’alors, qui est le plaintif aujourd’hui, n’a détecté dans le Memorandum la moindre trace du supposé délit de dissimulation, ni une suspicion, pas un seul doute sur un acte criminel…  Il y a disparité entre la dénonciation et ce qui sert de preuve. C’est un zig zag argumentatif ! Les faits se sont passés d’une manière diamétralement opposée à ce que montre Nisman” Pour séparer politique et judiciaire, la Cour estime que “Le Memorandum a peut-être été un échec pour la diplomatie argentine [l’Iran ne l’a jamais ratifié], une erreur pour les annales législatives, une désillusion pour ceux qui croyaient y voir une avance dans l’enquête, mais de là à y voir un plan machiavélique pour couvrir les responsables de l’attentat, il y a un abîme”. Le juge Germán Moldes, qui soutient la thèse de l’assassinat et qui trouvait que le juge Rafecas “avait décidé trop vite de rejeter le document de Nisman, vient d’annoncer qu’il allait “au plus vite” déposer un recours devant la Cour de Cassation.

Sandra Arroyo continue d’entraver l’enquête

La juge d’instruction Viviana Fein avait, depuis 15 jours, prévu pour le lundi 30 mars une réunion de tous les experts légistes pour éclaircir les doutes sur l’heure de la mort du juge défunt. La veille de cette session, non seulement, Arroyo Salgado récuse plusieurs des légistes, mais exige à nouveau que le dossier soit retiré des mains de la juge d’instruction Fein et remis à la juge Palmaghini. Une action qui serait contraire au Code de procédure pénale argentin qui dit que l’enquête doit être menée par un juge d’instruction et non un procureur. Pour l’avocat de Diego Lagomarsino, que les plaintifs (Arroyo Salgado soutenue par l’opposition politique, médiatique et plusieurs procureurs) accusent d’être présent au moment de la mort, “ces actions montrent une intention de produire un épuisement moral de la juge d’instruction… Elles sont la preuve que Arroyo Salgado craint la vérité et veut dilater l’enquête…

La mère et la sœur du procureur Nisman, Sara Garfunkel et Sandra Nisman, invitées à déclarer devant la juge ont par deux fois esquivé leur présence grâce à des certificats médicaux signés par le même médecin !

État des enquêtes

La procureure Fabiana Palmaghini devrait bientôt autoriser la reprise de l’étude du contenu de l’ordinateur et des téléphones du défunt, arrêtée sur demande d’Arroyo Salgado, ainsi que celle des vidéos de surveillance de la résidence. La juge d’instruction Viviana Fein essaie toujours de déterminer si la mort du procureur Nisman est un suicide ou un assassinat.

Jac FORTON

(Voir nos articles des 25 février, 4 et 11 mars 2015.)