Le canal de Panamá… en rade?

L’entreprise privée chargée de la construction des nouvelles écluses du canal de Panamá menace d’arrêter les travaux le 20 janvier si le Panamá refuse une « rallonge » de 1,6 milliards de dollars. Le Panamá a refusé…

L’appel d’offre de 2009 émis par l’Autorité du Canal de Panamá (ACP) concerne le creusement d’une troisième voie d’eau avec son jeu d’écluses devant permettre le passage du canal aux plus gros tonnages existants et à venir. Le projet a été gagné par le consortium Grupo Unidos por el Canal (GUPC) composé des entreprises italienne Impregilo, belge Jan de Nul, panaméenne Constructora Urbana et espagnole Sacyr Vallehermoso, responsable du projet (1). GUPC avait proposé la somme de 3,12 milliards pour la construction d’écluses côtés Atlantique et Pacifique, la somme la plus basse des entreprises en concurrence. Sacyr avait, à l’époque, été accusé de sous-estimer le coût des travaux pour renégocier ce coût plus tard, à la hausse bien sûr.

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L’ACP souhaite ouvrir une troisième voie destinée à recevoir des navires pouvant contenir jusqu’à 12.000 conteneurs au lieu des 5.000 jusqu’à présent. Les navires venant des océans  Atlantique ou Pacifique doivent être levés jusqu’au Lac Gatun, 26 m au-dessus du niveau de la mer ! Cet ouvrage aurait dû se terminer en août 2014, exactement 100 ans après la mise en service du canal. Mais des difficultés obligent à reporter l’inauguration d’au moins un an déjà…

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Lorsque l’on se rend sur le site du GUPC (2), on peut lire que « la capacité technique et l’expérience de projets d’infrastructure du groupe assurent un travail de haute qualité dans les temps convenus ». Ce n’est l’avis des autorités panaméennes. D’abord, la qualité du béton utilisé n’a pas convaincu les contrôleurs techniques de l’APC et il a fallu le remplacer, dont coût de 573 millions supplémentaires pour le Panamá. Ensuite, le projet est touché par une série d’accidents mortels, de grèves, de non-paiements des sous-traitants dont l’entreprise italienne qui monte les portes des écluses (3).

Paolo Moder, membre du Conseil d’administration du GUPC reconnaît que quand les excavations commencèrent, l’entreprise a découvert que la géologie de la zone était plus complexe que prévu : « Le surcoût se doit essentiellement aux problèmes géologiques non détectés… » (4)

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Colère de l’ACP

Jorge Quijano, l’administrateur du canal, est indigné : « Le GUPC veut nous forcer à renégocier hors des termes du contrat. C’est du chantage». Il a le soutien du président panaméen, Ricardo Martinelli : « Quand le GUPC a  répondu à l’appel d’offre, il a proposé un prix et maintenant ils viennent nous raconter qu’il faut monter ces prix ? » Il a décidé de se rendre en Italie et en Espagne pour demander aux deux gouvernements qu’ils convainquent les entreprises de leurs pays de respecter les contrats.  Résultat, la ministre espagnole du développement industriel, Ana Pastor, a annoncé qu’elle se rendrait à une réunion de concertation devant avoir lieu à Panamá fin janvier, en présence du président Martinelli, du président de Sacyr, Manuel Manrique, et de l’administrateur du canal.

Le Panamá a aussi contacté son assurance Zurich América pour connaître la procédure si le GUPC venait à abandonner la construction des écluses. Si c’était le cas, le gouvernement déclare avoir un Plan B qu’il n’a pas rendu public . Si le GUPC abandonnait la construction, il s’agirait d’un des plus grands scandales internationaux depuis la construction du canal.

Jac FORTON

(1)     Jan de Nul est un spécialiste mondial du dragage. Impregilo est le principal groupe BTP d’Italie. Constructora Urbana est spécialiste de la construction de routes et de ponts au Panamá. Sacyr Vallehermoso est spécialiste en infrastructures.

(2)     http://www.gupc.com.pa

(3)     Agences AFP et DPA du 4 janvier 2014.

(4)     Journal El Mundo de Madrid du 5 janvier 2014.