Guatemala : l’impunité, encore et toujours !

Espaces Latinos a suivi de près le procès du dictateur Ríos Montt qui, le 10 mai 2013, a été reconnu coupable de crimes de guerre et de génocide pour lesquels la juge Yassmin Barrios l’avait condamné à 80 ans de prison. Mais dix jours plus tard, la Cour constitutionnelle cassait le jugement. Malgré les recours déposés par le ministère public et les parties civiles, la Cour d’appel confirmait cette décision le 10 janvier 2014 ce qui invalidait toute la procédure. Le message était clair : au Guatemala, l’impunité des crimes commis par les dictateurs militaires contre le peuple, en particulier les massacres des Mayas Ixil, doit rester totale.

Pire. Les magistrats qui osent accuser ou condamner des militaires pour crimes contre l’humanité ou des malfrats pour crime organisé doivent être sanctionnés ! C’est exactement ce qui se passe en ce moment dans le pays. Ce fut d’abord la destitution de la procureure générale Claudia Paz y Paz qui avait osé, avec succès, s’attaquer au  crime organisé qui règne impunément en ce moment au Guatemala sous l’œil indifférent des autorités… En février dernier, la Cour constitutionnelle (encore elle) avait accepté un recours “pour manquement à l’éthique professionnelle” déposé par  un avocat et mis fin au mandat de la procureure sept mois avant son échéance ! Autre message clair : on ne s’attaque pas au crime organisé.

Depuis le procès contre le dictateur Ríos Montt, c’est le tour de la juge Yassmin Barrios. D’abord, elle est l’objet de menaces précises contre sa vie et celle de membres de sa famille. Fin avril, nouvelle attaque. Dans un communiqué du 24 avril 2014 rédigé et diffusé par le Collectif Guatemala (1), plusieurs associations françaises (2) dénoncent le fait que “le Tribunal d’honneur du collège d’avocats et notaires du Guatemala  lui a infligée une amende de 650 dollars, l’a suspendue de ses fonctions pour une année et a demandé que le Parquet ouvre une enquête pénale pour les infractions alléguées”. Cette décision fait suite à une plainte déposée par un avocat de Ríos Montt estimant que la juge l’avait “humilié publiquement”.

Dans ce communiqué, Janine Forestier, présidente de Terre des Hommes France, affirme que la suspension de la juge “s’inscrit clairement dans la dynamique de harcèlement et d’intimidations qu’elle subit depuis un an”. “Cette décision intervient étrangement à quelques mois de l’élection des 13 magistrats des hautes cours du pays, ce qui permettrait d’écarter la juge de façon durable” indique Marilyne Griffon, Présidente du Collectif Guatemala. C’est un coup clairement porté à l’indépendance de la justice. Le signal envoyé c’est qu’il en coûte cher de vouloir s’attaquer aux crimes du passé, aux affaires d’atteintes graves aux droits humains” ajoute Anne Boucher, responsable des programmes Amériques à l’ACAT. Pour ces associations, “la suspension de la juge Yassmin Barrios porte gravement atteinte à l’indépendance de la justice du pays”. Enfin, le communiqué précise que les associations “rappellent aux autorités du Guatemala l’importance capitale d’enquêter et de condamner pénalement les auteurs de graves crimes internationaux et de violations des droits humains. Pour arriver à cette fin, il convient de ne pas interférer dans la justice et notamment de ne pas chercher à restreindre l’action et l’indépendance des juges”.

Jac FORTON

 Notes
(1) Collectif Guatemala :  01 43 73 49 60, collectifguatemala@gmail.com.
(2) ACAT (Action des chrétiens contre la torture) : 01 40 40 40 24, pierre.motin@acatfrance.fr.  CCFD-Terre solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement)  : 01 44 82 80 67,  k.appy@ccfd-terresolidaire.org. Terre des hommes France : 01 48 09 46 48, cdg@terredeshommes.fr