Le roman « Nager nues » de Carla Guelfenbein

Jusqu’à quel point peut-on oublier le passé douloureux, à la fois historique et personnel ?

Diego, 45 ans, chilien et proche d’Allende ; sa fille, Sophie, 18 ans, franco-chilienne, fragile et artiste peintre ; Morgana, 24 ans, espagnole, vivant deux étages au dessus et amie presque fusionnelle de Sophie ; et puis la passion secrète qui se transformera en véritable amour entre Morgana et Diego : le coup d’état éclate et bouleverse tout !

Les années passent, on se retrouve en septembre 2001, sur fond d’attentats aux États-Unis, Sophie artiste renommée à Paris mais très solitaire, fait le point, elle a volontairement enfoui dans sa mémoire ce passé chilien qu’elle rejette totalement, mais peu à peu elle le regrette et décide de sortir, si elle le peut, de ce silence étouffant, elle a une sorte de mission à accomplir. Les parents de Morgana, franquistes, ont, eux aussi, retransformé les souvenirs et emporté dans la tombe le passé réel de leur fille.

Voilà l’originalité du roman, cette analyse très pointue de l’oubli volontaire et des séquelles que l’on traîne toute une vie, quand tout le monde va écrire sur la mémoire et la résilience. Si on y ajoute une écriture raffinée, des mots justes, des phrases ciselées, des émotions fortes dans un récit tantôt haletant, tantôt poignant, sans oublier une reconstitution très prenante de l’atmosphère très trouble dans les rues de Santiago avant le coup d’état, et de l’angoisse pendant et après le jour funeste, voilà de bonnes raisons de découvrir au plus vite cet excellent roman.

Louise LAURENT

Carla Guelfenbein, Nager nues, traduit de l’espagnol (Chili) par Claude Bleton, Actes Sud, 273 pages, 22 €.

Éditions Actes Sud.