Né le 5 septembre 1914, le poète chilien Nicanor Parra, créateur de l’antipoésie, a 100 ans cette année ! La famille Parra est un véritable vivier d’artistes en tous genres au Chili. Nicanor, aîné de la famille, aime bousculer les codes. De son style littéraire à son discours lors de sa remise du Prix Cervantès de Littérature en 2011, il nous surprend et nous montre à quel point il est différent des autres poètes de sa génération.
L’antipoète
En publiant son Poèmes et Antipoèmes en 1954, Nicanor Parra crée un genre littéraire qui inclut dans la poésie des éléments absurdes ou sarcastiques, une poésie basée sur les événements de la vie quotidienne, écrite dans un langage direct, souvent irrévérencieux, parfois trivial. Se démarquant catégoriquement du Prix Nobel de littérature Pablo Neruda, visé directement, il clame : « Je cherche une poésie basée sur des faits et non des combinaisons ou des figures littéraires… Je suis contre la forme affectée du langage poétique traditionnel… ». Et d’ajouter modestement : « Je ne suis l’auteur de rien du tout parce que je pêche des choses qui circulent dans les airs… » Pour l’académicien Patricio Lerzundi, consulté par Ivan Carrasco dans son ouvrage Para leer a Nicanor Parra (Pour lire Nicanor Parra)(1), « Avec l’anti-poésie les poètes descendent de l’Olympe et sortent dans la rue ».
Un grand prix tous les 10 ans !
En 1991, Nicanor Parra reçoit le prix Juan Rulfo ; en 2001, le Prix Reine Sophie de poésie iberoaméricaine ; en 2011, le Prix Cervantès de Littérature, considéré comme le Nobel des lettres espagnoles. Son discours de remerciement fut bien sûr à la hauteur de sa réputation : lors de la remise du Prix à Madrid, il annonce « qu’il se plaindra aux organisateurs. En effet, comment peut-on donner un prix aussi prestigieux à quelqu’un comme lui ! Invraisemblable ! »
Un anniversaire activement préparé
Deux grands événements marqueront l’anniversaire à Santiago du Chili. D’abord, l’université Diego Portales met sur pied une exposition des œuvres complètes du poète : 232 pièces, objets, dessins, collages, peintures murales et vidéos sur sa vie et son œuvre. Il lira lui-même certaines de ses poésies lors d’une soirée très attendue. Lors de l’inauguration de l’exposition, Carlos Peña, recteur de l’université, n’hésita pas à affirmer que « Il n’y a pas d’autre figure dans la culture de langue espagnole –encore moins dans la culture chilienne, capable de montrer cette indépendance inflexible et incorruptible dont il a fait montre depuis un siècle… ». Le ton de l’exposition est donné dès l’entrée : elle s’ouvre sur un panneau collé sur une croix chrétienne vide sur lequel on peut lire « Voy y vuelvo » (Je pars mais je reviens) qui a donné son nom à l’exposition !
Le deuxième événement majeur de cet anniversaire est organisé par la maire de Santiago, Carolina Toha. Tout d’abord, la mairie parraine la réédition de Artefactos, l’œuvre qui, en 1972, avait définitivement placé l’artiste sur la scène des poètes particuliers. La définition espagnole du mot ‘artefactos’ est : objet formé par un ensemble de pièces et fabriqué dans un but déterminé. Ici, en l’occurrence, 250 cartes postales représentant des dessins dont un certain nombre dus au dessinateur Juan Guillermo Tejeda, des photographies, des textes, des réflexions, etc., placées dans une boite de carton dans le but de constituer une œuvre artistique.
La mairie « invite 250 organisations citoyennes à s’approprier l’œuvre du poète et de monter dans la ville des anti-expositions en utilisant les cartes postales qui sont à l’origine de la poésie pour ainsi réinventer l’initiative de l’antipoète… » Ces anti-expositions seront photographiées et exposées en décembre dans le hall de la mairie. Deux événements à ne pas rater si vous passez par Santiago en décembre… Bon anniversaire Don Nica !
Jac FORT ON
[1] Para leer a Nicanor Parra de Ivan Carrasco , éd. Universidad Nacional Andrés Bello, Santiago du Chili, 1999.
Voir aussi le site du service culturel de l’ambassade du Chili à Paris
L’exposition Voy y Vuelvo a été inaugurée le 7 août dernier dans les locaux de la Bibliothèque Nicanor Parra de l’université Diego Portales, 324 rue Vergara, Metro Toesca ou Los Heroes. Elle restera ouverte au public jusqu’en décembre. Site de l’expo