Alain Rouquié : Le Mexique, un état nord-américain

Un ouvrage d’analyse sur le Mexique, le regard extérieur d’un diplomate connaisseur des sociétés latino-américaines. Un livre d’actualité à ne pas manquer. Alain Rouquié raconte le Mexique depuis sa création – ce nom provient du mot nahuatl mexica, nom d’une des civilisations existantes sur ce territoire avant l’arrivée des Espagnols-, jusqu’à nos jours, en passant par l’Indépendance de 1810 et la Révolution de 1910.

Son objectif est de montrer et expliquer ce qui rend le Mexique si caractéristique, particulier, original et différent des autres pays d’Amérique Latine dans la création et conception de son État-nation après l’indépendance de 1810 et la Révolution de 1910. Mais en même temps ce qui le rend si proche de ses voisines du sud, les autres sociétés latino-américaines. Pourquoi et comment la construction de cet état est particulière par rapport aux autres nations Latino-Américaines. Les défis et enjeux internes et extérieurs qu’il a dû affronter au cours de son histoire.

Pourquoi ce pays a été traversé par une révolution débutant en 1910, longue et symbole pour réaffirmer l’identité mexicaine forte et déjà très marquée durant toute son histoire. La construction d’un état moderne débute grâce à la rupture révolutionnaire, un système politique incomparable, très « mexicain ».

L’originalité de l’identité mexicaine et sa force sont d’une part les sociétés pré-hispaniques (disent les mexicains et non précolombiennes), la revendication de ce passé et de l’existence de civilisations riches et savantes avant la conquête espagnole, la colonisation ; et d’autre part sa position géographique comme voisin de la première puissance mondiale, les Etats-Unis.

Pour les mexicains Colomb et Hernan Cortés dans ce cas ont « découvert » ce qui sera la Nouvelle Espagne comme les civilisations peuplant ce territoire ont découvert les Espagnols à ce moment de l’histoire. Ce fut la rencontre de deux cultures et jamais l’une conquérant l’autre. Le Mexique est fier et convaincu de ses origines qu’il défend, protège et rappelle sans cesse. C’est la source de sa richesse, de son origine. Une constante dans tout son passé jusqu’à nos jours. L’identité mexicaine se base sur le mélange de deux cultures, le métissage revendiqué. Les expressions de cette base identitaire s’expriment à travers l’art, à travers la création très tôt d’un musée public d’histoire et d’anthropologie et d’un institut national indigéniste promus par l’État. Elle s’exprime aussi à travers le syncrétisme religieux avec la Vierge de Guadalupe symbole et reine du Mexique depuis le 19ème siècle.

L’autre point marquant de la construction de la Nation et de l’État mexicains est la frontière avec les Etats-Unis. Le seul pays d’Amérique Latine affrontant de plein fouet, depuis le 19ème siècle, les interventions, ingérences de ce voisin dérangeant et distant avec lequel le Mexique doit maintenir un rapport, un équilibre délicat et compliqué à la fois. Il est réellement la passerelle entre les Etats-Unis et les pays d’Amérique latine. Ce voisinage incommodant a des impacts perpétuels dans les décisions et choix de politique intérieure et extérieure mexicaines. Comment ne pas être happé par la culture anglo-saxonne nord-américaine ? Comment ne pas être considéré comme l’arrière-boutique des Etats-Unis ? Ce trait influence la relation du Mexique avec « l’étranger » : se protéger grâce au principe de non-intervention, conserver son identité devenue si forte et résistante malgré les évolutions économiques et politique impliquant dans ce 21ème siècle, plus d’échanges et d’ouvertures dans tous les domaines, même culturels.

Le Mexique a toujours perçu qu’il appartenait à l’Amérique latine avec laquelle il s’identifie pleinement tout en étant obligé d’affronter des relations extérieures très particulières avec les Etats-Unis, un voisin incontournable trop présent bien qu’il ne s’intéresse guère à savoir vraiment qui sont ces mexicains, voisin du sud, voisins très indisciplinés selon leurs normes libérales anglo-saxonnes.

Une identité mexicaine et latino-américaine qui présage un avenir parsemé d’embûches mais plein d’espoir dans la redistribution des forces économiques dans le contexte international actuel.

Catherine COLLET PINTADO

Alain Rouquié, « Le Mexique, un état nord-américain », éditions Fayard, 2013