L’ex-épouse de Nisman accuse ouvertement le collaborateur du juge d’assassinat

Campagne de l’ex-épouse du juge Alberto Nisman contre Diego Lagomarsino. La défense de celui-ci accuse le juge d’escroquerie. Les comptes secrets du juge.

Sandra Arroyo Salgado, l’ex-épouse du juge Nisman, a organisé une évaluation privée des résultats des données rassemblées par les enquêteurs. Sur base de ces documents mais sans avoir été présents à l’autopsie ni dans l’appartement du juge au moment de la découverte du corps, les experts engagés par elle ont conclu que le juge était mort le samedi soir et non le dimanche matin comme l’affirme le rapport officiel d’autopsie réalisé par les légistes de la Cour suprême. L’importance de cette différence de temps ? Selon Arroyo et son équipe, le juge est mort alors que Lagomarsino était encore chez lui le samedi soir ! “Lagomarsino ment quand il dit qu’il a prêté l’arme au juge. Il fait partie du plan criminel, une accusation à peine voilée : soit Lagomarsino est l’assassin soit il était présent lors de la mort du juge et doit savoir qui l’a fait…

En réponse, Maximiliano Rusconi, l’avocat du collaborateur du juge, avance plusieurs arguments de poids : d’abord, les experts informatiques disent que l’ordinateur du juge a été ouvert le dimanche matin donc il ne pouvait pas être mort le samedi soir ; ensuite que le juge avait déjà demandé plusieurs jours auparavant à un garde du corps qu’il lui trouve une arme (le policier a laissé cette requête sans suite) ; finalement que, s’il s’agit d’un assassinat, pourquoi Lagomarsino laisserait derrière lui le revolver qui vaut signature puisqu’il était légalement déclaré au Registre national des armes (Renar) ? Revolver à peine en état de fonctionner peu propice à une “exécution”… De plus on sait maintenant, photos à l’appui, que le mouchoir vert dans lequel Lagomarsino avait enveloppé l’arme, se trouvait à côté du lavabo de la salle de bain, ce qui tend à renforcer la thèse du suicide. Arroyo répond que l’ordinateur a pu être manipulé à distance. Les experts devront déterminer si c’est le cas dès que la juge Palmaghini en charge du dossier les autorise à reprendre leurs examens bloqués sur demande de la propre Arroyo. D’autre part, la juge d’instruction Viviana Fein a convoqué pour fin mars les légistes des deux parties pour qu’ils confrontent les résultats de leurs enquêtes réciproques tout en rappelant qu’il n’y a qu’une seule enquête officielle, la sienne, dont les experts d’Arroyo Salgado ne font pas partie.

Nisman a-t-il escroqué son collaborateur ?

Lorsque Arroyo accuse Lagomarsino d’avoir des “rapports économiques” pour assassiner Nisman, l’avocat Rusconi révèle un côté inattendu du juge. Celui-ci avait engagé plusieurs personnes pour l’aider à travailler en faisant payer leur salaire par l’Unité spéciale d’enquête sur l’attentat de juillet 1994 contre la mutuelle juive. Non seulement, ces personnes ne mettaient presque jamais les pieds dans l’Unité mais on ne sait pas exactement quel était leur travail ! De plus, ils bénéficiaient de salaires royaux payés par l’Unité. Lagomarsino touchait 40 000 pesos, le plus haut salaire de toute l’Unité, une nutritionniste 28 000 pesos, un autre assistant 35 000 pesos… Et Rusconi de révéler le système “de réintégration” inventé par le juge. Chaque mois, Lagomarsino devait lui rembourser (“réintégrer”) la moitié de son salaire ! Lorsqu’il était payé, il devait immédiatement en reverser la moitié sur un compte ouvert dans la succursale de la Banque Merryl Lynch de Buenos Aires.

Les comptes secrets de New York

Que faisait le juge avec tout cet argent ? Nouvelle révélation : le juge avait, au siège de New York de la Merryl Lynch, ouvert un compte au nom de sa mère et de sa sœur, mais aussi de Lagomarsino qui devait agir en prête-nom. Celui-ci affirme qu’il n’a jamais su ce qu’il advenait de ce compte parce que la seule personne qui pouvait le gérer était Nisman en tant que seul “apoderado”, fondé de pouvoir. Lorsque Sara Garfunkel, mère du juge, voulut savoir où en était ce compte, la banque lui répondit qu’elle devait s’adresser à Lagomarsino qui, lui, déclare qu’il n’y avait pas accès et que tous les relevés de compte étaient envoyés au juge. Autre dépense possible et révélation : la filtration (illégale mais qui l’a faite ?) de photos du juge sur diverses plages des Caraïbes toujours accompagné de belles jeunes femmes… Or il n’a jamais demandé de jours de congé. Il se promenait donc sur ces plages pendant ses heures de bureau !

État de l’enquête

La juge d’instruction Fein organise fin mars une réunion de tous les légistes, officiels et des parties concernées (Arroyo Salgado et Lagomarsino compris), pour déterminer si le juge s’est suicidé ou a été assassiné, si le corps a été bougé, et si oui, comment l’assassin aurait-il pu réaliser cela sans laisser de traces ? Avant de pouvoir reprendre l’examen des conversations téléphoniques et de l’ordinateur de Nisman, la juge Palmaghini devra sélectionner les passages “intimes et privés” afin de les écarter pour respecter le “droit à la privacité du juge” requis par son ex épouse. Le procureur fédéral Germán Moldes a accepté le recours du juge Pollicita contre la décision du juge Daniel Rafecas de rejeter les accusations de Nisman contre la Présidente Kirchner et son ministre des Relations extérieures Timerman pour dissimulation de preuves au profit des accusés iraniens. Le dossier sera examiné par trois magistrats dont… Moldes. Dans le but de faciliter le travail de recherche de la vérité et celui des enquêteurs, la présidente Cristina Fernández de Kirchner a décrété la levée du secret-défense pour tous les documents des services secrets et de l’administration concernant les dossiers “Attentat contre l’AMIA” en 1994 et “Attentat contre l’ambassade d’Israël” en 1992. Elle a aussi relevé de leur devoir de silence tous les membres et ex-membres des services secrets qui pourront ainsi témoigner sans risque de briser leur serment.

Jac FORTON