De Belo Horizonte à Lima, les deux films latinos de la semaine

Alors que les festivals latinos se déroulent un peu partout en France, – si Pessac et Villeurbanne sont maintenant terminés, Cinelatino de Toulouse, CulturAmerica de Pau, Aspas à Marseille continuent jusqu’à la fin de la semaine -, deux films vont sortir sur les écrans cette semaine : Le film brésilien L’homme des foules et le péruvien Un octobre violet à Lima.

L’homme des foules (O Homen das Multidões) est le nouveau film des brésiliens Marcelo Gomes et Cao Guimarães. Il a obtenu le grand prix à Cinelatino de Toulouse l’an passé. Juvenal est un conducteur de trains à Belo Horizonte. Il rêve de vitesse et écoute au travail les commentaires de ses collègues, épie les gens des bars, ou ceux pressés des centres commerciaux. Juvenal n’est pas très communicatif, mais s’il est à l’aise au milieu des foules, il ne sait que dire à sa collègue Margô. Son quotidien, comme celui des autres ne semble réglé que par une suite de rituels et de formules de convenances qui rythment la routine. Librement inspiré d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, le film traite de la solitude, qui frappe les grandes métropoles. Pour rendre plus fort ce sentiment d’enfermement, le film utilise un format original. L’écran est proche du carré évoquant la fenêtre du train ou celle de la maison où le protagoniste scrute la vie des autres sans y participer. Cao Guimarães, né à Belo Horizonte en 1965, œuvre autant dans les arts plastiques que pour le cinéma. Marcelo Gomes, né à Recife en 1963, a réalisé plusieurs films intéressants dont Cinéma, aspirines et vautours et Il était une fois Veronica.

 Il est rare que nous puissions voir des films péruviens. Le cinquième long métrage d’Eduardo Mendoza, né à Lima en 1974, El Evangelio de la Carne, Un octobre violet à Lima pour le titre français, est le premier à être distribué en France. À Lima, Gamarra, un flic, est désespéré par l’état de son épouse, Julia, qui se bat contre la maladie. Nancy, une vendeuse, est amoureuse de Gamarra et lui propose une solution pour récupérer l’argent nécessaire au traitement de Julia. De son côté, Felix, un ancien chauffeur de bus, est abandonné par sa femme et ses filles. On lui propose de faire des faux dollars tandis qu’il cherche à intégrer la confrérie religieuse du Seigneur des Miracles. Narciso, un supporter de foot déchaîné, va tout faire pour que son plus jeune frère, accusé de meurtre, soit transféré dans une prison où il ne risque pas sa vie… Tout se dénoue le jour de la procession, et de la finale de foot.

Il s’agit donc d’un film choral fait par petites touches qui s’assemblent lentement pour aboutir au jour tant attendu de la procession et du match de foot. Lors du débat aux Reflets du cinéma ibérique et latino-américain, les spectateurs ont demandé au réalisateur pourquoi il y avait tant de violence dans son film. Il a précisé qu’il y en avait encore beaucoup plus dans la réalité parce qu’il y a eu beaucoup d’immigration vers la ville, d’abord dans les années cinquante en raison d’une immigration intérieure, puis dans les années quatre-vingt à cause de la guerre et du conflit avec le Sentier lumineux. Mais il a voulu que son film soit aussi un hymne à sa ville, Lima. La tension et la violence sont telles que seul un miracle pourrait tout changer. Mais encore faut-il avoir la foi ! Il précise qu’il a vraiment voulu faire un film sur la foi et la recherche de rédemption. La procession du Seigneur des miracles est la procession la plus importante d’Amérique latine. Il a été un supporter des équipes de foot pendant quatre ans et l’histoire est également inspirée de ce qui est arrivé à une amie et il en fait une fiction. Un film bien réalisé et vraiment à découvrir.

Alain LIATARD